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« CorrespondanSe » au Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine
CorrespondanSe ! Tout le monde descend ! Plus précisément à l’arrêt Mairie de Vitry du tram n° 9 récemment mis en service. Ou, pour paraphraser Coluche ainsi que se l’autorise le programme de cette manifestation : « Circulez, il y a tout à voir ! » Il est vrai que, du 24 septembre au 12 octobre 2021 – c’est pour bientôt – se tient à Jean Vilar un festival ayant a priori pour objet de nous révéler la création chorégraphique européenne, festival concocté en collaboration avec le Théâtre de Châtillon.
Bien obligé, la programmation est donc, comme on dit, éclectique. Cela va du travail de Marta Izquierdo Muñoz à celui de Christian Ubl, en passant par les opus des frères Ben Aïm, Meytal Blanaru, Christos Papadopoulos, Maxence Rey, Jasmine Morand et Fouad Boussouf. Ces pièces ont bénéficié de résidences, d’aides, voire de coproductions maison(s).
Apparemment, Guerillères, de l’Espagnole Marta Izquierdo Muñoz, qui sera présentée le 24 septembre, traite des « communautés féminines » et, à cet égard, complète le diptyque amorcé avec Imago-go, volet consacré au monde des majorettes. Toutes proportions gardées, la pièce s’inscrit dans la suite de deux chorégraphies historiques signées par des femmes : Amazones (1926) de Bronislava Nijinska et Le Massacre des amazones (1951) de Janine Charrat. Si massacre il y a, il se réfère au combat féministe en général et à celui des militantes politiques colombiennes après l’ère des FARC en particulier. Paradoxalement, la lutte est représentée de façon ludique, joyeuse, et même grotesque. La pièce s’inspire des idées sur le genre et du roman éponyme de la Française Monique Wittig. Le ton est un peu celui des bandes dessinées glorifiant les héroïnes féminines et les « supergirls » durant nos années soixante – en particulier Superwoman, Vampirella, Laureline, Scarlett Dream et Barbarella.
Nous avions eu l’occasion de voir à Micadanses un premier jet de Facéties (lire notre critique) de Christian et François Ben Aïm, qui sera montré le lendemain. Et nous en avions apprécié non seulement l’intention – celles-ci sont toujours louables sur le papier ! – mais le travail en cours qui, malgré l’indisponibilité d’un des interprètes blessés, était déjà très avancé. Les échos que nous en avons eus depuis ont confirmé non seulement l’aboutissement du projet mais sa réussite. Cela dans un domaine des plus exigeants qui puissent être, avec celui de la poésie : celui de l’humour. Nombre de gags étaient déjà en place. Les trouvailles visuelles ne devraient donc pas manquer. Les frangins ont le sens de la composition, donc aussi celui du rythme. Qui plus est, ils se révèlent ici comédiens, l’un gardant son quant-à-soi, l’autre assumant parfaitement son côté cabotin. Enfin, la distribution est tout à fait remarquable.
Passons aux choses sérieuses – quoique l’humour en fasse partie. La très talentueuse danseuse et chorégraphe israélienne, Meytal Blanaru, fixée à Bruxelles, donnera le 29 septembre sa dernière création, qui a pour titre Undivided, et qui fait appel à un trio l’accompagnant et/ou la soutenant sur scène. Le plateau, en l’occurrence, est dépouillé, d’après le compte rendu de la RTBF, partagé non pour diviser les protagonistes mais pour tenter de les unir fraternellement, chaleureusement et sensuellement : « Un regard, une main tendue invitent au partage ».Cet « être ensemble » inclut la présence aux côtés des interprètes d’un musicien s’exprimant live, comme on dit en novlangue ou néoparler.
Larsen C de Christos Papadopoulos, dansé par un sextet, pourra être découvert le 28 septembre. Papadopoulos, patronyme courant en Grèce, est, nous dit-on, un chorégraphe hors du commun. Son œuvre est analytique, qui décompose le mouvement, pointe la moindre nuance gestuelle, rythmique, musicale. Le décor est dépouillé, les danseurs, uniformément vêtus, peu à peu se détachent de l’obscurité. Le spectateur, invité à la contemplation, est censé atteindre, par sa disponibilité et après cette expérience artistique rare, l’état extatique. Maxence Rey présentera Passionnément, (lire notre critique) les 2 et 3 octobre, une pièce inspirée d’un texte du poète roumain Ghérasim Luca, dansée par un trio féminin et accompagnée par la musique d’un guitariste. La danseuse-chorégraphe indique son intention : « À l’heure où nos sociétés sont en feu, en mal de sens, de douceur et d’amour, ce texte m’offre le terrain de jeu idéal pour questionner encore et encore la démesure humaine, la nécessité vitale de l’humain à aimer et être aimé. » La Suissesse Jasmine Morand nous offrira sa pièce Lumen les 8 et 9 octobre au Théâtre de Châtillon – une navette étant prévue pour les Vitriots. La pièce a déjà su toucher les spectateurs l’ayant vue en primeur, captivés par les boucles gestuelles de danseurs en perpetuum mobile, silhouettés en contrejour sous l’épais clair-obscur, mus par les nappes de musique électro.
Thomas Hahn, ici-même, donnait par avance envie d’aller voir de plus près les deux derniers opus programmés par cette édition de CorrespondanSe. À savoir, le 10 octobre prochain, Oüm, du chorégraphe de l’étape, Fouad Boussouf : « Enracinée dans diverses cultures et traditions, la danse d’Oüm ( lire notre critique) fait le lien entre la tradition et le monde actuel. Unissons festifs et populaires dansés en spirale, les mains dans les poches. Le geste du buste et des bras de la danse Samā des derviches tourneurs. Évocation des pyramides comme dans la tradition acrobatique d’Afrique du nord. Superposition de danses au sol et de tracés verticaux de grande finesse, chaînes de corps et jeu avec leur poids, explosions de mouvements radicaux et presque violents. »
Enfin, last but not least, de La Cinquième saison, du chorégraphe d’origine autrichienne Christian Ubl, prévue pour le 12 octobre, notre collègue écrivait : « Neuf interprètes (dont un violoniste-chanteur et un DJ), vêtus comme pour une fête de plage, enchaînent joyeuses danses de groupe, poses, gestes, grimaces. Constituent des scènes grotesques, macabres ou sensuelles, inspirées de Brueghel l’Ancien (Combat de Carnaval et Carême) entre imagerie pieuse et dionysiaque. Dans La Cinquième Saison, Ubl brasse les traditions carnavalesques de la Sérénissime, des Caraïbes et de son Autriche natale, revues par le clubbing et les raves. » (Lire notre critique) Ces festivités cloront donc le festival.
Nicolas Villodre
https://www.theatrejeanvilar.com
Image de preview - Oüm - Fouad Boussouf © Elian Bachini
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