Bryana Fritz : « Submission, Submission »
Dans une série de portraits consacrés à différentes saintes martyres du Moyen-Âge, la chorégraphe endosse le rôle d’hagiographe amatrice pour relire leur histoire.
Bryana Fritz, née à Chicago, vit à Bruxelles. Elle étudie la danse à Minneapolis (US), Essen (DE) et à PARTS à Bruxelles. Elle joue, écrit de la poésie. Elle travaille souvent avec ou pour d'autres artistes, comme Boris Charmatz, Anne Teresa De Keersmaeker, Femke Gyselinck, Xavier Le Roy et Michiel Vandevelde. Avec Henry Andersen, elle a fondé le Slow Reading Club, un groupe de lectures chorégraphiques semi-fictionnelles expérimentales où la relation entre texte et lecteurs est explorée.
C’est sans doute à cet endroit que se situe Submission, Submission qui nous raconte l’hagiographie de quatre Saintes médiévales, Hildegard Von Bingen, Catherine de Sienne, Christina de Bolsena et Jeanne d’Arc. Trois mystiques et une guerrière. Mais bien sûr, Bryana Fritz subvertit leur histoire officielle pour en faire des icônes charnelles à partir de tressages entre présence réelle et technologie 2.0, comme avec ces colonnes de mots du corps qui s’inscrivent sur son personnage dans la partie consacrée à Hildegard von Bingen. Dans son introduction, Bryana explique son projet de redonner leur place à ces femmes adoubées par l’Église pour être sanctifiées et qui prétendaient que « Dieu parlait à travers elles ». Mais était-ce bien Dieu qui faisait délirer ces femmes instruites, passionnées, qui se retiraient du monde pour mieux vivre entre elles, loin de toute oppression si ce n’est l’amour d’un être totalement immatériel ? N’était-ce pas plutôt le diable ?
On pourrait le croire en voyant le corps de Bryana à ce point possédé par ses personnages, façon d’incarner et d’éprouver les parcours flamboyants et violents de ces héroïnes martyres ou guerrières, vierges folles ou vierges sages. Si le propos tient dans la représentation numérique de Von Bingen, la performance presque grotesque de Christina de Bolsena à laquelle son père a arraché la langue, nous sommes moins convaincus par Catherine de Sienne ou l’interprétation hasardeuse de Jeanne d’Arc à partir d’un film porno lesbien des années 70. Bien sûr, c’est une belle provocation pour tous ceux qui ont essayé de récupérer ce symbole féminin de la France victorieuse, à commencer par le Front National, mais n’empêche que ça ne dit rien de plus que ça. Et c’est un peu dommage.
Agnès Izrine
Vu le 7 novembre 2024 à La Ménagerie de Verre.
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