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Prix de la Danse en Allemagne: Sasha Waltz récompensée

La chorégraphe berlinoise vient de recevoir le Deutscher Tanzpreis. Et présente deux créations majeures à Paris. 

Si certains printemps sont plus pluvieux que d’autres, la saison est infailliblement synonyme d’une mousson de prix artistiques. Et puisqu’ à l’est, le soleil se lève plus tôt qu’à l’ouest, c’est à Berlin que la moisson s’est mise en route avec l’attribution du Tanzpreis, décerné chaque année par le DTD (Dachverband Tanz Deutschland), l’association allemande pour le rayonnement de la danse. Trois prix en tout et pour tout dont le plus intéressant est celui prévu pour des chorégraphes ou interprètes, parfois au résultat assez étonnant. Car le plus souvent, les meilleurs doivent attendre longtemps avant d’être récompensés. Vu que ce prix existe depuis 1983, il est assez étonnant de voir Sasha Waltz récompensée pour la première fois en 2024 alors que sa compagnie fêta ses trente ans en 2023. 

Mais même un Raimund Hoghe avait dû attendre jusqu’en 2020, et une Pina Bausch jusqu’en 1995 ! L’explication est que ce prix ne récompense pas une création en particulier, mais l’ensemble d’une œuvre. De fait il se confond avec une récompense de carrière, aucun prix n’étant prévu pour une création en particulier. Chez Sasha Waltz, ses succès récents avec deux pièces également présentées en France n’ont donc pas joué de rôle déterminant. Au contraire, la chorégraphe n’a, dans son allocution, rien passé sous silence concernant ses années difficiles dont elle sort tout juste. Après son irrésistible ascension dans les années 1990 – jusqu’à son mémorable Körper créé en 2000 – elle avait en effet fait les frais de pénuries budgétaires et turbulences de la politique culturelle berlinoise et fut, entre autres mésaventures, obligée de quitter le Radialsystem, lieu dédié à la danse qu’elle avait créé en 2006 à Berlin, entre autres avec son mari, Jochen Sandig.

Aucune pièce n’est citée par le jury qui met en avant le rôle de Waltz dans le développement de l’art chorégraphique en Allemagne, son rayonnement international, sa capacité à créer de nouveaux espaces et de former de nouveaux publics et son expérimentation de nouvelles formes. Ce qui ne veut pas dire que le jury n’ait pas remarqué la brillance de ses œuvres récentes. Citons le lumineux In C avec sa compagnie Saha Waltz & Guests, une œuvre sur une musique de Terry Riley, où la chorégraphie est aussi modulaire et adaptable que l’orchestration et l’interprétation. In C, qui sera donnée en juin à la Philharmonie de Paris, est conçue comme une boîte à outils et est transmis à des compagnies à travers le monde, dans l’esprit originel de Riley prônant ouverture et (r)évolution permanente. 

L’autre triomphe actuel de Waltz, forte de vingt ans d’expérience dans la mise en scène d’opéras, est sa mise en scène musicale et chorégraphique de La Passion selon Saint-Jean de Bach à l’Opéra de Dijon, un déluge d’images et de tableaux où instrumentistes (Ensemble Cappella Mediterranea), chanteurs (Chœur de l’Opéra de Dijon et Chœur de chambre de Namur) et danseurs (Saha Waltz & Guests) fusionnent leurs énergies et souvent aussi leurs corps dans une œuvre d’art total à couper le souffle. Là aussi, la Berlinoise joue là aussi la carte de l’inclusion, démultipliant le personnage du Christ entre plusieurs interprètes, en variant les couleurs de peau comme les sexes. On reverra cette passionnante Passion, un brin provocatrice et iconoclaste, en novembre au Théâtre des Champs-Elysées. 

Galerie photo © Mirco Magliocca Opéra de Dijon

Les autres récompenses du Deutscher Tanzpreis sont allées à « explore dance », un réseau qui œuvre dans la production et diffusion de la danse auprès du public jeune (prix pour le développement de la danse), et à Dieter Heitkamp, danseur, chorégraphe, pédagogue engagé et surtout pionnier de la Contact improvisation en Allemagne. Ici, la dénomination ne laisse aucun doute ; c’est l’œuvre d’une vie dédiée à la danse qui est récompensée. Et c’est bien sûr ce qu’on attend in fine pour Saha Waltz, dans quelque temps. Une décennie ou deux, sans doute… 

Thomas Hahn

In C  : Philharmonie de Paris, du 13 au 19 juin

La Passion selon Saint-Jean, 4 et 5 novembre 2024, Théâtre des Champs-Elysées

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