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Le Kaléidoscope de Mourad Merzouki

Comme annoncé, Mourad Merzouki achève son mandat de directeur du CCN de Créteil et du Val-de-Marne en beauté. Il célèbre les dix ans du festival Kalypso par lui fondé et les vingt années passées à chorégraphier. Nous avons assisté à sa soirée d’adieux, où il a proposé à une salle emplie à craquer un montage d’extraits de neuf pièces de son répertoire sous le titre de Kaléidoscope .

Les sensations ressenties par le public dont nous étions peuvent être qualifiées de « vives et variées », comme celles que peut susciter le jouet optique qu’est le kaléidoscope, en son sens littéral. Ceci dit, après une mise en bouche offerte par une dizaine de danseuses du Collectif junior de la compagnie Käfig, création collective coordonnée par Céline Tringali, le spectacle de la compagnie « senior » nous a paru d’une remarquable cohérence. Pour deux raisons principales. Tout d’abord, il convient de noter le soin apporté par Merzouki aux transitions qui, du simple best of font spectacle. Ensuite, malgré ou, justement, grâce aux années écoulées entre 2006, date du premier morceau choisi et 2021, celle du dernier, le style chorégraphique s’est affirmé, affiné, singularisé.

De Terrain vague (2006) à Zéphyr (2021), en passant par Tricoté (2008), Agwa (2008), You Gee Ti (2012), Boxe boxe (2010), Cartes blanches (2016), Folia (2018), Vertikal (2018), on peut dire que la qualité de la danse, inspirée il y a lurette du hip hop, a atteint un niveau d’excellence. À aucun moment de la soirée, nous n’avons constaté de faille technique, de décalage entre l’un ou l’autre membre de la troupe, de baisse d’intensité. Si quelques interprètes se distinguent de leurs collègues de bureau par leur virtuosité, la connexion entre eux ne fait pas de doute. À la valeur technique du travail accompli par les vingt-cinq intermittents du spectacle et au talent du chorégraphe se sont ajoutées, le soir où nous étions, des trouvailles de mise en scène qui ont aidé le continuum dansé. Des effets de fondus-enchaînés lumineux ou gestuels ; des changements de décor à vue – mais aussi « ni vu ni connu » – ; des chutes bruyantes et amusantes de tapis signifiant la fin d’un acte et annonçant la routine à venir.

Soirée Kaléidoscope - Galerie photo © Laurent Philippe

Naturellement, nous devons reconnaître avoir été plus sensible à certains moments chorégraphiques qu’à d’autres. Nous garderons longtemps en mémoire de simples effets visuels obtenus par la disposition au sol des verres plastiques d’Agwa, mis en valeur ce qu’il faut par l’éclairage de Yoann Tivoli ; ainsi que le gimmick qui pourrait être agaçant du mètre ruban rythmant l’arpentage du plateau des danseurs de Terrain vague ; sans parler du combat de boxe opposant un Laurel à un Hardy bondissant en dépit de son embonpoint de bibendum. Comment passer sous silence ceux qui relèvent de la prouesse physique que sont certains solos acrobatiques masculins (l’un sur la tête, d’autres en l’air au bien au sol) ? ou le détail ornemental qui tue dans le numéro de derviche dans Folia, hors sujet, un peu trop endiablé pour certains, mais qui en jette : la robe immaculée du mevlevi changeant d’aspect, virant brusquement de la souplesse à la raideur ? pourquoi  omettre l’exploit sportif et la grâce aérienne du numéro féminin circassien permis par un invisible mais probable filin ?

Soirée Kaléidoscope - Galerie photo © Laurent Philippe

Comme prévu, les danseurs (Soirmi Amada, Rémi Autechaud, Kader Belmoktar, Habid Bardou, Nedeleg Bardouil, Romain Boutet, Franck Caporale, Ethan Cazaux, Sabri Colin, Mathilde Devoghel, Théo Farjounel, Nathalie Fauquette, Lisa Ingrand, Pauline Journé, Joel Luzolo, Camilla Melani, Mourad Messaoud, Tibault Miglietti, Chika Nakayama, James Onyechege, Mathilde Rispal, Wissam Seddiki, Yui Sugano, Aurélien Vaudey) ont assuré.

Et Heather Newhouse, la soprano en robe de cour incarnat s’est taillé un franc succès. Folia a, comme du reste, Zéphyr, été bissé et servi de finale au show. La salle a fait un triomphe aux artistes et héros du gala.

Nicolas Villodre

Festival Kalypso, vu le 13 novembre 2022 à la Maison des Arts de Créteil.

 

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