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La danse et le cirque au Théâtre National de Nice

Muriel Mayette-Holz, la directrice du CDN Nice-Côte d’Azur, s’exprime au sujet de sa programmation 2022/23. 

« Une sacrée saison – par Muriel Mayette-Holz » : c’est ainsi que la directrice du Théâtre National de Nice (TNN) signe sur la couverture du dossier de presse qui présente son offre en matière de spectacles en 2022/23. Une programmation, telle une œuvre dramatique, émaillée par une série de spectacles de danse et de cirque. Nous l’avons rencontrée à La Scala Paris, Boulevard de Strasbourg, où l’ancienne Administratrice Générale de la Comédie Française présente son adaptation de Bérénice  de Racine, jusqu’au 12 octobre. 

Danser Canal Historique : Quel statut donnez-vous à la danse dans votre programmation au Théâtre National de Nice ? 

Murielle Mayette-Holz : Je dirige l’une des seules grandes scènes à Nice et je considère que je me dois de présenter, en plus de la programmation théâtrale, les grandes écritures contemporaines de danse, cirque et autres arts qu’on pourrait qualifier de visuels, avec des artistes qui travaillent à cheval entre différents langages, de la danse à la magie ou l’illusion. Et toutes ces écritures ne sont finalement pas si éloignées les unes des autres. Il faut ajouter que 22/23 est ma première saison complète, les deux premières ayant été amputées par la pandémie. 

DCH : Comment approchez-vous la programmation danse ? 

Murielle Mayette-Holz : Pour la danse je travaille beaucoup avec Ella Perrier, notre directrice adjointe. Nous cherchons avant tout des écritures qui nous bouleversent émotionnellement car il nous faut remuscler la curiosité des gens après deux années d’arrêt. Ce n’est pas facile. Je mets en avant des spectacles généreux qui parlent immédiatement au public sur un mode émotionnel, avant de nous parler sur un mode intellectuel. Mais ça va jusqu’à inclure un spectacle comme Crowd de Gisèle Vienne où même un public qui n’a pas l’habitude de voir de la danse contemporaine est immédiatement embarqué. Le sujet de Crowd [Lire notre critique] est assez borderline, mais il déploie une énergie incroyable qui dégage une grande palette émotionnelle, jusqu’à l’excès, puisque Gisèle Vienne fait partie de ceux qui maîtrisent pleinement leur art et travaillent dans une grande générosité. 

DCH : Crowd se situe dans une rave party et parle d’angoisses et de rêves chez les jeunes. Le public du TNN est-il plutôt jeune ou âgé ? 

Murielle Mayette-Holz C’est le problème de tout le spectacle vivant : Le public est vieillissant. Mais quand on parle de sujets qui concernent les jeunes, à savoir l’écologie, les sentiments ou les excès, il est beaucoup plus facile de les faire venir. Je pense que Crowd  est une vraie opportunité pour s’adresser à ce public. 

DCH : Vous présentez Uwrubba  des frères Thabet [Lire notre critique] et Lamenta  de Koen Augustijnen, deux spectacles avec lesquels on fait en quelque sorte le tour du bassin méditerranéen. 

Murielle Mayette-Holz : Je cherche à créer une vraie identité artistique pour le TNN. Je veux travailler autour de l’Europe de la Méditerranée, mais sans trop aller dans le dialogue avec la rive sud, ce qui correspond mieux au contexte marseillais et s’y pratique déjà beaucoup. J’ai invité Uwrubba  parce que c’est fondamentalement un spectacle de la Méditerranée et qu’il traite de nos mythes. La mythologie grecque peut autant inspirer la danse que les textes. Présenter des spectacles comme celui-ci ou bien Lamenta  avec ses rites de deuil est une façon de poser les pierres de ce projet. 

DCH : Vous coopérez aussi avec BIAC, la Biennale Internationale des Arts du Cirque qu’on retrouvera en janvier et février 2023 à Marseille et ailleurs en région PACA. 

