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TransDanses : « Mirlitons » de François Chaignaud et Aymeric Hainaux

Une création exceptionnelle qui réunit les deux artistes dans une expérience littéralement sensationnelle ! A voir à l'Espace des Arts de Châlon-sur-Saône le 22 novembre, dans le cadre du Festival TransDanses à Chalon-sur-Saône. 

Au milieu du plateau, sur une scène minuscule, réduite à un praticable bi-matière, François Chaignaud, chorégraphe, danseur et chanteur polymorphe, et Aymeric Hainaux, beatboxer de haut vol et musicien, livrent au public assis en cercle autour d’eux, leur rencontre dans un duo corporel et sonore. Tout commence par une déposition. Ramassant le corps gisant sur un tissu rouge d’Aymeric Hainaux, coiffé d’un heaume souple et iridescent, François Chaignaud, pantalon large couleur terre et pull over près du corps « vert véritable » dirait le peintre, le repose délicatement au sol. Dans le « porté » de ce grand poids mort, enroulé autour de ses hanches, l’effort raconte déjà une sorte de douleur de la perte, une tragédie antique, Achille ramenant le corps de Patrocle*, ou le drame médiéval d’un chevalier errant. Alors, réinsufflant littéralement, par toutes sortes de manipulations, de la vie à cet escogriffe d’un nouveau genre, débute un rite hybride où corps et souffle se confondent, unis par un même souci percussif et profondément organique, où la peau devient la membrane vibrante de deux corps tambours, de deux pulsations viscérales et musicales immenses.

Galerie photo © Laurent Philippe 

Aymeric Hainaux propage à toute sa carcasse la rythmique produite par sa bouche en ondes excentriques, parfois soulignées par le micro qu’approche Chaignaud, parfois assourdies par son retrait, créant, dans cet espace réduit, une sorte de chambre d’écho d’une danse à venir, ou de lieu sacré d’où peut sourdre l’inconnu. Chaignaud, lui, précipite toute sa personne dans cette pulsion totale, avec ses pieds, ses mains, enfilant les pointes à crampons ou les talons à claquettes, s’armant d’un bâton à clochettes pour faire la paire avec Hainaux et s’affronter par frappes interposées, comme s’il fallait dans ce monde où mieux vaut tenir le manche que prendre la cognée, taper fort pour se faire entendre. Si Mirlitons se joue avec humour de toute parade y compris militaire, avec ce petit sifflet qui fait peu d’effet, la pièce est surtout un tremplin formidable à l’imaginaire, laissant surgir toutes sortes de personnages, de situations, d’histoires, de rites, de contrées ou d’époques.

Galerie photo © Laurent Philippe 

S’y croisent toutes les danses, dans une symbiose impressionnante que porte le danseur virtuose et téméraire qu’est François Chaignaud, mais aussi tous les affects qui, dans cette rythmique tonique jouent sur la sensible, et tous les genres, au double sens du terme. Au moins. Car le spectacle joue de la polysémie pour reconfigurer sans cesse cet univers miniature et nous entraîner dans les tréfonds de la conscience. Il y a une tendresse folle dans Mirlitons, non seulement dans les accalmies, où le chant apparaît comme venu de nulle part, mais aussi dans les unissons exaltés, dans les jubilations explosives de ces deux hommes. réunis, qui finissent exténués, dans un abandon d’après tout. Du grand art.

Agnès Izrine

Le 16 octobre 2023. MC 93, Bobigny. Dans le cadre du Festival d’Automne. Jusqu’au 22 octobre.

* La mort de Patrocle dans l'Iliade d'Homère

En tournée : Festival Next : 11 à Courtrai, 14 et 15 à Valenciennes, 18 et 19 à Roubaix.

Le 22 novembre, au Festival Transdanses à l’Espace des Arts de Châlon-sur-Saône.

Les 29 et 30 janvier 2024 à La Place de la Danse CDCN (Toulouse).
Les 13 et 14 mars à La Triennale (Milan, IT). Du 10 au 13 avril 2024 à Bonlieu Scène nationale d'Annecy.

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