« Bataille » de Delgado Fuchs

Bataille n’a, a priori, rien à voir avec George, auteur d’Histoire de l’œil. Le titre vient d’un tableau peint en 1456 par Paolo Uccello, mais la pièce joue tout de même sur un regard à distanciation multiple.  Ce(tte) Bataille de Nadine Fuchs et Marco Delgado tient surtout d’une rencontre entre performance et arts plastiques.

Les armures dans lesquelles se tiennent les deux chorégraphes suisses ne permettent ni de danser le twerk, ni le jumpstyle ou le break. Les guerriers sont ici au repos, nous sommes dans l’après-bataille le danger vient d’ailleurs, et ne s’annonce que sur le tard. Dans cette fable (presque) sans paroles, les deux oiseaux argentés caricaturent finement certaines attitudes humaines et n’ont pas besoin de se référer davantage à La Fontaine. Mais ils se montrent bien informés quant aux techniques guerrières : « Avec ton épée, tu cherches les ouvertures dans l’armure de ton adversaire. » Les yeux, par exemple…

Mais c’est le surnaturel qui inquiète ici. Sur un plancher qui rappelle une salle de bal dans un château, les buissons bougent, se déplacent ou tournent  et finissent par avaler les vaillants retraités de la guerre, qui tremblent de peur, dans un état de terreur absolue. Il doit bien exister quelque chose de plus effrayant qu’une bataille armée…

A moins qu’il s’agisse d’une aventure érotique, puisque les deux sortent tout transformés, en débardeur, apaisés. Les oiseaux chantent et les feuilles tombent. Sommes-nous déjà au paradis ? Et un autre couple sort de sa retraite buissonnière : Les plasticiens Yvan Clédat et Coco Petitpierre, auteurs des armures et des buissons hantés. Dans Bataille, notre regard croise des corps camouflés, des corps qu’on devine et des corps qui se libèrent et des corps métaphoriques représentant certaines angoisses fondamentales.

Mais Bataille (se) repose un peu trop sur ses aspects plastiques et ferait bien de s’emplir autant que les corps de Fuchs et Delgado remplissent leurs carapaces argentées. Ou bien devons-nous nous contenter d’une installation animée?

Thomas Hahn
Spectacle vu le 27 mars au Centquatre-Paris dans le cadre du festival Séquence Danse

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