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Compania Paula Comitre et Etay Axelroad

Paula Comitre et Lorena Nogal se rencontrent dans Alegorias (el limite y sus mapas),une pièce hybride entre contemporain et flamenco, et Etay Axelroad dévoile ses capacités de danseur tout au long du Festival de danse de Cannes.

La première image est saisissante : Paula Comitre entièrement enveloppée dans un rideau, rappelant à notre mémoire Le Christ voilé de Giuseppe Sanmartino et La Pudeur d'Antonio Corradini de la Chapelle Sansevero de Naples, le même Corradini ayant sculpté également une Femme voilée que l’on peut admirer au Louvre. C’est une sorte de coup de génie, la gestuelle, notamment des bras, et l’expression due à la position du visage du flamenco s’accordant superbement à cet effet de voile. La fin, qui reprend la même image, mais à deux, puisque Paula Comitre a invité Lorena Nogal, la créatrice du vocabulaire chorégraphique de La Veronal à la rejoindre dans cet Alegorias (el limite y sus mapas), est tout autant poignant.

Entre ces deux moments, Nogal et Comitre s’essaient à trouver une gestuelle qui pourrait être commune en explorant chacune leurs limites (d’où probablement le titre : Allégories (la limite et ses cartes). En compagnie du batteur Rafael Moises Heredia, de la guitare de Juan Campallo, et du chanteur Tomas de Perrate, elles créent un spectacle hybride où se mêlent les cambrés de l’une aux cabrés de l’autre, les éventails et un tambour qui devient disque ou visage, les zapateados rageurs de Comitre, la flexibilité impérieuse de Nogal. Le spectacle nous raconte les rapports de ces deux femmes, qui s’aiment ou s’affrontent, se heurtent ou se fondent dans la gestuelle de l’une ou de l’autre, les additionnent ou les confrontent. Avec elles, nous traversons toutes sortes de contrées et d’états, celui qui domine restant peut-être la mélancolie, l’ensemble étant plutôt sombre, la terre semble toujours présente comme une contrée lointaine (d’où les « cartes » du titre, sans doute), et la clef de cette allégorie est peut-être de se risquer sur le territoire de l’autre pour mieux l’approcher. 

Néanmoins, cet entremêlement n’a qu’un temps. Bientôt, Paula Comitre délaisse collants ou pantalons pour sa jupe à traîne traditionnelle, et se lance, seule, dans l’alegria, tandis que Nogal reste sur la touche. Malgré ses effets de double, de miroir, d’éclectisme de la danse, la pièce ne fonctionne pas complètement. Les deux femmes ayant tendance, finalement, à s’annuler l’une l’autre.

Et l’on se prend à rêver que Paula Comitre, seule ou à deux, ait eu l’audace de créer ce spectacle sous un voile tel qu’il se profilait au commencement. 

Dans le même ordre d’idée, c’est-à-dire la mise en avant d’un interprète d’exception, Etay Axelroad, danseur de la Batsheva Dance Company, présentait des sortes « d’impromptus chorégraphiques » réunis sous l’unique titre de Led (the Solo).Il s’agit en fait d’un seul et même spectacle découpé en série d’une demi-heure chacune, avant certains spectacles dans le hall des théâtres. Son corps désarticulé, pouvant se plier en tous sens, épouser la fluidité la plus organique aux pulsions les plus martiales, fragile et musculeux, toujours virtuose. Sa danse intense, parfois sauvage, fascine pour mieux séduire un public cannois attentif à cette performance.

Agnès Izrine

Le 1erdécembre 2023, Festival de danse de Cannes, Théâtre Palais Stéphanie - JW Marriott Cannes et Hall du Palais des Festivals.

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