Error message

The file could not be created.

Un programme hors du commun au festival C’est comme ça !

Un double programme au festival C’est comme ça ! de l’Echangeur – CDCN des Hauts-de-France, évoque le sujet du regard, du handicap, de la liberté d’être soi, et d’oser une danse différente pour notre plus grand plaisir…

AC/DC est l’histoire d’une rencontre qui s’est produite dans le cadre du projet Saisir au Passage et ses constellations (suite) porté par la Compagnie Pasarela, d’Agathe Pfauwadel, lors d’une résidence partagée entre deux groupes de danseurs d’un IME de Château-Thierry et d’un IMPro de Saint-Denis (voir notre reportage vidéo exclusif). Agathe Pfauwadel cosigne d’ailleurs cette création avec Aëla Labbé.

Mais c’est surtout la rencontre entre deux danseurs formidables, Jules Lebel et Stéphane Imbert, le premier étant un tout jeune danseur de 20 ans, à l’IME (Institut Médico Educatif) – APEI[1] des 2 Vallées de Château-Thierry et Stéphane Imbert, artiste chorégraphique depuis 40 ans, qui a travaillé notamment pour Odile Duboc.

Tout commence par l’amour de Jules pour son groupe favori AC/DC (un groupe hard rock des années 70) qu’il porte comme un étendard sur des T-Shirts qu’il enlève successivement, révélant, à chaque fois, des graphismes différents comme autant de concerts traversés. À la fois drôle et bien mené, Jules Lebel commence à déployer son univers, en des poses espiègles à chaque fois qu’il dévoile un autre vêtement ! Mais bientôt, les travaux d’approche entre les deux interprètes débutent. Et il s’agit bien de travaux, puisque les deux vont s’atteler à construire une sorte de cabane délicate avec quelques bouts de bambou – ou de roseaux dansants – et d’approche, car ils semblent se flairer l’un l’autre avant de pouvoir vraiment se toucher et s’attraper. Ce qui frappe, c’est la délicatesse des gestes de l’un envers l’autre, cherchant, en quelque sorte, à apprivoiser l’autre corps, à l’aborder sans le brusquer. Mais le plus intéressant reste ces deux gestuelles qui s’entrelacent.

Celle de Stéphane Imbert, danseur aguerri aux mouvements fluides, composée d’écritures connues ; celle de Jules Lebel, à la singularité radicale, surprenante, aux accents inattendus, aux phrasés insolites, mélange de heurts et d’abandon, de surprise et de volonté énergique, de timidités et d’audaces, de flux et de saccades qui nous étonne et nous émeut. D’une certaine façon, tout est nouveau dans cette chorégraphie duelle, qui joue également sur l’autre sens d’ac/dc pour courant alternatif/ courant continu, car il semblerait que c’est ainsi que se déploient les deux hommes, finissant par tisser une relation peut-être filiale, peut-être d’entraide, sûrement d’échange et de compagnonnage, car chacun, finalement, absorbe une partie de la danse de l’autre, finissant par s’emprunter leurs écritures respectives et par se porter mutuellement au double sens du terme ! Le résultat est superbe et surtout d’une rare originalité. Il se dégage de ces deux danseurs une sorte de beauté inexprimable qui fait tout le sel de ce spectacle fascinant, d’une authenticité rare.

L’autre pièce de la soirée était la création de Danser Ensemble d’Alice Davazoglou, déjà bien repérée comme danseuse depuis plus de vingt ans, notamment chez Mickaël Phelippeau [lire notre article], intermittente du spectacle, mais aussi dessinatrice, écrivaine. Elle est cette fois passée de l’autre côté du plateau, à savoir chorégraphe… de chorégraphes !

