« Le Carnaval des animaux » d'Émilie Lalande

Masques, costumes et six danseurs, accompagnés par la musique de Saint-Saëns : La faune singulière d’Emilie Lalande a investi le Pavillon Noir. 

On a connu la compagnie La La La Human Steps avec Louise Lecavalier, on a vu Emma Stone dans La La Land… Et maintenant : Lalande, Emilie. L’ancienne interprète phare du Ballet Preljocaj consacre ses créations dansées et jouées aux grands et surtout aux petits et jeunes spectateurs, ouvrant le monde des adultes aux enfants et celui des petits à leurs parents.

En terminant sa résidence en tant qu’artiste associée au Pavillon Noir, elle s’est trouvée un allié musical de choix, en associant son propre Carnaval des animaux  à celui de Camille Saint-Saëns. A grand renfort de masques et de costumes, elle signe son projet le plus ambitieux à ce jour, une joyeuse cavalcade pour six interprètes et des dizaines de quadripèdes, volatiles ou autres kangourous humains. 

Et le jeune public est venu en nombre, incitant les parents à tenter la rencontre avec cette ménagerie carnavalesque. Les plus âgés d'entre eux avaient peut-être déjà fait connaissance avec l’univers d’Emilie Lalande, à l’occasion de Wood, sa précédente création, qui prenait parti en faveur des arbres et de la forêt, face aux humains urbains [lire notre critique]. Après cet appel poétique à l’amour et au respect de la flore, il était donc logique de passer à une déclaration d’amour aux animaux. Et comme wood avant lui, ce sextuor est avant tout ludique et joyeux. Car Émilie Lalande connaît très bien les enfants et leurs façons de ressentir et de raisonner. Elle sait aussi que ceux-ci sont aujourd’hui au courant des risques pour le climat et l’environnement et qu’ils y sont peut-être plus sensibles que certains adultes. L’empathie des enfants pour les animaux est par ailleurs naturelle, alors que les adultes sont encore en train d’en redécouvrir l’importance. 

Il suffit donc à Lalande de faire passer les interprètes sous quelques peaux d’ours polaire sur des serviettes de bain pour que l’on comprenne à quel point ces mammifères sont en train de perdre pied sur la banquise qui s’effrite. Mais un carnaval est par nature joyeux et la chorégraphe n’a pas besoin de grands discours. Elle nous fait plutôt rire, avec un match de boxe entre kangourous, des ânes en mode guignol, de pingouins burlesques, de méduses et lucioles, et même grâce à une corrida accompagnée par la Danse macabre  de Saint-Saëns. Si la plupart des espèces sont parfaitement identifiables, certains tableaux prêtent à discussion entre les générations. Lalande fait bien de se spécialiser dans la création pour le jeune public, puisque qu’il n’est pas évident d’éviter à la fois une approche trop didactique et la facilité du mauvais goût. Il faut dire que ces écueils sont assez insistants, comme de nombreux échecs en la matière nous le prouvent régulièrement. Pas chez Lalande. 

Dans ce Carnaval, on relèvera aussi la sobriété et la belle prestance du seul élément scénographique, grande planche en bois, courbée à ses extrémités, qui permet de créer tantôt un igloo, tantôt une sorte d’arche de Noé ou un castelet. De transformation en transformation des interprètes, les animaux sont accompagnés par un explorateur à la Saint-Exupéry, pour passer des pôles – où l’on croise aussi une petite reine des glaces – jusqu’en Afrique. Car on fait ici un petit tour du monde, polaire ou équatorial, en commençant par la neige en croisant le lion royal, pour retourner à un univers blanc avec la mort du cygne, jolie fresque animée qui accomplit le passage du théâtre gestuel à l’univers de la danse. De quoi inciter les jeunes à découvrir le Lac des Cygnes, dans la version de Petipa/Ivanov, Noureev ou justement, Angelin Preljocaj [lire notre critique]. 

Thomas Hahn

Vu le 27 février 2022, Pavillon Noir, Aix-en-Provence

Image de preview : JC Carbonne

Chorégraphie et mise en scène : Émilie Lalande

Interprètes : Perle Cayron, Anaïs Pensé, Clara Serafini, Marius Delcourt, Jean-Charles Jousni et Amaury Reot
Musique : Camille Saint-Saëns, MUSE, Emilie Lalande
Lumières : Jean-Bastien Nehr

En tournée :
Mardi 3 mai , Mougins, Scène 55

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