Murielle Mayette-Holz : Absolument, c’est le cas pour deux spectacles de notre saison 22/23. Primo, Raphaëlle Boitel avec Ombres portées, du théâtre d’images, visuel, quasiment sans paroles qui raconte l’histoire d’une jeune femme qui a rendez-vous avec son histoire et convoque tous les membres de sa famille. Deuxio, Victoria Chaplin et Jaime Martinez dans Bells & Spells, mis en scène par Victoria Thierrée-Chaplin, la mère de Victoria. C’est autant de la chorégraphie que de la magie, du théâtre, du cirque au service de leur capacité à créer du rêve. Bref, inclassable. Un spectacle onirique et fantastique. C’est comme si la chambre s’animait et les porte-manteaux se mettaient à parler. Il faut dire que les circassiens sont souvent bien plus novateurs que les écritures dramatiques. Et je vais aussi créer un nouveau festival autour de la magie qui va commencer modestement et qu’on voudrait faire grandir par la suite. 

DCH : Le public du TNN qui vient pour les spectacles de danse ou de cirque est-il le même que celui qui vient voir du théâtre ?

Murielle Mayette-Holz : J’oserais dire que petit à petit, oui. A mon arrivée au TNN, j’ai trouvé un public qui aimait la danse et venait voir uniquement la danse. Le TNN était par ailleurs le seul lieu à en proposer. Mais comme nous avons programmé des spectacles faisant le pont entre les disciplines, les curiosités s’éveillent progressivement. L’avantage de la danse ou de spectacles visuels est l’absence de la barrière intellectuelle, de l’angoisse face à un long classique où on craint ne pas pouvoir suivre. 

DCH : Vous programmez, en dernier spectacle de danse de la saison, une grande soirée des Ballets de Monte Carlo avec Noces et Opus 40, deux pièces de Jean-Christophe Maillot. Pourtant le public niçois peut assez facilement se déplacer pour voir ces spectacles à Monte Carlo. 

Murielle Mayette-Holz : Jean-Christophe Maillot est une valeur sûre, comme Angelin Preljocaj que j’ai pu accueillir la saison passée. Et quand Les Ballets de Monte Carlo se produisent à Nice, c’est toujours plein. Le public ne se déplace pas tant que ça. 

DCH : Le TNN dispose aujourd’hui de deux salles. Laquelle privilégiez-vous pour la danse ?

Murielle Mayette-Holz : Je ne veux pas travailler en réservant la danse à une salle ou inversement. Cependant elle est plus facile à déployer sur les grands plateaux. Et notre grande scène, c’est la salle de La Cuisine, notre salle provisoire où le plateau a une ouverture de 20m. Il s’agit d’un théâtre éphémère de 600 places où le premier spectacle de danse sera Uwrubba, accueilli en novembre.  Nous avons installé La Cuisine à l’ouest de la ville, dans un quartier en manque d’équipements culturels, ce qui me fait plaisir en tant qu’enfant du service public. C’est là que nous présentons les spectacles aux grandes distributions qui nécessitent un grand plateau. 

DCH : L’autre salle, dite des Franciscains, située en centre-ville et ouverte depuis avril 2022, est de dimensions plus modestes. 

Murielle Mayette-Holz : Mais elle est vraiment d’une grande beauté, et aussi d’une grande simplicité. Elle peut faire penser aux Bouffes du Nord et se prête à des spectacles qui ne nécessitent pas de moyens techniques importants. On l’a laissée dans sa beauté originelle. C’est peut-être le lieu où la musique a sa place plus qu’ailleurs, en raison de sa formidable acoustique. 

DCH : Envisagez-vous de passer à la coproduction de spectacles chorégraphiques ?

Murielle Mayette-Holz : Le TNN n’a pas encore la stabilité réelle qui qualifierait mon projet général à se lancer dans la production de spectacles de danse. Je viens cependant de créer une cellule de production au TNN, parce qu’avant, il n’y en avait pas ! Et j’aimerais que la salle de La Cuisine puisse devenir un lieu pour la danse contemporaine car je pense sincèrement que Nice mériterait un grand espace pour la danse.

Propos recueillis par Thomas Hahn

Théâtre national de Nice

 

 

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