Le point de départ de cette pièce pour dix interprètes est d’abord un livre Je suis Alice Davazoglou, je suis trisomique normale mais ordinaire[2]. Ordinaire, à coup sûr, Alice ne l’est pas. C’est pourquoi cette jeune femme a l’idée, à partir des portraits et dessins dansants de son ouvrage, auxquelles elle a ajouté des « qualités » (comme lent et continu, ou fort et tendu…), de composer la partition de ce qu’elle appelle « une courte danse ». Ensuite, elle imagine de la transmettre aux dix chorégraphes qu’elle a choisis  : Gaëlle Bourges, Lou Cantor, Bruce Chiefare, Nathalie Hervé, Marc Lacourt, Bérénice Legrand, Xavier Lot, Béatrice Massin, Mickaël Phelippeau, Alban Richard qui vont devenir ses interprètes – et même ses intermédiaires.

 

Car pour elle, inverser les rôles ne tient pas seulement d’une revendication de « danseur-créateur » mais bien de retourner la vision sur le handicap. « Parce que ce sont toujours les personnes valides qui dirigent les personnes en situation de handicap ou les trisomiques sur le plateau. » affirme-t-elle.

Et le résultat est une superbe fête de la danse. Après qu’Alice ouvre le bal, chacun des chorégraphes en duo « interprètent » au sens premier du terme, c’est-à-dire ajoutent leur vécu et leurs personnalités à la chorégraphie d’Alice. Chacun glissant ici et là, leur singularité, leur façon d’imaginer des liaisons, leurs propres moteurs de mouvement sous le regard exigeant d’Alice qui n’entend rien lâcher de sa direction, tout en étant dans une empathie extrême avec eux, manifestant ses sentiments sans fard.

Et le résultat est une superbe fête de la danse. Après qu’Alice ouvre le bal, chacun des chorégraphes en duo « interprètent » au sens premier du terme, c’est-à-dire ajoutent leur vécu et leurs personnalités à la chorégraphie d’Alice. Chacun glissant ici et là, leur singularité, leur façon d’imaginer des liaisons, leurs propres moteurs de mouvement sous le regard exigeant d’Alice qui n’entend rien lâcher de sa direction, tout en étant dans une empathie extrême avec eux, manifestant ses sentiments sans fard. Nous découvrons ces chorégraphes sous un autre jour, le comique irrésistible d’Alban Richard accompagné de Marc Lacourt, les gamineries de Gaëlle Bourge et Nathalie Hervé, le baroque moderne tout en complicité de Lou Cantor et Béatrice Massin et l’élégance ineffable de Xavier Lot avec Bruce Chiefare, la délicatesse de Mickaël Phelippeau…

Et c’est tout à fait passionnant, et émouvant. Car ce faisant, Alice ouvre des possibles pour d’autres, invente d’autres mondes de partages comme son titre, Danser ensemble, le suggère. D’ailleurs, tous enchaînent, ensemble, toutes les figures de la « courte danse » d’Alice, comme point d’orgue réjouissant à cette soirée éblouissante.

Agnès Izrine

Le28 septembre 2024, festival C’est comme ça de l’Échangeur – CDCN des Hauts de France à Château-Thierry.
_______________________________________

[1] Association de parents, d’amis et de personnes en situation de handicap.

[2] Alice Davazoglou, Édition L’échangeur-CDCN, novembre 2020.

 

Danser Ensemble en tournée :

1er octobre 2024 - MAL de Laon (02) - Dans le cadre du festival C’est comme ça ! / Danse en territoire
8 octobre 2024 - Théâtre Jean Vilar de Saint Quentin (02) - Dans le cadre du festival C’est comme ça ! / Danse en territoire
19 et 20 novembre 2024 - Festival Playground, Rencontres Chorégraphiques de Seine Saint Denis, CN D de Pantin (93)
29 novembre 2024 - Festival Plein Phare, Le Phare CCN du Havre (76)
17 & 18 février 2025 - Festival Everybody, Le Carreau du Temple, Paris (75)
28 février et 1er mars 2025 - Festival DansFabrik, Le Quartz, Scène Nationale de Brest (29)
16 et 17 avril 2025 - Festival A Corps, TAP, Scène Nationale de Poitiers (86)
Juin 2025 - Festival La Maison Danse, La Maison CDCN Uzès Gard Occitanie (30)

 

 

Catégories: 

Add new comment