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« Paquita » de Pierre Lacotte par le Ballet de l’Opéra national de Paris

Une pièce historique tant dans son récit d’époque napoléonienne que dans sa dimension de reconstruction chorégraphique.

Comme souvent dans les ballets du XIXe siècle, l’argument se veut théâtral. Paquita n’échappe pas à la règle avec son histoire rocambolesque. Comme son titre le suggère, l’action se déroule en Espagne vers 1810, sous l’Empire napoléonien (Empire étant d’ailleurs son titre premier), le tout vu du côté français. Pour résumer : le général d’Hervilly, en compagnie de sa femme et de son fils, Lucien, vient inaugurer la construction d’une plaque commémorative en l’honneur de son frère assassiné tout comme sa femme et sa fille en 1795. Sont également présents le Gouverneur de la province Don Lopez de Mendoza, qui déteste en son for intérieur les Français, et sa sœur Serafiña dont la main est promise à Lucien. A l’occasion de cet hommage, le village est en fête, et une troupe de gitans, avec la jolie Paquita dont le chef, Iñigo est amoureux, vient danser. Après toute sortes de péripétie, Paquita se révèle être la fille du général assassiné, enlevée par les gitans, que Lucien peut alors épouser.

Le problème de ces ouvrages tient aux ressorts dramaturgiques, il faut beaucoup de pantomime pour faire avancer (et comprendre !) l’intrigue, et la danse, souvent virtuose, paraît alors, dans sa composition abstraite, sortie de nulle part. Et si certains ballets comme Giselle ou Le Lac des cygnes arrivent à relever le défi de conjuguer ces deux aspects avec brio, Paquita, au contraire, peine à en faire la synthèse, et la recréation ou reconstitution de Pierre Lacotte à partir de bribes éparses, et d’une transmission orale, plus que d’un solide corpus, en porte la marque. D’ailleurs, est-il vraiment possible aujourd’hui de se mettre dans la peau d’artistes du XIXe siècle ? D’autant que ces événements, qui ne devaient pas leur sembler si anciens, lors de la création initiale de cette œuvre par Joseph Mazilier en 1846, nous sont aujourd’hui étrangers. Ce qui semblait déjà une gageure en 2001, lors de la Première, et en 2015 lors de sa reprise, paraît encore plus compliqué en 2025…

Pas facile, donc pour les danseurs et les danseuses de tenir le juste milieu, qui ferait d’eux des acteurs convaincants et des artistes virtuoses. Bleuenn Battistoni, dans le rôle titre, et Marc Moreau dans celui de Lucien d’Hervilly sont pleins d’esprit dans leurs pas et leurs gestes, et sans doute un peu moins affûtés au niveau théâtral. Mais comment pourrait-il en être autrement, tant ce premier acte est maladroit dans son récit ? Reste que le charme et la maîtrise technique de ces deux étoiles emporte suffisamment le public pour que les défauts mélodramatiques s’estompent. Pure représentante de l’école française, Bleuenn Battistoni avec la rapidité et la précision de son bas de jambe, la délicatesse de ses pieds et le moelleux de ses bras, campe une Paquita très séduisante. Marc Moreau a tout du Prince idéal, et se fait remarquer par ses amortis silencieux.

Galerie photo : Laurent Philippe

On n’en dira pas autant des danses collectives, et notamment des Villageois, et des Espagnols du célèbre « Pas des manteaux » qui installent une sorte de bazar sur le plateau tans les ensembles sont brouillons, exécutés à moitié – ou plutôt totalement au sens premier du terme ! – et, si j’osais, par-dessus la jambe. Nous savons bien que les matinées ne sont pas si aisées, mais le public présent vaut tout autant celui des soirées !! Les danseuses, même si elles peuvent manquer un peu d’entrain, sont plus disciplinées et plus professionnelles.

Galerie photo : Laurent Philippe

Côté « Gitans » ça se tient, couronné par l’Iñigo d’Andrea Sarri, bondissant et brillant technicien, même s’il pèche un peu par excès de pantomime. Mais surtout, c’est dans le fameux Pas de trois, (surnommé par Petipa lui-même « Le Pas de trois en or ») qu’étincellent Hortense Millet-Maurin, Clara Mousseigne et Chun-Wing Lam. La première est juste parfaite, la seconde piquante, et le troisième virtuose à souhait. On s’amusera de savoir que la variation du danseur au lieu d’être composée par Ludwig Minkus, (le reste de toute la partition de Paquita étant signé E.M.E.Deldevez) l’a été par Charles Adam (le compositeur de Giselle) et qu’il lui donne manifestement des ailes !

La deuxième partie est tout entière acte de bravoure, avec son célèbre « Grand Pas » une véritable leçon de composition classique, un exercice de style bien mené toujours aussi impressionnant.

Galerie photo : Laurent Philippe

Et les élèves de l’Ecole de danse dans la Polonaise complexe que leur a concoctée Pierre Lacotte, démontrent, visiblement avec plaisir, l’excellence de leur enseignement.

Agnès Izrine

Le 29 décembre 2024 à l’Opéra Bastille.

 

 

 

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