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Le Ballet de l'Opéra national du Rhin revisite « Casse Noisette »

Ivan Cavallari, à la tête du Ballet de l'Opéra national du Rhin depuis 2013, revisite avec un plaisir évident le célèbre conte imaginé par E.T.A Hoffmann. Projetant l'action dans un collège d'Australie, il ajoute au ballet le personnage de Peter, ado timide qui se fera passer pour Casse Noisette pour conquérir Clara, transforme Russelmeyer en femme (une professeur rigide) et transporte le tout sous une chaleur écrasante.

Le chorégraphe a également opéré quelques changements musicaux, supprimant certains morceaux et ajoutant deux extraits d'oeuvres de Tchaïkovsky : la Marche miniature de la Suite n°1, et l' Ave Verum de Mozart, que Tchaïkovsky avait retranscrit d'après la version de Liszt dans la suite dite Mozartianna. A l'arrivée, une (re)composition particulièrement dynamique, dans laquelle on décèle au début du 2eme acte, des accents « mozartiens » qui s'inscrivent parfaitement dans l'univers mélodique de l'oeuvre originale : « En écoutant la musique distraitement, certains pourraient même passer à côté des changements » dira d'ailleurs Patrick Davin, directeur musical de l'Orchestre symphonique de Mulhouse, qui considère l' œuvre comme un « miracle mélodique et rythmique où chaque idée est géniale ».
L'idée de génie ce soir est d'avoir invité (respectant en cela la partition d'origine) les Petits chanteurs de la Maîtrise de l'ONR qui feront partie intégrante de la mise en scène et se verront confier certaines parties musicales écrites à la base pour l'instrument.

La dramaturgie s'articule autour de ce qu'on pourrait appeler « scènes de la vie collégienne » : Les cours, l'examen, le stress, les réseaux sociaux, les premiers émois… et c'est un échange de « tchats » entre Clara et Peter,  projeté sur une écran transparent situé à l'avant scène, qui ouvre le ballet.
Le premier acte ancre les personnages. Après une scène derrière des machines à laver censées représenter les cycles de la vie, la sévérissime Mrs Drusselmeyer, interprétée par Stéphanie Madec-Van Hoorde, accueille sa classe par une danse saccadée. La chorégraphie calée au millimètre sur la partition, cerne bien le caractère autoritaire du personnage qui martèle le sol du bout de ses pointes rouges. A côté, la figure encore enfantine de Clara, Anna Ishii, se dessine avec grâce par une danse qu'on pourrait qualifier de juvénile avec moults pieds flexes et tours de poignets.

L'acte I alternera une pantomime assez appuyée et des purs moments de danse relevés par des solos très enlevés (Wendy Tadrous et Monica Barbotte dans la scène de l'examen) et une séquence finale, d'une composition complexe (diagonales croisées, cercles, succession de portés grands jetés, plongés) où garçons et filles en longue robe bleu électrique déploient une belle énergie.

Au début du second acte, le bal de fin d'année se prépare, Clara envoie des tchats à Casse Noisette (Peter) qui s'invente une vie de grand voyageur. Une bonne idée pour garder l'intégralité (mais pas l'ordre) des danses à travers le monde. La danse arabe retient vraiment l'attention. Thomas Hinterberger, splendide, donne une belle consistance à sa danse, étirant ses mouvements jusqu'à une certaine sensualité.

La scène du bal s'annonce colorée,  joyeuse et forcément tourbillonnante. Les garçons dans des costumes étroits ont l'air de crayons de couleur et contrastent avec les jeunes filles en jupe de tulle mousseux aux tons acidulés, plus années 60 que tutu.

Si le duo entre Drosselmeyer et l'intendant du collège, Alexandre Von Hoorde, laisse un peu sur sa faim, on aurait souhaité voir un peu plus d'amplitude et de lâcher prise pour ces deux beaux danseurs, le duo entre Clara et Peter est par contre une totale réussite. Anna Ishii est une Clara parfaite, entre ingénuité et féminité, et sa danse finement dessinée. Son partenaire Yann Lainé est tout aussi formidable et campe un Peter à lunettes très charmant, qui dépasse la virtuosité avec  décontraction et  naturel.

Le décor au style futuriste très années 60, fera peu à peu place au rêve... et le côté
féerique s'épanouira totalement au final, avec la Valse des flocons (qui passe de l'acte I à l'acte II) et l arrivée du choeur d' enfants qui contribuera pleinement à la réussite du tableau.

Cavallari a très bien su conservé l'esprit fantastique du conte ainsi que son aspect initiatique, et son Casse Noisette a tout pour séduire : son rythme, l' homogénéité de l'ensemble, la virtuosité et l'interprétation sémillante des danseurs, la présence gracieuse des petits chanteurs, sans oublier une direction d'orchestre enthousiaste qui ne laisse aucun doute sur la joie du chef à diriger ce monument !  

Marjolaine Zurfluh

Vu le 1er avril à La Filature de Mulhouse

Distribution :
Chorégraphie : Ivan Cavallari
Musique : Piotr Ilitch Tcaïkovski
Direction musicale : Patrick Davin
Décors : Edoardo Sanchi
Costumes : Maria Porro
Lumières : Maryse Gautier
Vidéos : Pietro Porro

Ballet de l'Opéra national du Rhin,
Maîtrise de l'Opéra national du Rhin, Petits chanteurs de Strasbourg
Orchestre symphonique de Mulhouse

Prochaines dates :
11 au 15 avril  Strasbourg - Opéra
2§ et 27 avril   Colmar - Théâtre municipal
 

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