« If You Could See Me Now » d’Arno Schuitemaker
Créée en 2017, la pièce du chorégraphe néerlandais Arno Schuitemaker avait fait une première apparition en France aux Rencontres Chorégraphiques de 2019 et avant de plonger, du fait des restrictions liées à la pandémie de Covid, dans un sommeil forcé. Après des annulations en série, c’est à Séquence Danse (Espace 1789) puis à L’Onde de Vélizy qu’on a pu (re)découvrir la semaine passée cet élixir d’énergie aux « faux » airs de clubbing.
Boîte de nuit, dance floor, club, party, rave ... L’énergie de la fête et de la nuit inspire de nombreux chorégraphes, de Gisèle Vienne (Crowd - lire notre critique), Christian Rizzo (Le syndrome Ian - lire notre critique), Tatiana Julien ( After - lire notre critique), Julien Grosvalet (M.A.D - lire notre critique) à récemment Michèle Murray (Dancefloor - lire notre critique) – pour ne citer qu’eux. Chacun ciblant un objectif propre, tous s’entourant d’ un bon nombre d’interprètes.
Ici, ils sont trois. Une femme, deux hommes, déjà au plateau à l’arrivée du public, dansent sur une musique électronique – composée par Will Selles. Solidement ancrés sur leurs jambes, avec un centre tenu très fort au niveau du bassin permettant de libérer toutes les parties du corps, c’est au départ une danse pour « qui veut tenir toute une nuit en rave techno, relativement sur place, relativement contrôlée. Les bras, les épaules quelques torsions de la taille et de légers déhanchements marquent le rythme. Ils ne s’arrêteront pas et nous comprenons alors que cette pièce excède le clubbing suggéré par cette première image pour s’attacher à l’endurance et l’épuisement.
La performance réside bien évidemment dans la résistance physique exceptionnelle des danseur.euses mais aussi dans une construction subtile, allant en crescendo. Les trois clubbers, solitaires, se retrouvent cycliquement dans une orientation commune ou un geste similaire, en trio. Ce va-et-vient allant de soli à tutti est assez fascinant. Petit à petit, l’ondulation, répétitive, devient hypnotique et la montée en puissance s’opère.
La dramaturgie tient essentiellement dans cette spectaculaire montée d’énergie. Un jeu de lumières façonne l’ensemble, démultiplie les corps en ombres portées et arrive, au paroxysme de la pièce, au morcèlement stroboscopique. Un moment qui dure assez longtemps. Nos trois individus sont en immersion totale dans la musique et la danse. Le public aussi, happé par l’effet d’hypnose. Impossible de rester extérieur à la dynamique du plateau ! Les danseurs semblent vouloir se débarrasser de quelque chose, une vieille peau, une charge. Leur danse est comme une mue qui expulse et libère.
Aux trois-quarts de la pièce, arrive la décélération. Laissant de côté la pulsation, la musique entre dans une phase de résonnance sonore, plus ambiancée. Pliés, saccades et torsions, ralentissent, prennent de l’ampleur et une rondeur plus chaloupée. Il ne restera bientôt plus qu’une onde, un souffle, et les danseurs rincés… Pour les spectateur.rices , l’ expérience est plutôt intense.
If You Could See Me Now vient clore une trilogie commencée avec While We Strive (2016) (lire notre article) et explore une nouvelle fois les thèmes chers à Schuitemaker, la relation étroite entre le corps et le son, la force du harassement, de l’endurance, du dépassement et l’espoir d’une nouvelle réalité.
Marjolaine Zurfluh
Vu le 13 avril 2023 à L’Onde de Vélizy
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