« Une joie secrète » de Jérôme Cassou, chorégraphie de Nadia Vadori-Gauthier
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Notre plateforme s’emploiera à mettre en valeur des films et vidéos consacrés à la danse, des captations de pièces chorégraphiques, mais aussi et surtout des œuvres par elles-mêmes, tous genres confondus – documentaire, expérimental, film d’art, etc. – présentant un intérêt particulier et ayant une incontestable valeur artistique.
Du lundi 31 janvier à midi jusqu'au lundi 7 février à midi , vous pourrez visionner Une joie secrète de Jérôme Cassou, chorégraphie de Nadia Vadori-Gauthier.
Qui, à Paris, n’a jamais eu l’occasion de croiser une danseuse se produisant publiquement, brièvement, dans un endroit passant ou au contraire tranquille, au milieu d’une foule ou dans un coin reculé, exécutant un solo après avoir fixé un appareil photo compact faisant aussi office de caméra sur son léger trépied, avant de remballer le tout dans son sac et de s’effacer du paysage ? Qui, à Paris, n’a pas vu, un jour ou l’autre, Nadia Vadori-Gauthier dans Une minute de danse par jour ? Le film Une joie secrète (2019) traite de ces performances. En 2019, elle avait produit « plus de 1500 danses, 1500 minutes, dans 1500 lieux différents, de Paris à Montréal, de Cuba à New York ».
Avant de s’intéresser à la démarche de notre danseuse de rue, au point de réaliser un portrait d’elle de plus d’une heure, Jérôme Cassou avait été chroniqueur d’émissions de télévision (nous le découvrîmes au début des années 2000 téléreporter en scooter dans « Rive Droite / Rive Gauche », un magazine de Thierry Ardisson sur Paris Première), vidéaste indépendant puis auteur de fictions, de documentaires, de publicités (pour Repetto, en 2011 et 2013), de diffusions en direct et, pour revenir à nos moutons, de plusieurs films de danse.
Des courts et moyens métrages sur le travail de Bouvier/Obadia (Trajectoire, 1999), de Sidi Larbi Cherkaoui (Hôtel Palace, 2003 et Terre Battue, 2004), de Catherine Diverrès (Stances II, 2008), de Bill T. Jones (Play and Play, 2015), d’Hervé Robbe (Le Grand remix, 2016), de Maurice Béjart (Messe pour le temps présent, 2016) et, surtout, de Pina Bausch – pour qui il œuvra dans le saint des saints, au ballet Wuppertal où il capta plusieurs pièces avant de réaliser le long métrage Pina Bausch (2004), du vivant de la chorégraphe.
Une joie secrète, réalisé et également monté par Jérôme Cassou, mêle subtilement quantité d’extraits d’Une minute de danse par jour, entretien avec son autrice, témoignages, making of montrant la danseuse au travail. On y découvre peu à peu la Franco-canadienne Nadia Vadori-Gauthier, chercheuse à Paris VIII, danseuse, chorégraphe, personnage à la fois réservé et téméraire, sensible et intrépide, réfléchi et déterminé, sympathique et, parfois aussi un peu agaçante, du fait de son entêtement. Sur le plan formel, la chorégraphie n’a rien de virtuose ou de révolutionnaire. Mais la démarche est singulière, qui use du réel comme d’un décor.
Le point de départ (ou élément déclencheur : on n'ose dire prétexte) de cette série fut le choc que représenta pour elle (et pour tout un chacun) l’attentat de Charlie Hebdo en janvier 2015. Se fondant sur le principe nietzschéen suivant lequel est « perdue toute journée où l’on n’aura pas dansé au moins une fois » mais aussi sur le proverbe chinois : « Goutte à goutte l’eau finit par traverser la pierre », Nadia décida donc de danser chaque jour, de se filmer et de partager ses vidéos sur les réseaux sociaux. Ce qui voulait dire un lieu et une idée différents par jour. Double gageure, par conséquent, le deuxième terme n’étant pas le plus facile.
Pour mettre en pratique un tel acte de résistance « poétique » – ou politique, au sens d’agit prop du terme ou, du moins, de civique – , les endroits, les situations, les occasions ne manquent pas. La jeune femme, il est vrai, a prouvé qu’elle avait et garde suffisamment de désir, de volonté et de constance. Des proches et des relations professionnelles font aussi l’objet d’interviews. C’est le cas de Jeanne Alechinsky, Isabelle Duthoit, Christophe Martin, Roland Huesca, Daniel Larrieu, Thomas Bleton, Louise Buléon Kayser, Juliet Doucet, Myriam Jarmache, Simon Peretti, Margaux Amoros, Damien Dos Santos, Lucas Hérault, Theo Lawrence, Katia Légeret-Manochhaya.
Le regard de la danseuse s’illumine face à la caméra bienveillante de Cassou. Se consacrer comme elle le fait à un tel acte quotidien n’obéit pas qu’à une motivation artistique mais ressort aussi du spirituel, voire du religieux. Christophe Martin, l’un des intervenants, résume ainsi l’engagement de la danseuse : « Ce qui me frappe, c’est le côté ascétique de la démarche, cette sorte d’obligation qu’elle se donne à elle-même d’être présente, disponible, créative, en forme tous les jours. »
Nicolas Villodre
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France : 70 minutes – 2019
Réalisation : Jérôme Cassou
Production : Le Prix de l’essence / Jeanne Alechinsky
Distribution : JHR Films
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