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Réception de Jiří Kylián à l’Académie des Beaux-Arts

Élu en avril 2018 membre associé étranger à l’Académie des Beaux-Arts, Jiří Kylián a été reçu le 13 mars sous la Coupole.

Telle la très vieille dame qu’elle est, l’Académie a ses rituels. A la fois solennels et émouvants, ils ont marqué  le 13 mars dernier la réception à l’Institut de Jiří Kylián. Ainsi en est-il de l’entrée majestueuse, au son des roulements de tambour, de quelques-uns des cinquante-neuf membres gagnant à pas comptés les sièges qui leur sont réservés à droite de la tribune. Ainsi aussi du mot d’accueil, vite oublié, du président Pierre Caron, heureusement suivi des paroles chaleureuses du secrétaire perpétuel, le compositeur Laurent Petitgirard, saluant la création le 9 octobre 2018 de la nouvelle section de chorégraphie dont Jiří Kylián sera le « parrain ». Les candidatures aux quatre nouveaux fauteuils disponibles étant reçues jusqu’au 27 mars, rendez-vous le 24 avril pour  découvrir les noms des heureux élus.

Même sans expérience en matière de cérémonies académiques, on croit pouvoir affirmer sans grand risque que celle-ci ne ressemblait à aucune autre. Et pas seulement parce qu’elle marquait, enfin, la reconnaissance de la danse en tant que telle (en 1995, Maurice Béjart avait été élu à l’Académie comme « membre libre » et non comme chorégraphe). L’après midi fut en effet semée de plaisirs aussi variés qu’inattendus, à commencer par la performance saisissante de Sabine Kupferberg, muse et compagne de Kylián, évoluant au milieu des invités le visage grimé de blanc, vêtue d’un spectaculaire jupon rouge surmonté d’une collerette jaune, sur un air de Purcell interprété par les Arts Florissants.

Car l’académicien William Christie était également présent, dirigeant au clavecin des extraits du King Arthur. Moment de grâce où musique et danse - théâtre, en lointaine parenté avec le mime Marceau qui fut lui aussi membre libre de l’Académie - s’étaient donnés rendez-vous devant quelque deux cents invités subjugués.

Avant ce mini concert dansé, on avait entendu Hugues Gall, chargé de prononcer le discours d’accueil de l’impétrant, retracer avec vivacité la carrière de son ami et désormais confrère en commençant par ce soir d’avril 1971 où le jeune Jirí, soliste au Stuttgart Ballett alors en tournée aux Etats-Unis, avait été avantageusement cité dans la recension du New York Times sur le Romeo et Juliette de John Cranko. L’ancien directeur de l’Opéra de Paris évoquait aussi la figure inspiratrice de Marketa Kylianova, mère du chorégraphe et danseuse adulée, qui avait un jour emmené son fils voir son premier ballet - naissance d’une vocation.

S’enchaînaient ensuite les étapes connues d’une vie dédiée à la danse, depuis l’Ecole du Ballet national de Prague, sa ville natale, jusqu’à la direction à l’âge de vingt-huit ans du Nederlands Dans Theater, où il avait été plus tôt invité par Glen Tetley à créer trois ballets. « Votre œuvre vagabonde avec la plus grande liberté : aucune forme ne vous échappe, aucune règle ne s’impose à votre fantaisie » soulignait H. Gall, qui rappelait les sources d’inspiration variées du chorégraphe, de l’Australie des Aborigènes jusqu’aux territoires cinématographiques récemment explorés par  Kylián. « Ma vie tient davantage aux choses que je n’ai pas faites qu’à celles que j’ai faites : parce que les premières sont toujours plus belles et plus profondes que les autres ! » avait un jour confié ce dernier. Mais les œuvres réalisées suffisaient déjà amplement à justifier son fauteuil d’académicien, le rassurait Hugues Gall, en lui souhaitant la bienvenue.

Galerie photo © Juliette Agnel

Dans sa réponse, Jiří Kylián en habit vert faisait, comme c’est l’usage, l’éloge du peintre italien Leonardo Cremonini (mort en 2010), au fauteuil duquel il succédait. Il remarquait avec malice que la danse, le plus ancien des arts, était la dernière à être représentée puis il soulignait l’importance essentielle pour chaque être humain de ce langage du corps, du premier pas jusqu’à la mort. Les Aborigènes pour lesquels il avait organisé en 1982 un festival des danses traditionnelles, lui avaient enseigné que la danse se transmettait depuis l’origine des temps, dans une grande chaîne dont tout homme est l’un des anneaux. A chacun, donc, de laisser sa trace…

Kylián se voyait ensuite remettre, par la princesse Caroline de Hanovre, la fameuse épée d’académicien dont il racontait la conception. Sa poignée est ornée de la reproduction d’une statuette égyptienne vieille de 5 500 ans représentant une danseuse. Elle est également dotée d’ailes - symboles de l’envol de la chorégraphie désormais inscrite au rang des beaux-arts - héritées d’un oiseau opportunément tombé devant les pieds du chorégraphe au moment précis où il désespérait de trouver un modèle adapté !

Il faudrait encore dire un mot de l’assistance, composée de danseurs, chorégraphes et directeurs de compagnie venus des quatre coins du monde entier, dont pour ne citer qu’eux Mats Ek, Ana Laguna, Nacho Duato, Jean-Christophe Maillot, José Martinez... Tous réunis pour saluer unanimement, avec une émotion partagée, l’un des plus grands artistes de la danse.

Isabelle Calabre

A l’Institut de France (Paris) le 13 mars 2019.

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