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« Robot, l’amour éternel » de Kaori Ito

Sur un plateau blanc, qui est en fait un parallélépipède troué d’ouvertures circulaires, émerge une jambe. Puis un bras, puis une tête : Kaori Ito, en ordre dispersé. Son corps démembré est aussi découpé que l’est son emploi du temps d’artiste sans cesse en tournée, courant d’un rendez-vous à l’autre selon une implacable to do list qu’égrène la voix métallique d’un téléphone portable. Répétition, déplacement, représentation, rare soirée amicale ou familiale.

Une vie de robot à laquelle elle tente en vain de se soustraire, en quête désespérée de temps pour penser, pour s’arrêter de courir, pour ne rien faire. La scène est jonchée de moulages de différentes parties de son corps, prothèse de mollet ou moitié d’un masque, dont elle s’harnache par moments comme pour tenter de réinvestir l’identité fragmentée qui est la sienne.

Croisant avec humour son quotidien d’interprète se déplaçant aux quatre coins du monde et son existence d’exilée, à cheval entre deux langues et deux pays - le Japon où elle est née, et la France où elle travaille et a fondé une famille -, sans compter tous ceux qu’elle traverse, Kaori Ito s’interroge sur un certain monde contemporain privé de but et de sens.

Jusqu’à ce que, prenant la parole face au public, elle laisse apparaître en creux ce qui l’habite : l’angoisse de la mort, la sienne et surtout celle de ceux qu’elle aime, à laquelle fait immédiatement contrepoids le surgissement de la vie. Devenue mère il y a peu, la danseuse et chorégraphe avoue avoir vécu à cette occasion le moment le plus puissant de son existence. Le seul, sans doute, capable de l’arracher à la frénésie angoissante du temps qui passe, et de l’inscrire enfin dans le présent.

Cette confession solo ne manque pas de charme et son habillage esthético-chorégraphique - soulignons notamment le beau travail plastique et sur les lumières - est incontestablement réussi. De quoi donner envie de guetter le prochain opus d’une artiste par ailleurs résidente au Centquatre, et qui pièce après pièce, depuis son premier opus Noctiluque en 2008, affirme un peu plus à chaque création la singularité de son univers et de son langage.

Isabelle Calabre

Vu le 3 avril au Centquatre à Paris, dans le cadre du festival Séquence danse Paris et du Tandem Paris-Tokyo.

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