Error message

The file could not be created.

Add new comment

« Impasse » de Mufutau Yusuf

Chorégraphe irlandais né au Nigeria, Mufutau Yusuf explore dans Impasse les ressorts du corps noir dans une société occidentale qui tend à le réifier ou le fétichiser. Ce duo de la diaspora et de l’exil est aussi une réflexion sur la perception de son corps et celle de l'autre.

Prenant le contrepied de la boîte noire en choisissant un sol et un fond blanc, Mufutau Yusuf convoque certains codes de la migration, comme ces sacs rayés en nylon coloré empilés sur scène tel un totem des temps modernes. Cette masse va s’animer, tanguer d’un côté et de l’autre avant de commencer à se déplacer. Les gestes sont empruntés à la danse traditionnelle et au vocabulaire contemporain, les trajectoires se dessinent en diagonale ou en passant de cour à jardin et inversement jusqu’à se transformer en danse frénétique. Puis la figure disparaît dans les ténèbres, tandis que la bande-son enfle comme le grondement d’une mer déchaînée. Apparaissent en fond de scène deux silhouettes de dos, l’une nue s’accrochant à l’autre, habillée d’un pantalon et d’un tee-shirt sombre et couturé. La lumière rasante éclaire les muscles saillant sous l’effort, celui de tenir, pour ne pas tomber. L’allusion est sibylline, presque trop appuyée. Mais vite balayée par l’intensité qui se dégage de ce corps dénudé pourtant vulnérable.

© Romain Tissot 

La suite sera une longue course des deux protagonistes, presque toujours de dos, une référence (involontaire ?) au sublime solo de Trisha Brown If you couldn’t see me. Décalée, interrompue par des pas de danse, elle hypnotise autant qu’elle interpelle. Lancinante, elle fait écho à la nécessité de continuer, coûte que coûte, de résister aux coups. Ceux de la domination blanche, ceux de ses propres peurs. De ses espoirs, aussi. Ça crisse, ça frotte, ça gratte, ça déroute tant le chorégraphe ne se fond pas dans les codes, laissant le spectateur un peu désarçonné. Mais il y a une puissance, un élan et un regard qui créent un univers… 

 

Gallia Valette-Pilenko
Vu le 12 octobre 2024 à la Maison de la Danse

Catégories: