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Avignon : Les Hivernales #39

Coup de théâtre monumental pour le festival, Les Fragments mobiles d’Yvann Alexandre, avec sa trentaine d’interprètes, est accueilli dans la Grande Audience du Palais des Papes. Ce spectacle qui a impressionné par sa finesse, son équilibre et sa poésie lors des premières représentations à la Conciergerie de Paris pour le festival Faits d’Hiver ( lire notre critique ) devra ici dialoguer avec un autre espace, tout aussi monumental, et résonnera à travers une autre histoire, non moins dramatique. Grave par sa tonalité et ses allusions à la guerre et la mort, quasiment aérien par sa texture et sobre par sa modalité, Les Fragments mobiles ne nie rien d’un passé douloureux, mais ouvre sur l’avenir et l’harmonie, en inscrivant sensiblement un esprit contemporain dans l’architecture du passé. Discrète mais omniprésente, cette fresque chorégraphique sera à la Grande Audience ce que la pyramide de Ieoh Ming Pei est au Louvre.

Le teaser des Hivernales #39 :

On ne saurait mieux trouver que ces Fragments mobiles pour ouvrir la nouvelle édition des Hivernales, la première sous la direction d’Isabelle Martin-Bridot. L’ancienne secrétaire générale du CDC saura maintenir le cap après le conflit autour du départ d’Emmanuel Serafini. Dans son éditorial, elle remarque: « A l’heure d’écrire une nouvelle page pour le Centre de développement chorégraphique, les doutes que propose l’avenir nous obligent à repenser le sens et la pertinence de nos actions, à être toujours plus attentifs à l’évolution de notre société... »

Ce qui s’efface, laissant des traces

En effet, le monde semble arriver à un point de bascule, et les artistes doivent redéfinir leur rôle. Beaucoup des créations de cette édition reflètent cet état d’incertitude. Les nouveaux artistes associés au CDC Les Hivernales, Sylvain Bouillet et Mathieu Desseigne (NaïF Production), qui mêlent danse et cirque contemporains, présentent La Mécanique des ombres, trio masculin qui part de la perte du visage. Que reste-t-il de l’identité d’une personne, comment changent les relations ? Avec leur travail sur la chute, leurs acrobaties et leur gestuelle mécanique et drôle à la fois, ils ont remporté le 1er prix du jury et le prix du public au concours (Re)connaissances 2016.

On peut suivre ce fil avec le solo Absentia de Liam Warren, qui part à la recherche des traces laissées par un corps dans un espace vide. Ou  encore avec Effacée(s), solo féminin conçu par Wendy Cornu qui relève les différentes façons dont la société s’approprie le corps de la femme, effaçant la personne. Malgven Gerbes et David Brandstätter se penchent, sur le legs de la post-modern dance à la scène actuelle, en sollicitant une interprète originelle de la compagnie de Trisha Brown dans une création mondiale: Yes No Maybe Too. Dans D’œil et d’oubli, Nans  Martin « propose d’habiter l’absence en artisan de l’ombre et de la lumière. »

Ce qui s’insurge

Par contre, si Frank Micheletti et ses Kubilai Khan Investigations nous disent que Bien sûr, les choses tournent mal, leur pessimisme se déccline au 2nd degré, car ils déploient force et énergie pour s’insurger contre toute fatalité (lire notre critique) .

Même état d’esprit dans la création principale de cette édition, Brûlent nos cœurs insoumis, de Christian et François Ben Aïm, quatuor masculin autour des notions de fraternité et de la figure de l’insoumis, pour dire que la liberté se défend et se conquiert par la force de l’individu. Cet optimisme est partagé par Nabil Hemaïzia qui affirme : Du chaos naissent les étoiles. Ce B-boy du collectif 2 Temps 3 Mouvements signe ici sa première création personnelle et met en scène cinq danseurs dans un manifeste optimiste.

Ce qui suit son cours

A la Chartreuse, Myriam Gourfink explore les relations féminines dans le quatuor Gris (lire la critique), dans la série de ses  expériences hors du temps, où l’infime devient l’enjeu principal. On sait l’appel à la contemplation et la méditation qu’offrent les créations de Gourfink, mais elles offrent également au spectateur l’occasion d’affiner son observation du détail. Un festival de l’ampleur des Hivernales n’a pas tort de confronter, sur le long terme, des écritures aussi spécifiques que celle de Gourfink aux changements du monde. Ce sont même ces incertitudes croissantes qui font apparaître plus clairement la force qui réside en une démarche aussi irréductible.

Difficile de trouver une approche plus antinomique que les spectacles documentaires de Gerbes/Brandstätter. Ou bien prenons le mélange de danse, voyages, arts plastiques, environnement urbain et matière qui caractérise les recherches d’Ex Nihilo, la compagnie de Jean-Antoine Bigot et Anne Le Batard. A la Maison Jean Vilar, ils mettent un tableau, des carreaux de plâtre et des plaques de bois au centre de l’événement chorégraphique.

Et puis, on verra les derniers spectacles de Christian Rizzo (lire notre critique) et d’Amala Dianor (lire notre critique) , laissant le mot de la fin à Emio Greco/Pieter Scholten (lire notre critique) en clôture de festival, à l’Opéra Grand Avignon.

Thomas Hahn

Programmation principale: du 18 au 25 février 2017

www.hivernales-avignon.com

 

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