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42e Montpellier Danse : un festival exceptionnel

Une 42e édition de Montpellier Danse à ne rater sous aucun prétexte, qui collectionne les chefs-d’œuvre et témoigne de notre actualité.

Bien sûr, on notera que cette 42e édition propose au public 22 créations ou premières européennes, pour 70 représentations. Mais, en matière de festivals, la valeur n’attend pas le nombre de spectacles ! Ce qui rend cette édition si exceptionnelle c’est son équilibre absolu. Et pour réussir cette cohérence parfaite entre des propositions parfois très éloignées qu’aucun thème avoué ne relie, il faut un talent particulier que possède au plus haut point Jean-Paul Montanari, son directeur depuis 40 ans.

Ce qui domine ce cru 2022 est, plus encore qu’un regard sur notre monde, une sorte d’instantané ou de précipité de l’état de nos sociétés. Et celles-ci menacent de s’écrouler sous la pression du changement climatique, de la guerre, de la pandémie, provoquant des exils, des bouleversements, un chaos qui se propage…

Les artistes présentés en sont les témoins, conscients ou inconscients. Plus que des fils à tirer qui apparenteraient tel spectacle à tel autre, ce sont des correspondances plus ou moins secrètes qui vont réunir le formidable 2019 d’Ohad Naharin à la relecture des Sept péchés capitaux de Bertold Brecht et Kurt Weill et la création de Roaring Twenties de Pontus Lidberg dans leurs fêtes crépusculaires célébrant un monde en train de basculer, L’Envol de Nacera Belaza et Act II&III or The Unexpected Return Of Heaven And Earth, d’Emanuel Gat qui explorent les sentiments troubles de notre existence, que l’on peut sans doute réunir à Mystery Sonatas / for Rosa, d’Anne Teresa De Keersmaeker avec la violoniste Amandine Beyer. Ce dernier pouvant entrer en correspondance également avec In your Head de Pol Pi dans sa recherche musicale et son caractère de lutte politique.

 

Bien sûr, on peut trouver des accointances entre Uirapuru, l’oiseau chanteur de la forêt amazonienne de Marcelo Evelin et Jefta van Dinther qui vient à Montpellier avec le ballet Cullberg présenter trois pièces, Mountains, un solo créé à l’origine pour Suelem de Oliveira da Silva, danseuse originaire du Brésil ou Islands, et On Earth I’m Done qui examinent le rapport de l’humanité à la nature. De même, comment ne pas voir une relation intime entre la dernière pièce de Dominique Bagouet, Necesito, pièce pour Grenade, et l’Hommage rendu à Raimund Hoghe, qui lui avait dédié en 2010 Si je meurs, laissez le balcon ouvert. D’une certaine façon, cette programmation est une sorte de Ronde à la Schnitzler, que chacun peut nouer à sa façon.

Mais surtout ce sont des spectacles uniques, fascinants, qui développent une écriture chorégraphique aussi originale que forte (pas si courant en ce moment), et qu’il ne faut pas rater.

Outre les créations déjà citées, il ne faut pas manquer Elephant, la création de Bouchra Ouizguen qui ouvre le festival en faisant résonner la voix et les percussions que manient avec force et aisance ses extraordinaires interprètes marocaines, semblant surgir de temps immémoriaux. De même, il ne faudrait pas passer à côté de deux pièces de Robyn Orlin : In a corner [the sky surrenders…] un solo qu’elle créé pour elle-même en 1994 à New York et qu’elle a transmis à Nadia Beugré, et we wear our wheels with pride une création fondée sur le souvenir des rickshaws zoulous (taxis-vélos) que Robyn Orlin a pu voir durant son enfance en Afrique du Sud, alors encore sous le joug sinistre de l’apartheid.

Au chapitre curiosité, on n’oubliera pas Hooman Sharifi qui signe avec Sacrifice while lost in salted earth (Se sacrifier en se perdant dans la terre salée) une de ses pièces les plus ambitieuses. Il ne s’agit rien moins que de sa version du Sacre du printemps, réécrite pour le tanbur, un instrument à cordes persan, et jouée en direct sur scène par Arash Moradi, fils du célèbre musicien Aliakbar Moradi. Le tout chorégraphié avec des danseurs iraniens avec lesquels il a pu travailler à distance. Et puisqu’on parle du printemps, Michèle Murray revient dans cette édition avec Empire of Flora, nouvelle création imaginée à partir de la toile éponyme de Twombly et du tableau de Nicolas Poussin, L’Empire de flore. Inscrites dans des univers esthétiques très différents, ces deux œuvres picturales célèbrent le printemps et sa force de transformation, toujours réitérée.

Eszter Salamon présente deux Monuments, le 0.7 MOTHERS où elle partage le plateau avec sa mère et le 0.9 REPLAY où elle revisite le pouvoir et le désir à travers la reconfiguration continue des corps.

Au chapitre « je danse donc je suis », on retrouvera avec plaisir Philippe Decouflé qui revient, dans Stéréo, sans nostalgie, sur ses amours de jeunesse, ces années punk rock entre voltige et survoltage. Danseuse de Muriel Boulay qui raconte son parcours vu de l’intérieur et la création de Noé Soulier First Memory qui s’attache à nos premiers souvenirs de nos premiers mouvements avec le compositeur Karl Naegelen, six instrumentistes de l’Ensemble Ictus et l’artiste Thea Djordjaze.

Enfin, ne ratez pas la rencontre avec les artistes afghans à l’Agora qui vous parleront de leurs vies ici et là-bas, et de la nécessité de montrer leurs travaux. C’est le 24 juin.

Agnès Izrine

Montpellier Danse 42e édition du 17 juin au 3 juillet.

 

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