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« Until the Lions » d’Akram Khan

A La Villette, une adaptation très combative du Mahabharata, où Akram Kahn rend hommage aux femmes.

Le rond, le cercle, la spirale... Until the lions tourne en rond, mais tourne à plein régime. Ce drame pour trois danseurs, quatre musiciens et une représentation divine, créé au cirque d’hiver londonien du Roundhouse, se voit offrir à La Villette un dispositif impressionnant pour le public, autour d’une scénographie spectaculaire, tronc d’un baobab millénaire coupé au ras du sol. Symbole de force millénaire, le cercle fondateur renvoie à la terre et aux racines. A la violence aussi, ou à la foudre. Un arbre pareil ne tombe pas sans raison.

Quand Bheeshma touche la joue d’Amba, il retire sa main comme d’un feu brulant. Leur accouplement ressemble à un numéro d’acrobatie au sol, comme par une espèce animale fantaisiste. Pourtant, nous ne sommes pas au cirque, malgré le titre, malgré l’animalité guerrière des trois fauves humaines, malgré les impressionnants gradins circulaires installés à la Grande Halle. Mais dès l’entrée du public, l’ambiance est spectaculaire, comme chez Bartabas, dans le fief de Zingaro.

Batailles et combats

Until the lions mélange kathak, contorsion, ballet et danse contemporaine brulant d’un feu ataviste, reflet des dimensions divines d’une épopée fondatrice et guerrière. Dans l’univers du Mahabharata, les batailles sont l’affaire des hommes, mais un combat peut opposer les deux sexes. Le drame en question tourne autour de l’affront que Bheeshma inflige à Amba, fille du roi Kashi, enlevée par Bheeshma, fils du roi Kuru.

Face aux dieux, Bheeshma a fait vœux de célibat pour se consacrer entièrement à la guerre. En secret, il aime Shalva mais enlève Amba pour la donner en épouse à son demi-frère. Découvrant qu’Amba est amoureuse d’un autre homme il la libère. Désormais rejetée de tous parts, Amba se suicide par le feu pour renaître sous la forme de Shikandi. Redoutable princesse guerrière, elle se double pourtant d’Arjuna. Ensemble, ils ne laissent aucune chance à Bheeshma qui meurt sur un lit de flèches.

Et si le Mahabharata avait été écrit par des femmes?

Dans ce cas, nous aurions sans doute un autre récit. Until the lions est inspiré de l’adaptation du Mahabharata par l’écrivaine Karthika Naïr. Celle-ci ne croit pas que Bheeshma enlève Amba de manière désintéressée. Son plan est bien de jouir d’elle et Until the Lions s’empare de cette vision, sans la moindre ambiguïté. Don Juan qu’il est, Bheeshma refuse ensuite de prendre Amba pour femme.

Sur le tronc du baobab, leur affrontement final est un festival des passions, soutenu par des rythmes atavistes. Les percussions d’un autre temps se mélangent aux sonorités contemporaines. Car dans le Mahabharata, le temps est courbe, alors que dans un spectacle de danse il est extensible à volonté, ce qui permet de consacrer l’ensemble des quatre mille secondes d’Until the Lions à une seule scène de l’épopée.

Galerie photo © Jean-Louis Fernandez

Malgré ce qui manque…

Malgré la force dramatique de ce dernier combat de Bheeshma, il manque à Until the Lions une mise en perspective, que les musiciens seuls ne peuvent incarner. Ils sont parti prenant du drame, ils sous-tendent et soulignent au lieu de créer un contre-point. Aussi cet univers chargé reste trop prévisible, ce qui qui porte atteinte à un spectacle bien plus qu’à une épopée de mille pages.

Et pourtant, Until the Lions est à couper le souffle, grâce à ses trois interprètes. Au-delà de son énergie déjà guerrière, Ching-Ying Chien confère à Amba l’âme déchirée d’une femme en perdition, avec la profondeur d’une actrice de cinéma. Il y a de la cohérence dans le fait qu’Akram Khan a créé en même temps sa relecture de Giselle, avec le English National Ballet.

Le moment le plus remarquable d’Until the Lions est celui où Amba meurt sous les projecteurs, quand ceux-ci se braquent sur elle et sa robe blanche comme pour la disséquer. La mort du cygne semble alors trouver sa destinée ultime. Quant à Christine Joy Ritter, elle n’a pas besoin de jouer, elle incarne Shikandi l’amazone avec un naturel confondant. Et Akram Khan donne à Bheeshma sa virtuosité de danseur contemporain et de kathak, sans oublier la noblesse du personnage, malgré le regard critique de Naïr sur le personnage et ses multiples trahisons. C’est par amour qu’il se laisse finalement tuer sans se défendre. Et les quatre musiciens lui préparent son lit de flèches, comme s’il s’agissait d’un bûcher.

Thomas Hahn

Spectacle vu le 5 décembre 2016

La Villette, Grande Halle

Du 5 décembre au 17 décembre
Tous les soirs à 20h

Relâche les 7, 11 et 15 décembre

Durée : 1h

https://lavillette.com/evenement/akram-khan

 

Dates de tournée :                           

Les Théâtres de la Ville de Luxembourg, 20 - 21 janvier  2017

Angers, Le Quai ,   16 février  2017

Scène Nationale de Sète et du Bassin de Thau , 21 - 22 février  2017

Brest, Le Quartz  26 - 27 février 2017

Opéra de Reims, 3 - 4 March 2017

Montreal, QC, Canada,  La TOHU   17 - 25 mars  2017

Les Gémeaux,  Sceaux,  21 - 23 April 2017

 

 

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