A l’Atelier de Paris, on « fait cabane »
Le CDCN aborde la saison 2017/18 avec un studio de danse flambant neuf et une série de créations poussant plus loin la recherche chorégraphique.
« Faire cabane » et « une saison en créations », voilà les deux maître-mots à l’Atelier de Paris qui caractérisent la nouvelle saison et l’élan particulier qui porte aujourd’hui le CDCN fondé par Carolyn Carlson. Le nouveau studio, œuvre de l’architecte Xavier Fabre, a été inauguré par la Ministre de la Culture, Françoise Nyssen et les partenaires (mairies de Paris et du XIIe arrondissement, Région Ile-de-France) le 18 septembre 2017. Carlson y a officié dans le rôle de la bonne fée, visible à travers la grande fenêtre, par une de ces joutes calligraphiques et chamaniques dont elle a le secret. Suite à quoi elle a également réussi à faire valser l’architecte en pleine cérémonie officielle. Sacrée Carlson !
Ce studio prend pied sur le socle des anciennes citernes d’eau de la Cartoucherie, fondement en briques à l’aspect flambant neuf. Juché entre les arbres, il permettra effectivement aux compagnies en résidence de « faire cabane », selon les mots d’Anne Sauvage, la directrice générale du CNDC. Et faire cabane ce n’est pas faire tatane!
Nadia Vadori-Gauthier a passé 1001 jours à inventer et filmer Une minute de danse par jour dans l’espace public. (lire notre article)
Des émotions et impressions engrangées, elle tire une création (Mille et un jours) et invite Benoît Lachambre à s’en inspirer à son tour, et à sa manière. Le Québécois intitule son solo accompagné de la vocaliste Isabelle Duthoit Parce que nos os brillent. Cette soirée partagée ouvre le cycle de créations chorégraphiques à l’Atelier de Paris, les 13 et 14 octobre.
Un mois, une création
Tel pourrait être le rythme dans les locaux du CDCN. En novembre, les artistes associés Liz Santoro/Pierro Godard, toujours à la recherche de nouvelles connexions danse-sciences et danse-langage. En novembre, ils créent Maps, étude pour six danseurs pour faire surgir des principes chorégraphiques développés à partir de recherches en neurosciences.
En décembre, Jann Gallois présente sa nouvelle création, Quintette, logiquement conçue pour cinq interprètes, où il est question de principes mathématiques, l’une des passions de cette chorégraphe devenue incontournable. Artiste associée simultanément à Chaillot et la Maison de la danse, elle engrange ici une incroyable liste de coproducteurs, dont un CCN, quatre CDCN, Suresnes Cités Danse et tant d’autres. Multiplier, c’est son métier. Très structurée, elle est passée de son solo initial P=mg au duo, puis au trio et aujourd’hui au quintet.
C’est Toméo Vergès, ce vétéran de May B de Maguy Marin, qui livre, avec Primal, la création de janvier. Archéologue et chronophotographe du geste, il se penche maintenant sur le cri, sous toutes ces formes, et son lien avec le mouvement. Les différentes sources du cri (joie, peur, agression, étonnement, appel...) en appellent différemment au corps. On retrouvera son sens de l’absurde et ses interprètes phares, Alavaro Morell et l’inénarrable Sandrine Maisonneuve).
Février/mars : l’effervescence
En février, Joanne Leighton consacre sa création Songlines à la culture orale des Aborigènes d’Australie. Pour l’Australienne occidentale qu’est Leighton, les liens entre la danse, la marche, le chant et l’esprit sont aussi évidents que pour les Australiens originels. Elle l’avait déjà démontré en septembre avec Walk & Salt Circle, la marche participative de 25 km, reliant les quatre lieux de Paris Réseau Danse (Micadanses, Etoile du Nord, Regard du Cygne, Atelier de Paris).
Et puis, également en février, Nina Santes interroge, dans Hymen Hymne les échos contemporains du vieux mythe de la sorcière par un concert parlé, dansé et chanté, alors que Mylène Benoît crée un solo inspiré des tics comportementaux. Si elle l’intitule La Maladresse, l’intention est plutôt ironique, car elle voit les altérations du comportement comme source d’une musicalité à regarder sans comparaison avec la norme.
Le cycle s’achève en mars avec les créations d’Andreya Ouamba et Gaëlle Bourges, tous les deux sur les chemins d’une subversion constructive du machisme. Ouamba interroge une fois de plus les dictatures africaines, cette fois en questionnant le lien entre l’autoritarisme étatique et la domination absolue de la figure du père au sein de la structure familiale. Et Gaëlle Bourges, qui trace sa route sur le fil liant la danse à l’histoire de l’art, crée sa première pièce en direction du jeune public. En partant de tableaux de maîtres représentant la femme au bain, elle détourne ce regard masculin au profit d’une approche sensible du corps.
Cabane à Bastille
Entre toutes ces créations se glisse une autre mission du CDCN, lequel s’associe à plusieurs lieux pour la diffusion des pièces créées à l’Atelier de Paris au cours de la saison précédente, notamment le Temps Forts Danse au Théâtre de la Bastille. Disons alors qu’en mai, ce sera le calme avant la tempête, à savoir la 12e édition du festival June Events.
Au-delà des spectacles, l’Atelier de Paris est aussi un lieu de découverte et de pratique pour les artistes chorégraphiques professionnels, proposant chaque année une série de masterclasses internationales. En 2017/18, enseigneront Deborah Hay, Benoît Lachambre, Carolyn Carlson, Germaine Acogny et Omar Porras et beaucoup d’autres.
Thomas Hahn
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