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« Mayerling », Ballet de l’Opéra de Paris

Le ballet « Mayerling » est entré le 25 octobre 2022 au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris.

« Une tension narrative brûlante ». Tels étaient les mots par lesquels le critique de danse du Financial Times, Clement Crisp, décrivait la première du Mayerling de Kenneth MacMillan par le Royal Ballet le 17 février 1978 au Royal Opera House de Londres.

L’entrée, en ce mois d’octobre qui marque les trente ans de la mort du chorégraphe britannique, du ballet au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris n’appelle pas les mêmes qualificatifs. Il ne manque pourtant ni un accessoire ni un bouton de guêtre aux décors et costumes empesés de Nicholas Georgiadis, soigneusement réalisés à l’identique par les ateliers de l’Opéra de Paris. L’intrigue est bien évidemment respectée à la lettre, couvrant les huit ans séparant le mariage du prince Rodolphe, fils de « Sissi » et de l’empereur d’Autriche François-Joseph, de sa mort huit ans plus tard et celle de sa maîtresse Mary Vetsera, par double suicide présumé, dans le pavillon de chasse de Mayerling. On retrouve, de même, les fameux pas de deux hyper-acrobatiques qui nourrissent depuis des décennies la réputation d’une œuvre jamais vue sur les scènes françaises. Toutefois, à lire les phrases enthousiastes du critique anglais, on se prend à douter d’avoir vu le même spectacle. 

Galerie photo © Laurent Philippe

Sans doute, ce qu’il y admire - qu’il s’agisse du scintillement des bijoux d’une soliste, de la restitution supposée du contexte social et de la vérité historique du drame, ou du « réalisme âpre en vogue en cette fin de 20siècle » - n’est plus apprécié de la même façon en 2022 et paraît même singulièrement daté. Sans doute aussi, le cocktail de sexe et violence cher au chorégraphe appelle de nos jours un regard différent de ce traitement à la limite de la complaisance : entre deux tableaux passablement indigestes ou inutilement tape à l’œil (à la Cour des Habsbourg, chez les Vetsera ou dans une taverne façon bordel), les scènes ‘fortes’ ne manquent pas, depuis le viol par le prince de sa jeune épouse le soir de leurs noces, à ses ébats torrides avec ses maîtresses ou ses injections de morphine. Malheureusement leur caractère explicite, voire appuyé, les prive de véritable impact dramatique et transforme l’effet cinématographique annoncé en diaporama sans relief. Quant à la musique de Liszt, bien que cohérente dans son assemblage de pièces diverses, elle ne sauve pas de l’ennui.

Galerie photo © Laurent Philippe

Faute d’avoir assisté il y a quarante-quatre ans à la première, on ne saura si les coupes « inévitables » suggérées alors par notre distingué confrère ont été faites ou non au cours des représentations suivantes. Quoi qu’il en soit, tout cela semble aujourd’hui bien long et l’on ne retrouve guère, dans ce Mayerling, l’efficacité narrative de L’Histoire de Manondu même auteur, également au répertoire de la troupe parisienne. De cette déception, le casting d’interprètes distribués le 26 octobre, au lendemain de la première, n’est pas responsable : s’il a fallu à Mathieu Ganio quelques scènes pour habiter pleinement son personnage, il en a creusé ensuite avec subtilité, tout au long du spectacle, la complexité tragique. A ses côtés, Ludmila Pagliero a déployé en Mary Vetsera une présence et une autorité amoureuse peut-être décalées de la part d’une supposée jeune fille de dix-sept ans, mais largement bienvenues pour insuffler à partir du deuxième acte un intérêt émotionnel jusque là absent. On a aussi apprécié la finesse de jeu et de danse de l’impératrice Elizabeth (Sissi) d’Héloïse Bourdon, tout comme la fragilité assumée d’Eléonore Guérineau en princesse Stéphanie, l’épouse du prince. Mention particulière à Pablo Legasa, remplaçant au pied levé (!) d’un des quatre officiers hongrois entourant Rodolphe, et qui brilla comme à l’ordinaire par sa légèreté virtuose. Reste cependant le sentiment d’une occasion manquée, ou d’une programmation hélas déjà démodée. 

Isabelle Calabre

 

Vu le 26 octobre 2022 au Palais Garnier. Jusqu’au 12 novembre 2022.

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