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« Forum Regards croisés sur la santé du danseur »

Deux jours de rencontres autour de la santé des danseurs se sont tenus le mois dernier à Biarritz dans le cadre du Temps d'Aimer la danse. 

Qui, pour assister au « Forum Regards croisés sur la santé du danseur » se glissait indiscrètement dans la Gare du Midi de Biarritz, siège actuel du Centre Chorégraphique, le samedi 16 septembre au matin, vers les neuf heures, risquait d’être un peu surpris. Il pouvait y voir, au lieu des habituelles conversations autour du café chaud, tout un aréopage s'étirant et s'agitant doucement, histoire de « mobiliser le corps et l’esprit ». Cela n'empêche pas le café, mais après ! L'anecdote souligne l'attention que les organisateurs de cette manifestation, L’Institut Danse Santé, directe émanation du CCN mais aujourd'hui acteur assez indépendant, ont pu avoir en mettant en place ce Forum, à l'occasion du festival Le Temps d'aimer, de ne pas séparer la pratique de la théorie !

Pour autant, ce « Forum Regards croisés » n'affichait pas d'ambitions tonitruantes et de prétentions à renverser la table. L'énoncé en était modeste jusqu'au prudent. Pourtant, ces rencontres des 15 et 16 septembre 2023, organisées avec le CCN Malandain Ballet Biarritz peuvent être regardées comme posant les bases d'une approche profondément renouvelée de cette question complexe de la santé des danseurs souvent renvoyée à un informulé pourtant très prégnant.

Comme un mot d'ordre, c’est apparu à la fin, quand les trois groupes de travail (Former les jeunes danseurs ; Potentialiser les capacités physiques des danseurs ; Mettre en place un parcours de soins adaptés aux artistes chorégraphiques) vinrent présenter les conclusions des discussions auxquelles participèrent la centaine d'inscrits. Un mot d'ordre simple, à rebours du discours général : « il faut déresponsabiliser les danseurs de leur santé » ! Ainsi, le monde de la danse doit décharger les seuls danseurs de la charge mentale, physique et financière de la santé, tout simplement parce les conditions même d'une évolution de la situation ne peuvent se trouver que dans une mobilisation complète de l'ensemble des acteurs alors qu’aujourd'hui, seuls les artistes en sont comptables. Cette situation qui fait reposer l'essentiel de la santé, de la prévention des accidents à l'optimisation de la carrière, sur les seuls danseurs s'est avérée totalement contre performante pour l'ensemble de cet écosystème que constituent les employeurs, les formateurs, les danseurs mais aussi les programmateurs et les spectateurs.

Les interventions d'origines très diverses, permettaient de mesurer la nécessité de cette approche systémique de la santé. La table ronde « Mettre en dialogue les expériences de terrain : création, pédagogie, soin » ou dialoguait Xavière Barreau, médecin du sport du Ballet de l’Opéra de Paris, Célia Thomas, directrice du département Danse, PESMD Bordeaux et Linda Hayford danseuse hip hop membre du Collectif FAIR(E )/ CCN Rennes, ont permis de souligner la complexité systémique de la prise en compte de sa santé par le danseur, en soulignant en particulier, et à plusieurs reprises, combien cette préoccupation pesait sur les artistes hors structures (les intermittents) qui sont pourtant les plus vulnérables. Combien, même dans les structures les plus installées, les réticences existent qui renvoient l'état de santé du danseur à la sphère privée quand ce n'est pas à une mythologie de l'artiste « dur au mal ». Abordant la question différemment, la table ronde « Fédérer autour de l'enjeu du suivi santé » a permis qu'apparaisse – discrètement – tout l'intérêt, y compris économique, pour les compagnies et structures, d’avoir des interprètes en bonne santé… Il a fallu que soit posée cette tendance des danseurs et danseuses à intérioriser la question de la santé, parce que cela ne se fait pas de se plaindre, parce que les places sont chères, parce que la carrière est courte, etc…

En somme, une libération de la parole qui a permis une lecture particulièrement nouvelle mais lucide. Car les difficultés n'ont pas été ignorées. Elles sont juridiques quand il s'avère impossible pour un relais professionnel comme le CND de conseiller l'un ou l'autre praticien particulièrement formé à appréhender la situation des danseurs (interdiction de publicité pour les professionnels de santé). Elles sont institutionnelles quand il s'agit de souligner, dans la formation initiale, le manque de sensibilisation aux enjeux de santé (et son absence dans le cadre du Diplôme d'Etat), voire politique puisque ces dernières lacunes ne peuvent se régler qu'en faisant travailler deux ministères (Santé et Culture) qui le font peu et même y associer un troisième (Education Nationale) ce qui ne simplifie guère les choses…

Mais au lieu de se focaliser sur les difficultés et les obstacles, ce Forum de Biarritz, sans doute parce qu'il abordait la question avec une réelle humilité, est parvenu à faire dialoguer tous les intervenants. Parce que cette rencontre de 109 personnes dont 25 intervenants était « hébergée » dans une manifestation en pleine forme (le bilan du festival de Biarritz pour cette 33ème édition affiche 33 980 festivaliers, soit 10% de plus qu'en 2022), elle a pu profiter d'une dynamique positive, mais aussi rappeler très utilement que l'enjeu de la santé des danseurs regarde aussi les spectateurs et les programmateurs. Peut-être aussi parce que l'atmosphère était propice, reste que cela a culminé, lors des conclusions avec cette affirmation forte, politique, aux connotations parfaitement pratiques : la santé des danseurs est affaire de tous ! Et l'exemple qui en fut donné fut celle des sportifs, comme les rugbymen qui dans cette terre d'Ovalie ont servi de modèle au suivi des danseurs du CCN local !

Philippe Verrièle

Temps d’Aimer la Danse 2023 - Forum Regards croisés sur la santé des danseurs 15 et 16 septembre 2023.

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