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« XXY [ɛks/ɛks/wʌɪ] » de Clotilde Rullaud

Dans la continuité du film XXY [ɛks/ɛks/wʌɪ] qu'elle a réaliséClotilde Rullaud, autrice, réalisatrice et musicienne, poursuit sur scène sa reflexion sur le féminin. 

Après le film, XXY [ɛks/ɛks/wʌɪ] la pièce. La pièce seule, le jour de la générale, où nous étions. Cela, pour raisons techniques, le vidéoprojecteur ayant fait un caprice. Si bien que la parité entre les hommes et les femmes, a priori recherchée par l’autrice Clotilde Rullaud, clairement annoncée  par un titre faisant référence aux chromosomes fixant le genre féminin, n’a pu être respectée. Les images devaient en effet compléter le casting à 80% masculin des interprètes en présentiel sur le « plateau de Vanves » – expression qui désigne le quartier de la banlieue sud de Paris et la scène du théâtre vanvéen.

De la musique avant toute chose

N’ont cependant pas manqué d’autres moyens artistiques et techniques visant, comme souhaité par Clotilde Rullaud, à « déconstruire un système d’oppression lié au genre ». L’objectif de valoriser les femmes en général et les artistes femmes plus spécialement étant de nos jours partagé – cf. Le Dictionnaire universel des créatrices publié en 2013 par les éditions des femmes, et les spectacles assez nombreux illustrant cette question, comme par exemple celui de Lara Barsacq consacré à Bronislava Nijinska. (lire notre critique et notre entretien)

L’orchestre de cinq musiciens – Grégory Dargent, à la guitare électrique et au synthétiseur modulaire ; Anil Eraslan, au violoncelle ; Fanny Lasfargues, à la basse électroacoustique Washburn ; Jean-Louis Marchand, à la clarinette basse ; Clotilde Rullaud, à la flûte traversière et aux vocalises – est à l’arrière-scène sur un piédestal ( le théatre n'ayant probablement pas eu le temps de creuser sa fosse d'ochestre pour l'occasion). Il a joué plusieurs thèmes dans un style proche du jazz cool, après une amorce assez « free » permettant aux artistes, littéralement, de s’accorder.

Arts Déco

La scéno tient à deux structures métalliques conçues et réalisées par "Reicko" Willy Pierre-Joseph. Deux cubes évidés, réduits à leurs arêtes, prolongés en hauteur par deux rideaux de fils devant servir d’écrans cinématographiques, placés l’un à jardin, l’autre à cour. Ces gigantesques dés ont leur utilité. Ils serviront d’agrès et permettront aux jeunes gens de montrer leurs qualités musculaires, gymniques, acrobatiques. Un inconvénient, cependant : ils étriquent l’espace, les cinquante minutes que dure le show. 

Derrière ces structures, tournicotent, fixées aux cintres, cinq lanternes également de forme cubique, dont seule une, celle du milieu, sera et restera allumée. Les vêtements, imaginés par Iuliia Gulina, sont en noir et blanc, proches des uniformes et doubles, bifaces à la fois, comme dans ces anciens numéros de cabaret où le corps de l’artiste était féminin d’un profil et mâle de l’autre. Ont été ajoutés aux manches d’un blouson Adidas et aux pattes de deux pantalons des froufrous de danseurs de mambo. 

Bal populaire

La danse, parlons-en. On était venu pour elle, après tout. Si celle-ci ne pouvait se passer de vidéo, voire de musique, elle deviendrait art pour la galerie, pas pour la scène. Heureusement, nous n’en sommes pas là et le quintette fera tout pour justifier sa présence réelle, corporelle, charnelle. Que ce soit en groupe ou en solo. La chrysalide du début, nichée sous le quadrilatère de droite, finit par s’éveiller, comme la belle endormie et se mettre en station debout. En marche.

Plusieurs disciplines sont abordées par Adrien Goulinet, Willy Pierre-Joseph, Eliott Pineau Orcier, Edwin Saco aka « Jamsy », Djeff Tilus aka Jeff Steel : le hip hop, bien sûr, avec ses propres variantes (le locking, la breakdance), mais aussi l’Afro, le jazz, la gymnastique, le krump. Si la virtuosité ne semble pas être la préoccupation première de l'autrice qui insiste plus sur la question du genre, les danseurs assurent suffisamment et, surtout, sont à même  d’illustrer, par l’exemple, preuves à l’appui, la thématique de Clotilde Rullaud. Ils mixent, pour certains, quasiment dans une même phrase, un même élan, la virilité la plus rustaude ou costaude et la partie féminine enfouie ou refoulée.

Nicolas Villodre

Vu à la générale le 9 décembre 2021 au Théâtre de Vanves.

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