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Uzès Danse fête ses vingt printemps

L’histoire et l’anniversaire du festival avec des pièces et artistes qui ont marqué Uzès Danse depuis sa création

Créé en 1996 par Didier Michel puis repris en 2006 par Liliane Schaus, le festival Uzès Danse est l’un des premiers de toute la série d’événements qui fleurissent tout l’été en France. Pour célébrer ses 20 ans, treize compagnies nationales et internationales présentent des temps forts étalés sur deux week-ends du 12 au 20 juin

Si Maguy Marin n’avait pas motivé Didier Michel alors tout jeune homme qui travaillait à cette époque en tant qu’attaché de presse à l’Opéra de Lyon, le festival d’Uzès Danse n’aurait jamais vu le jour. « Lorsque Maguy a quitté l’Opéra de Lyon où elle était chorégraphe associée avec Yorgos Loukos, je l’ai suivi à Paris où je n’étais pas très heureux. Et là, elle m’a dit : monte quelque chose pour les jeunes chorégraphes et je t’aiderai. C’est ainsi grâce à son soutien que j’ai bâti le Festival d’Uzès avec une énergie et une combativité débordantes pour convaincre des politiques », raconte Didier Michel.

Avec tout juste trente mille francs de subvention pour lancer ce premier événement le 12 juin 1996, il élabore une programmation composée de May Be de Maguy Marin et douze spectacles dont un dans un champ au milieu des oliviers A bras le corps  de Boris Charmatz avec Dimitri Chamblas (à voir le 20 juin) avec la présence d’un violon qui jouait les Caprices de Paganini. «  Et là j’ai compris où était ma place, compris aussi qu’il fallait décentrer la danse dans des lieux informels, c’est-à-dire utiliser le magnifique patrimoine du duché ainsi que sa nature environnante et surtout proposer un judicieux mariage entre fête et création ».

Ensuite, Didier est parti en voyageant souvent en stop et logeant chez l’habitant afin de découvrir en Europe et bien plus loin les jeunes chorégraphes devenus aujourd’hui la coqueluche des plus grandes scènes mondiales : Boris Charmatz, Akram Khan, Russell Maliphant, Peeping Tom, Pierre Droulers, Thierry  Niang, Michèle Noiret, Olga de Soto, Emanuel Gat, et des dizaines d’autres. « Il fallait offrir au public ce que je pensais être le meilleur chez nous et à l’étranger ».

Cette joie de vivre, cette gourmandise d’aller toujours plus haut et plus loin, lui ont permis de prendre des risques pour finalement gagner la confiance des politiques et ainsi obtenir plus de financement, la confiance des chorégraphes pour qui ce festival était un formidable tremplin et surtout obtenir la présence des programmateurs qui venaient nombreux découvrir de jeunes artistes inconnus.

Dix ans plus tard, en 2006, après qu’Uzès Danse soit devenu incontournable, Didier est malade et quitte son poste la mort dans l’âme. C’est en septembre de la même année que Liliane Schaus est nommée à la direction du festival et du CDC avec l’objectif d’accentuer l’orientation européenne initiée par Didier Michel en construisant le projet Looping (2008) avec l’Allemagne, le Portugal et l’Estonie. Inclus au sein du festival et financé par l’Europe ce réseau met en avant la nouvelle génération de chorégraphes. D’année en année, le public a pu découvrir des artistes qui n’avaient jamais été vus en France : la portugaise Tânia Carvalho (à voir le 13 juin), la capverdienne Marlène Montero Freitas qui dansa à Uzès son tout premier solo, la turque Begüm Erciyas… « J’ai apporté mon regard sur la danse qui est fait de ce que je suis, c’est à dire mon passage à Berlin où je travaillais lors de la chute du mur.  Je suis très influencée par le théâtre, d’où je viens, ce qui prouve mon attirance pour des esthétiques différentes qui sont liées à mon parcours » raconte Liliane Schaus.

