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Suresnes Cités Danse: Une 27e édition festive et engagée

Seize spectacles, dont sept créations sont au programme au Théâtre Jean Vilar de Suresnes. Plus que jamais, le festival est un incubateur de rencontres.

En démarrant la 27e édition par La Finale, Olivier Meyer boucle la boucle, dès le départ. La pièce d’ouverture 2019 est sa commande faite à Josette Baïz, avec le but affiché de démarrer joyeusement le festival, mettant en scène huit danseurs, entre break, claquettes et krump [voir notre reportage].

La Finale : Le titre fait allusion à une compétition, sous forme d’audition, livrant le prétexte d’un hommage aux danses urbaines et aux danseurs, dont Amel Sinapayen, bien connue depuis ses apparitions dans Dakhla d’Abou Lagraa et Do You Be de Nawal Lagraa, et Axel Loubette, issu du Groupe Grenade de Josette Baïz. La chorégraphe mélange ici plusieurs (ex-)interprètes de Grenade et des B-Boys aux capacités physiques différentes de celles cultivées au sein de sa propre compagnie. La musique de La Finale est une commande faite au compositeur de comédies musicales Thierry Boulanger, pour sa capacité à traduire en notes le suspense de la compétition.

Chantal Loïal: Quadrille républicain

Aucune contradiction entre danses urbaines, danses sociales et danses de cour. Pas à Suresnes, en tout cas. Le quadrille, danse de cour française, s’est transformé, aux Antilles, en danses créoles. Aujourd’hui, on le danse encore, au sein d’associations. Amener cet héritage au festival Suresnes Cités Danse est une façon élégante d’évoquer l’époque de l’esclavage, mise en rapport avec les danses urbaines actuelles. Chantal Loïal crée Cercle égal demi cercle au carré avec sa propre compagnie, Difé Kako, et des danseurs de quadrille guadeloupéens, dont une adepte éternelle affichant fièrement ses soixante-quatorze ans !

Retrouver Andrew Skeels et Farid Berki

Voici la coqueluche actuelle de Suresnes Cités Danse, un chorégraphe qui a su passer du hip hop à la danse classique : Andrew Skeels. Cet Américain reconverti Montréalais a marqué chaque édition du festival, depuis 2016. Il reprend cette année Finding Now, la pièce de clôture de l’édition 2018 [lire notre critique] avec la distribution originale pour faire revivre ce dialogue entre danses hip hop, classique et contemporaine.

Autre invité régulier : Farid Berki. Le fondateur de la compagnie Melting Spot propose Presqu’ils, un trio masculin qui s’adresse aux spectateurs à partir de six ans, pour « parler de la construction de la personnalité avec légèreté et innocence, dans un hymne à la curiosité », comme l’annonce Berki pour cette « pièce visuelle en référence à Méliès et aux films d’animation de Roland Topor ». Et on remarque une fois de plus à quel point les approches et les intérêts des chorégraphes hip hop rejoignent ceux de la danse contemporaine.

Attou/Merzouki: Retrouvailles marocaines

Autres retrouvailles à Suresnes: Celles avec Kader Attou, venu régulièrement au festival, et Mourad Merzouki (à Suresnes pour la première fois depuis 1997) avec leur création commune Danser Casa [lire notre critique], où huit b-boys marocains puisent dans leur quotidien une danse pleine d’émotion, qui porte en elle l’esprit de leur environnement urbain. Les deux cofondateurs de la compagnie Accrorap revivent là en quelque sorte l’esprit pionnier et authentique de leurs premières heures, en travaillant avec huit danseurs sélectionnés à Casablanca.

Exotisme danois

Olivier Meyer sait aussi nous surprendre, en tirant de son chapeau : La ville de Copenhague est peu présente sur notre carte chorégraphique. Et c’est là justement qu’il a trouvé Lene Boel, fondatrice de la compagnie Next Zone, qui interroge l’hybridation entre l’humain et la technologie et décline la danse hip hop à travers un langage contemporain personnel. Ses trois pièces invitées à Suresnes sont peuplées, selon leurs titres, d’Inuits, de Vikings et de super-humains. Boel travaille autant avec des B-Boys présents dans les battles qu’avec ceux qui ont ouvert les portes des studios de danse.

Muses

Anthony Egéa, penseur et novateur d’une finesse toute particulière, a imaginé un quatuor féminin entre deux pianistes et deux danseuses, au-delà des genres et à l’opposé des Forains, son opus présenté au même endroit en 2017.  Muses s’affiche comme le premier concert chorégraphique qui mérite pleinement cette appellation : Perfection formelle, dialogue ciselé entre danseuses et musiciennes (Duo Jatekok) interprétant Bizet, Ravel ou encore Debussy. Voilà donc quatre muses, visiblement très inspirantes. Muses s’annonce comme la proposition la plus radicale de la 27e édition, à ne rater sous aucun prétexte.

Les deux danseuses Muses ont par ailleurs marqué l’histoire de la compagnie Rêvolution fondée par Egéa. Car la première, Emilie Sudre, n’est autre que la créatrice de Soli 2 d’Anthony Egéa, présenté à Suresnes en 2007. Emilie Schram lui succède aujourd’hui dans le même rôle. Il n’est que logique qu’elle interprète Soli 2 également dans cette 27e édition de Suresnes Cités Danse, mettant ainsi le festival et la pièce à l’épreuve du temps.

Dans la même soirée, on verra aussi Cross Over, signé Mickaël Le Mer. « C’est un hip hop aérien et sans sneakers, où les danseurs s’effleurent et se touchent », dit-il de cette pièce pour huit danseurs au titre emblématique de la démarche de Suresnes Cités Danse, ici présentée dans une version de quarante minutes, particulièrement intense et centrée sur le mouvement, les éléments scénographiques restant au dépôt. S’y ajoutent d’autres petites formes, comme l’intriguant projet El Gedji de Rafaël Smadja (le partenaire de Jann Galois dans Compact), basé sur le témoignage d’un Egyptien de 84 ans, ayant émigré vers la France dans les années 1950.

Thomas Hahn

27e édition de Suresnes Cités Danse, du 11 janvier au 3 février 2019

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