« Dive », une plongée dans l‘univers d’Edouard Hue
Le Franco-Suisse présente un septette qui tente la réconciliation du sérieux et du radieux. Une danse pour tous ?
Du haut des réseaux sociaux, Edouard Hue salue, fort de ses posts incessants vus par plus de 30.000 followers. Et il rayonne. Lors de la première parisienne de Dive à La Scala de Paris, Angelin Preljocaj en personne, ayant terminé une série de répétitions publiques avec le Ballet Preljocaj Junior au Théâtre de la Ville, lui fait l’honneur de sa présence ! Hue, lui, est issu d’un autre Ballet Junior, celui de Genève. Et visiblement, il attire un public plus jeune qu’ailleurs, qui cherche des sensations fortes mais ne fréquente pas, en grande partie, les autres salles proposant de la danse contemporaine.
Voilà un succès en soi pour Hue et sa compagnie nommée Beaver Dam, terme anglais qui désigne la digue du castor, ici vue comme un pont et non comme un barrage. Hue semble en mesure d’élargir le public de la danse et cela tombe bien. Les institutions ne cherchent-elles pas de plus en plus des chorégraphes comme lui, suffisamment tik-tok-compatibles et pourtant dotés d’un vernis de sérieux en matière de recherche artistique ?
Unissons joyeux
Dive (plonger ou la plongée en anglais) n’est pas sans surprendre, surtout dans un lieu qui s’adresse au grand public. Par exemple, ce premier tableau, un unisson en position assise, interprété essentiellement avec les mains, les bras et les genoux. C’est vif, ludique, et les interprètes font preuve d’une virtuosité joyeuse dans ce détournement d’une revue. Le show est lancé, et une idée de danses urbaines flotte sur l’ensemble à partir de la musique de Jonathan Soucasse. Les unissons sont festifs, avant que l’ambiance ne parte vers le rêve.
Hue sait moduler les ambiances, jouer sur les registres chorégraphiques et intéresser, voire surprendre quand il met l’énergie et l’envie nécessaires, même si ce n’est pas le cas de bout en bout. Il arrive que le divertissement prenne le dessus et que l’interprétation soit clivée entre un état intérieur et un univers cinétique, pas toujours compatibles.
Deux interprètes se démarquent cependant dans les tableaux de groupe. Si l’Américaine Alison Adnet est plutôt authentique dans son style aux réminiscences urbaines, on retient surtout Jaewon Jung qui interprète sa partition avec le naturel et la fluidité qui font que sa danse coule de source. On avait en effet déjà remarqué ce Coréen formé en Europe dans All I Need, sur le même plateau, en janvier 2023 [lire notre critique].
Galerie photo © Laurent Philippe
Quo vadis ?
Hue parle d’un basculement de l’autre côté du miroir. Ce qui donnerait tout son sens à l’état de fête initial, sauf que la descente vers l’insondable concerne une seule danseuse, un seul personnage. Et ce solo final est fascinant, avec ses cassures et disharmonies, comme un désenchantement dansé. Avec une désillusion assumée, il pose la question : Comment continuer à vivre ?
Entre l’envie de parler à un public au sens large et l’auteur qui observe le monde, l’ancien interprète de Hofesh Shechter, Damien Jalet et Oliver Dubois cherche sa voie laquelle ne semble pas encore tout à fait définie. Mais il a plus d’inventivité à offrir et plus de cordes à son arc que beaucoup de chorégraphes issus d’un univers spécifique. Hue le généraliste nous invite à une plongée dans son univers aux intensités variées. Où parfois on voit clair et parfois, trouble.
Thomas Hahn
Paris, La Scala, le 13 janvier 2024
Dive
Chorégraphie : Edouard Hue
Danseurs : Alison Adnet, Alfredo Gottardi, Jaewon Jung, Tilouna Morel, Rafaël Sauzet, Angélique Spiliopoulos, Mauricio Zuñiga
Musique : Jonathan Soucasse
Costumes : Sigolène Pétey
Lumières : Arnaud Viala
Conseils dramaturgiques : Hugo Roux
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