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Hivernales d’Avignon : La 41ème édition

Du 30 janvier au 16 février, Les Hivernales rendent hommage aux femmes pour affirmer leur force, leur diversité et leur liberté.

Les Hivernales ne sont pas un festival qui a l’habitude de soumettre ses éditions à des thématiques particulières. Mais en cette année nouvelle, que l‘on souhaite joyeuse te chorégraphique à tout.e.s, un volontarisme explicite se déclare. Pour la 41ème, Isabelle Martin-Bridot annonce cependant une démarche explicite: Donner la parole aux chorégraphes et interprètes femmes et leur donner de la visibilité pour célébrer leur force et leur diversité. C’est le décès de Françoise Héritier, survenu en novembre 2017, qui inspira à Martin-Bridot de reprendre le flambeau de la grande anthropologue et féministe dans la lutte contre « l’effacement du féminin », dans l’idée d’une société plus solidaire et plus juste.

Car les artistes chorégraphiques de cette édition sont pour la plupart engagé.e.s dans des démarches orientées vers l’humain et la société. Ce sont des démarches citoyennes. Et curieusement, on peut citer le titre du seul spectacle entièrement masculin pour évoquer ce regard sur le statut de l’artiste : Des gens qui dansent. Où les spectacles sont le reflet d’un positionnement humain et humaniste. Le chorégraphe Mathieu Desseigne-Ravel conclut: « Un spectacle d’hommes parle nécessairement de l’absence des femmes. » Il donne aussi une suite à son titre: petite histoire des quantités négligeables. Une pièce sur un « groupe d’hommes solitaires, une petite communauté du déséquilibre, orpheline de la moitié d’elle-même. »

Femmes engagées

Pour s’approcher de cette autre moitié, on leur recommande donc d’aller voir quelques autres spectacles des Hivernales 2019, où les femmes montent sur scène pour parler du réel. Par exemple, les Footballeuses de Mickaël Phelippeau, dans toute leur véracité de femmes qui dansent, alors qu’elles investissent le plateau en leur qualité des sportives.

Ou bien l’Irlandaise Oona Doherty qui prête son corps de femme à une évocation des jeunes mâles des rues de Belfast pour leur donner une voix chorégraphique et sociale [lire notre critique]. S’y construit un dialogue émotionnel entre une réalité sociale qui s’inscrit dans le corps avec fermeté et une aspiration à la sérénité et au bonheur.

L’essence est la même dans Fúria de Lia Rodrigues avec ses images d’une population démunie mais en quête de force lumineuse  [lire notre critique] et dans Soulèvement de Tatiana Julien qui interroge dans son solo notre désir d’action collective  [lire notre critique].

Comme Oona Doherty, Tatiana Julien interroge la représentation du masculin et du féminin. Mais personne ne place cette dichotomie aussi explicitement au centre de sa démarche que Paul/a Pi, dans Ecce (H)omo, un hommage à la danseuse expressionniste Dore Hoyer. De là, il n’y a qu’un pas jusqu’à l’auto-mise en scène de Mercedes Dassy dans son solo i-clit qui interroge la représentation du corps de la femme dans le monde actuel, et questionne le rôle actuel du mouvement féministe.

Alors, comment envisager un tel tableau d’un mouvement de femmes sans la doyenne ? Maguy Marin ne présente pas de spectacle dans cette édition! Mais elle a tout de même une bonne raison d’être présente. Car on pourra voir, le 4 février au cinéma Utopia, le film-portrait que lui consacre David Mambouch : Maguy Marin, L’urgence d’agir, un documentaire sur la chorégraphe et sa compagnie.

Femmes libres

Ces questions sont présentes de façon plus métaphorique dans le solo Cellule de la krumpeuse Nach [lire notre critique] et dans l’épatant Carmen(s) de José Montalvo. Cette fresque joyeuse où se rencontrent des femmes en rouge et des B-Boys, le flamenco, la danse classique, contemporaine et coréenne, est un hymne à la liberté et s’affiche, par son format et le lieu - l’Opéra Confluence - comme le spectacle phare des Hivernales 2019 [lire notre critique].

Le mistral ne changera rien à ce qu’on pressent ici beaucoup de passion et de débats pour chauffer l’ambiance autour de ces spectacles qui creusent de nombreux enjeux concernant le vivre-ensemble. Mais aussi essentiels que ces réflexions puissent nous paraître, le propos d’Isabelle Martin-Bridot n’est pas d’enfermer les femmes chorégraphes dans un rôle précis. Leur liberté d’expression, véritable enjeu de cette édition des Hivernales, inclut la possibilité de créations plus intimistes et poétiques.

Par exemple, le tout nouveau trio - féminin, bien sûr - intitulé Quand j’ai vu mon ombre vaciller de Mélanie Perrier, où les interprètes déambulent les yeux fermés et amènent le spectateur dans une expérience immersive à la lisière du visible, dans un monde de silhouettes, de sons et de fumée.

Et le duo Ornement de Vania Vanneau et Anna Massoni  se déroule dans un paysage sensoriel en transformation permanente, au gré d’un dialogue entre l’air, la peau et les pigments, pour évoquer paysages et drames véhiculés à travers l’histoire de la peinture et de la sculpture. Et l’Israélienne Meytal Blanaru interroge, dans We were the future, la persistance et l’intégrité de nos souvenirs.

Thomas Hahn

Les Hivernales, 41ème édition  du 30 janvier au 16 février 2019

www.hivernales-avignon.com

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