Festival Artdanthé : Entretien avec Anouchka Charbey
Le festival Artdanthé célèbre sa 25e édition du 11 mars au 1er avril et la manifestation créée par José Alfaroba à Vanves dans son théâtre municipal reste, malgré la conjoncture difficile, l'un des révélateurs le plus affûté. Anouchka Charbey, qui lui a succédé en 2015 est demeurée fidèle à cet événement en le recentrant sur ses fondamentaux.
Danser Canal Historique : Que représente aujourd'hui le festival Artdanthé ?
Anouchka Charbey : Pour nous, c'est un temps fort de notre saison et, parce qu'il est très identifié dans le réseau des jeunes artistes, c'est un moment important pour eux et pour la circulation des jeunes chorégraphes étrangers. C'est aussi un temps de rencontre attendu entre le public et des artistes encore peu repérés. Les spectateurs sont sensibles à ces moments de découverte.
DCH : Mais il y a beaucoup de festivals qui peuvent aussi revendiquer de telles rencontres. Alors quelle est l'originalité d'Artdanthé ?
Anouchka Charbey : Il y a très peu de cas où nous présentons les artistes en « one shot ». Soit ce sont des fidélités sur le long terme, soit des artistes qui étaient en résidence et que nous allons accompagner dans le temps. Cela nous donne une identité forte. Bien sûr, il y a du renouveau, des créateurs qui ne sont jamais venus auparavant. Cela remplace, en quelque sorte, ceux qui partent voler de leurs propres ailes vers des plateaux plus grands, des coproducteurs ayant plus de moyens pour des projets que nous n'avons pas la possibilité d'accompagner. C'est ce qui va se passer avec la pièce de Betty Tchomanga (Leçons de ténèbres - 11 mars) et c'est une très bonne chose pour elle.
Notre identité vient aussi de nos collaborations, avec des institutions voisines comme le Générateur à Gentilly où des manifestations avec lesquelles nous travaillons régulièrement comme le festival Trente Trente à Bordeaux par exemple.
DCH : A ce propos, il y a au cœur du festival, un temps fort, entre le 16 et le 18 mars durant lequel vous invitez sept festivals internationaux à présenter des chorégraphes émergents, dont beaucoup n'ont jamais été vus en France. C'est une façon de célébrer vos 25 ans ?
Anouchka Charbey : J'avais la volonté de fêter ces 25 ans en étant plus tournée vers l'extérieur et en partageant un moment de programmation avec des festivals avec lesquels nous avons des échanges fréquents ainsi qu'avec d'autres moins repérés en France. Par exemple Emergentia, une manifestation genevoise portée par trois structures qui en est à sa troisième édition et que l'on ne connaît pas vraiment ici. Ces collaborations nous permettent de programmer des artistes que nous n'aurions pas pu présenter sans cela.
DCH : Comment avez-vous retenu ces festivals ?
Anouchka Charbey : La liste s'est établie comme une sorte d'évidence ! Ce sont ceux que l'on connaît et avec lesquels cela se passe bien. Si nous avions eu les moyens pour huit ou dix collaborations, nous l'aurions fait. Nous avons fait le maximum avec nos possibilités.
Quant à l'idée d'un temps fort, nous en avions envie dès le début et à ce moment-là l'ONDA (Office national de diffusion artistique) n'était pas certaine de pouvoir y participer. L'idée était celle d'un moment pour échanger sur l'émergence et comment l'accompagner aujourd'hui. Le temps fort est né de tout cela.
DCH : Est-ce plus ou moins difficile d'inviter des jeunes chorégraphes aujourd'hui qu'auparavant ?
Anouchka Charbey : Ce n'est ni une question de coût ni de difficultés administratives, mais il est vrai que c'est un peu plus difficile aujourd'hui. Il y a beaucoup d'artistes, pas forcément plus de lieux et surtout assez peu de programmateurs qui prennent le risque de suivre.
Pour les spectateurs, c'est aussi un peu plus compliqué quand l'artiste n'est pas du tout identifié. Il faut faire un premier pas, ce qui n’est pas toujours évident. Nous sommes aidés parce que nous sommes référencés comme lieu de repérage et que le public sait ce qu'il vient chercher en venant ici. Nous visons aussi à donner une vie après la programmation et cela crée des fidélités qui aident à prendre la décision de se déplacer jusqu'à nous. Nous ne nous arrêtons jamais à une seule pièce. Ainsi nous suivons Marta Izquierdo Muñoz (Dioscures, 21 mars) depuis 2012 et Guillaume Marie [Snow Cloud, 23 mars] depuis une bonne douzaine d'années. Pour Annabelle Chambon et Cedric Charron (Pop Corn protocole, 30 mars], c'est leur quatrième pièce que nous programmons, et nous voyons un intérêt croissant pour leur travail de la part du public et des professionnels. Quant à Marcela Santander Corvalán (Bocas de Oro, 11 mars -lire notre entretien), nous avons montré son premier solo il y a cinq ans, et elle présente aujourd’hui une pièce de groupe avec de nouveaux coproducteurs.
Mais il y a aussi des découvertes, comme Kidows Kim (Cutting Mushrooms, 28 mars) qui est un véritable ovni, aux confins des arts plastiques et de la danse, à cheval sur sa culture coréenne et la culture occidentale. Il a un rapport au corps très singulier et un travail étonnant sur le « gore », le fantastique, l'utilisation des costumes et de l'image.
DCH : L'information est tombée au cours du dernier trimestre 2022 : le budget global du Théâtre de Vanves va être diminué d'environ 30%. Quel sera le devenir du festival ?
Anouchka Charbey : Déjà, l'édition du 25e anniversaire n’est pas impactée. Pour la suite, il est évident qu'une réduction du format sera nécessaire. Il n'y a pas de budget spécifique pour le festival, il est intégré dans celui du théâtre, il sera donc impossible de ne rien changer. Nous allons conserver la manifestation mais pas dans cette forme. Mais si nous trouvons de nouvelles collaborations, par exemple avec Danse Dense ou avec Faits d'Hiver… Tout est possible. Il y a une réunion du comité de suivi avec les tutelles début mars, nous aurons une idée plus précise de la forme que prendra la suite à ce moment-là.
Propos recueillis par Philippe Verrièle
Festival Ardanthé du 11 mars au 1er avril 2023
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