A La Rochelle, la 4e édition de Shake
Le festival fondé par Kader Attou présente vingt-trois compagnies, investissant la ville entière et ses alentours.
Il existe un festival de danse à La Rochelle, grâce à Kader Attou et au CCN qu’il y dirige. Un festival qui tisse sa toile en Charente-Maritime, avec toujours plus de lieux d’accueil au-delà de la municipalité. Un festival qui démontre la diversité de la création connectée, d’une manière ou d’une autre, au monde du hip hop, dans les approches et les esthétiques les plus diverses.
Shake agite le bocal, du formidable Finding Now [lire notre critique] du Canadien Andrew Skeels qui vient du ballet et met en valeur les B-Boys et Girls français sur des airs baroques, au théâtre gesticulé du duo Zoom Dadapar la compagnie Théâtre Bascule. De la note très poétique du travail sur le clown et le mime chez Art Move Concept dans Fli à lasensualité guerrière d’un Hervé Koubi avec Les Nuits barbares [lire notre critique].
Identités masculines
Et un autre ensemble interroge ici l’identité masculine. Les Associés Crew, menés par Babacar Cissé, mettent en évidence l’animalité en chacun de nous, avec une pièce intitulée La Meute. Où il est question de l’individu face à la puissance du groupe. Où encore The Roots, (lire notre critique) succès majeur de Kader Attou, sublime pulsation quasi-ballétique en mode hip hop. Sans parler de la reprise, en ouverture, de Danser Casa, où Attou et Mourad Merzouki mettent leur savoir faire combiné au service de jeunes danseurs hip hop marocains [lire notre critique]. Voilà trois grandes productions interrogeant la gente masculine.
Focus sur les femmes
Quid des femmes ? Elles n’arrivent pas en collectif, mais plutôt à titre individuel, comme Nach avec son tout nouveau solo ou comme Julie Dossavi dans son solo Mama Tekno, un hommage à « des femmes singulières, originales, exubérantes, belles, battantes, des femmes de 50 à 80 ans à différentes étapes de leur vie, qui sont dans le Non Renoncement.» Tout au plus, elles sont là en trio, comme avec Intro de la Cie Etra de Mellina Boubetra. « La danse est une démarche introspective par définition », dit-elle. D’où le titre de cette création qui est la première de cette interprète que l’on voit danser dans, justement, Finding Now d’Andrew Skeels. Les femmes se font donc plus discrètes que les hommes. En contrepartie, elles sont plus facilement identifiables. Logiquement, elles sont donc au centre de l’attention puisque Shake leur consacre la table ronde de cette édition: « Corps de femmes en danse hip hop : Quel.s code.s, quelle.s gestuelle.s ? » qui aura lieu le 16 novembre.
Hamid Ben Mahi crée Yellel
L’ouverture de Shake interroge l’identité maghrébine, avec Danser Casa (lire notre critique) et une création de la compagnie Hors Série. Hamid Ben Mahi s’y tourne vers ses racines familiales et culturelles, travaillant en compagnie de cinq danseurs autour des musiques, danses, codes, couleurs, symboles et écritures de la culture orientale pour célébrer « la richesse culturelle et la beauté du monde arabe ». Le titre de ce sextet, Yellel, « est le nom du village où est né mon père en Algérie. C’est géographiquement, la plus lointaine trace que j’ai de ma famille. Il signifie « croissant » qui est un symbole très présent en Orient, mais pour moi ce mot représente surtout une lecture que j’ai de ma propre histoire », dit Ben Mahi.
Sortir du cadre
Deux projets présentés font voyager à leur manière, dans le temps, dans l’espace, dans l’esprit… Dans la pittoresque Tour de la Lanterne, la chorégraphe Loulia Plotnikova rencontre l’univers du beatmaker et DJ rochelais Jean du Voyage. Entre la danseuse imprévisible, le compositeur polyglotte et la vieille pierre, le voyage sera poétique. Il est par ailleurs proposé en collaboration avec le Centre des Monuments Nationaux, inventeur de la manifestation Monuments en Mouvement.
Une autre rencontre particulière s’annonce sur scène, quand une compagnie de théâtre fait un pas vers le hip hop. MLKing 306 de la compagnie Caliband Théâtre interroge les parcours personnels de Martin Luther King et de son assassin, James Earl Ray. Une tragédie entre théâtre/récit, danse hip hop et chant, haletante et dramatique, sur la brillance d’un homme visionnaire et « le visage opaque d’une Amérique raciste et ségrégationniste ».
A la Chapelle Fromentin, lieu de résidence du CCN, Shake organise, le dimanche 17 novembre, une journée entière de surprises et de rencontres et amènera le public d’un lieu à l’autre et reliera ainsi les lieux culturels emblématiques de La Rochelle.
Thomas Hahn
Shake #4, du 8 au 30 novembre 2019
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