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La danse en question à Montpellier Danse

Après Nacera Belaza, il semble bien qu’à Montpellier Danse, le sujet de cette 36e édition soit ce qu’est l’essence de la danse. La réflexion pouvait donc se poursuivre avec Jacopo Godani, nommé à la suite de William Forsythe à la tête de la Dresden Frankfurt Dance Company et Christian Rizzo avec Le syndrome Ian.

Mon premier, à savoir Primate Trilogy de Jacopo Godani est une sorte de pièce « Canada dry ». Ça ressemble à la gestuelle de Forsythe, à la musique de Forsythe, et même aux danseurs de Forsythe, mais c’est du Forsythe sans esprit, sans génie, et sans intérêt.

Mon second, le Syndrome ian, est a priori une « danse trouvée », piochée dans des souvenirs de clubbing et donc susciter une forme plutôt du côté du divertissement. Or c’est une danse profondément prenante, intelligemment menée et donc à classer dans une danse – certes d’origine populaire – mais tout à fait savante.

À quoi ça tient ?

« Toujours une banalité flotte entre le spectacle dansé et vous » écrivait Stéphane Mallarmé. Dans le cas de Godani, un de nos confrères (Philippe Verrièle) l’a résumé magistralement dans une formule : « In the Middle Somewhat Bored » pastichant le titre d’un chef-d’œuvre de William Forsythe. Et en effet, Primate Trilogy reprend bien tous les pas d’In the Middle Somewhat Elevated… mais sans savoir pourquoi, et surtout, sans utiliser le contrepoint dans lequel Forsythe est passé maître.

Chez Godani, on passe d’un unisson assénné, symétrique, à des solos et des duos démonstratifs. Pas de rapports entre les deux. Une sorte de placage des enchaînements les uns à côté des autres nous rappelle à juste titre ce que n’est pas la danse, à savoir, une succession de pas. Et ceci, aussi complexe et virtuose soit-elle.

Chez Rizzo, au contraire, on ne verra pas le moindre pas virtuose. Tout tient justement par ce fameux contrepoint : assonances, dissonances et fausses relations parsèment la pièce, lui donnant sa saveur et sa profondeur de champ. La vibration de la musique électronique accentue l’intimité des couples tandis que le dispositif lumineux  conçu comme une œuvre plasticienne ponctue l’obscurité. À travers les mailles de ce filet clair-obscur, passent du désir, des larmes rentrées, une nostalgie pour les années 80, de la délicatesse.

En regardant ces hommes et ces femmes qui semblent danser pour eux-mêmes, se dessine une angleterre des années 80 (la référence avouée de Christian Rizzo) avec ces hommes en « bras de chemise » qui s’étreignent, cet abandon un peu désespéré, cette solitude irréductible dans le collectif, ces déhanchements pour oublier. Pour oublier que la fête est finie et que la mort rôde ? Peut-être. La pièce, en hommage à Ian Curtis, a quelque chose d’une ode funèbre, mais aussi de profondément politique.Cette irruption de la mort dans les endroits réservés à la jeunesse et au plaisir évoquant directement le Bataclan, Orlando, ou, plus loin de nous, l’hécatombe due au Sida dans les années 80. Et c’est bien en cela que Christian Rizzo touche à la matière même de la danse qui est faite de pensée et non de positions, de métaphysique plus que de physique.

Agnès Izrine

Les 24 et  25 juin 2016 – Festival Montpellier Danse – Opéra Comédie (le syndrome ian), Le Corum (The Primate trilogy)

À voir les 21 et 22 septembre à la Biennale de la danse de Lyon

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