N’étant toujours pas dotée d’un lieu, Liliane travaille de plus en plus sur le territoire afin de rencontrer le public et la population hors des temps du festival. D’où la mise en place d’une résidence d’artiste reconduit sur plusieurs années. Notamment Laurent Pichaud (2014 à 2018) qui fait suite à  Mon nom, une place pour monuments aux morts  (2010). Il s’agit d’un parcours dans différentes communes qui questionne la place qu'occupe la mémoire de la Grande Guerre. Laurent propose une sorte d’événement élaboré avec les habitants et les élus qui s’appuie sur l’histoire et le mouvement. « C’est un formidable outil pédagogique qui unit mémoire de guerre et histoire de la danse et puis n’oublions pas les chorégraphes que nous soutenons depuis longtemps dont David Wampach », souligne Liliane.

Après l’impulsion donnée par Didier Michel, les actions dans les établissements scolaires et les hôpitaux de la région se poursuivent  tout l’hiver pour aboutir à une performance programmée durant le festival. Différents thèmes sont étudiés en corrélation avec les scolaires et les patients. « Cela aboutit à des idées ingénieuses et permet de prouver que la danse est lisible par tous, qu’elle n’est ni élitiste, ni codifiée ».

Pour cette 20 ème édition qui se déroule du 12 au 20 juin, Liliane Schaus a concocté une affiche anniversaire en programmant des pièces et des artistes qui ont marqué Uzès Danse depuis vingt ans, soit treize compagnies françaises et internationales invitées : la reprise du duo A bras le corps  de Boris Charmatz et Dimitri Chamblas, une carte blanche à Laurent Pichaud et Rémy Héritier, Thierry Thieû Niang et Eric Lamoureux, la libanaise Danya Hammoud et sa superbe pièce sur le statut de la femme,  Kat Válastur et ses dix danseurs, Matthieu Hocquemiller et les fidèles Christophe Haleb, Fabrice Ramalingom…

La directrice du festival s’exprime de façon très posée et avec humour. Cette femme sait où elle va et passe le plus clair de son temps à rechercher les pépites qui feront le bonheur du public. « Au bout de vingt ans, j’avoue que nous sommes toujours fragiles. L’annulation de la saison dernière pour cause de grève des intermittents n’a pas arrangé nos finances mais ce projet est passionnant et nous continuons à avancer et à inventer avec une folle énergie et avec les moyens du bord, parce que j’ai dorénavant pris conscience que nous n’aurons jamais une certaine forme de confort, c'est-à-dire ce studio tant et tant demandé pour accueillir des artistes en résidence. Mais la plupart des CDC sont dans la même situation que nous, alors je suis fataliste et je poursuis mon combat pour que la danse existe sur ce magnifique territoire » termine Liliane Schaus.

Quant à Didier Michel, il écrit une nouvelle page avec son agence de diffusion Mister Dante créée en 2011. Avec toujours la même fougue et une indicible quête du meilleur, il s’occupe de treize compagnies nationales et internationales dont Rocio Molina (Espagne), Eun-Me Ahn (Corée), Tino Fernandez (Colombie), Omar Rajeh (Liban), Eric languet (Réunion), le CNDC d’Angers, Karine Ponties (Belgique) …  « Une nouvelle vie commence pour moi à 50 ans et des poussières ! Je suis devenu un dinosaure de la danse, avec des réseaux dans le monde entier qui me permettent de faire tourner ces compagnies. Mais la situation économique ne rend pas les choses faciles dans le métier de la danse. Elle semble être toujours le parent pauvre de la culture et j’ose avouer que si l’on me propose de diriger à nouveau un festival, j’y cours. Nourri de toutes ces expériences, je suis à ce jour certain que l’éducation et l’art sont les seules alternatives à la barbarie qui envahit le monde » conclut Didier Michel.

Sophie Lesort

Uzès Danse du 12 au 20 juin. Lien : http://www.uzesdanse.fr/

Le site de Didier Michel, Mister Dante : http://misterdante.com/portfolio-fr/didier-michel/

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