Error message

The file could not be created.

« Comme un trio » de Jean-Claude Gallotta

Reflets chorégraphiques d’un roman qui fit scandale: Gallotta inscrit la danse entre les lignes de Bonjour Tristesse, comme pour mieux relier les mots aux gestes.

Cela fait longtemps, dit Gallotta, en voix off, qu’il s’interroge sur le lien entre les mots et les gestes. Littéralement depuis 2012, quand il créa Racheter la mort des gestes, une pièce fragmentaire où résonnèrent des souvenirs, des discours et des extraits de films, où la danse creusa les sillons émotionnels des pensées et des sensations. Où Gallotta prit la parole, depuis le off, comme dans son Sacre du Printemps, entre autres. Et comme aujourd’hui, dans Comme un trio.

Double pas de trois

L’ancien directeur du CCN de Grenoble déploie un millefeuille similaire dans Comme un trio, où la danse résonne, entre autres, avec Françoise Sagan qui parle d’amour et de bonheur, ou encore avec Juliette Greco qui chante Bonjour tristesse.  « Et elle le chante uniquement dans ce film », insiste Gallotta - après la représentation. Pour cette nouvelle création, le chorégraphe a concocté un pas de trois entre danse, réflexions autour de l’œuvre et archives sonores ou visuels. Comme un trio, donc…

Et comme dans les autres spectacles évoqués, il y va de sa propre voix, la prêtant ici aux interrogations de Sagan sur l’écriture. Et il se demande, en voix off toujours, à l’occasion d’un pas de deux entre les deux femmes, ce que lui-même (et donc le public) est en train de voir : Les interprètes, les personnages ou Sagan elle-même, dans sa propre relation amoureuse ? Aussi pose-t-il la question de la relation entre les personnages fictionnels et la Sagan réelle… qu’on entend débattre avec Barthes, avant que la bande-son d’un reportage télévisuel d’époque ne nous ramène au moment de son mariage.

Racheter l’oubli d’une œuvre ?

S’agit-il, comme dans L’Etranger, trio créé d’après Camus [lire notre critique], de racheter l’oubli d’une œuvre ? Gallotta, parti sur les traces de Meursault il y a deux ans, se réjouit ici de voir le public adolescent découvrir les échos de Bonjour Tristesse, et Sagan tout court. D’autres, plus âgés, redécouvrent un livre, lu il y a longtemps et oublié depuis. Subversive au début des Trente Glorieuses, ce roman se lit aujourd’hui comme un récit d’un autre temps, comparable à une balade chez Marivaux ou à un regard moderne sur, par exemple, Anna Karénine de Tolstoï.

D’où la justesse des ambiances délicatement désuètes, où tout se joue dans un port de tête ou de bras, où la forme est choyée pour mieux révéler ce qui couve sous la peau. D’où cette soif de vivre, où l’on soigne le moindre geste pour mieux séduire l’autre et bien sûr soi-même, sans en avoir l’air, où une caresse peut se prolonger dans le geste de la personne adressée pour se perdre dans l’imaginaire de celle-ci.

Eloge du trio

Gallotta cultive aujourd’hui une danse ouverte aux mots, comme il ouvre, avec bonheur, des œuvres littéraires à la danse. De L’Etranger à Comme un trio, il aborde un univers romanesque par la relation triangulaire. Si dans Bonjour Tristesse, la perdition passionnelle se tisse en quintette, Gallotta se concentre sur un ménage à trois. Ni Elsa (la maîtresse de Raymond) ni Cyril (petit-ami de Cécile) ne se manifestent sur le plateau. Car le trio est à la fois la constellation la plus dynamique et la plus lisible, et de surcroît la plus explosive, amoureusement parlant. C’est par ailleurs, comme l’explique Gallotta, sa « scintillante envie de créer un nouveau trio pour la compagnie », qui lança les recherches pour cette nouvelle pièce. 

Comme dans L’Etranger, Thierry Verger (Raymond) est entouré de deux femmes, ici Béatrice Warrand (Anne) et Georgia Ives (Cécile) laquelle, avec son intrigante voix soul, entame un dialogue chanté avec Juliette Greco, tissant là un lien particulier entre le geste et la voix, lien d’autant plus à propos que la pièce évoque également les passions musicales de Sagan : Billie Holiday et La Traviata. Mais une seconde version, interprétée par de jeunes danseurs de la compagnie, tourne également (« tournée en Isère de la MC2: »), pour permettre à un public plus large de se refléter dans ce miroir subliminal qu’est Bonjour Tristesse.

Thomas Hahn

Vu le 11 décembre 2018 à la MC2 de Grenoble

 

En tournée :

25 janvier 2019 : Canteleu,  Espace culturel François Mitterrand

Le 26 janvier 2019 : Deauville, Théâtre Casino Barrière

Le 6 mars 2019 : Grenoble - tournée en Isère de la MC2:,  Hôpitaux Albert Michallon et Sud - Grenoble

Le 7 mars 2019 : Sinard - tournée en Isère de la MC2:,  Salle Polyvalente

Le 8 mars 2019 : Cour et Buis - tournée en Isère de la MC2:,  Salle des fêtes

Le 9 mars 2019 : Lans-en-vercors - tournée en Isère de la MC2:, Le cairn

Le 10 mars 2019 : Allemont - tournée en Isère de la MC2:  Salle polyvalente

Le 4 mai 2019 : Saint-Vallier, Théâtre

Le 10 mai 2019 : Nevers, Théâtre

 

Catégories: 

Add new comment