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"Tangent" de Shiro Takatani

Tangent est le premier spectacle de Shiro Takatani en tant qu'artiste solo, depuis son St/II de 2015. La nouvelle performance célèbre 40 ans de travail du collectif d’artistes multidisciplinaire Dumb Type dont Takatani est l’un des fondateurs.

« Agis toujours de telle sorte que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin et jamais simplement comme un moyen.[1] » Telle est la phrase d’Emmanuel Kant qui a présidé à la genèse de Tangent (Tangente), ainsi que le lever du soleil sur les plaines de Mongolie, quand les rayons rasent à peine le sol, comme à la tangente de la surface courbe de notre Terre et que l’on devine alors la jonction entre l’espace et notre firmament. Et durant la création, Takatani s’est aussi inspiré du film de Jóhann Jóhannsson Last & First Men (2020) qui relate l’histoire d’une autre humanité en provenance d’un futur de deux milliards d’années qui nous informe sur l’extinction des humains et nous demande de l’aide (à voir sur Arte jusqu’en avril 25).

Galerie photo : Andrea Avezzu'

Mais surtout, Tangent est une œuvre plastique en mouvement d’une grande beauté. Composée comme une sorte de rituel des temps modernes faisant appel à un savoir très ancien, cette création sur l’ultime album, 12, de Ryūichi Sakamoto (que le musicien lui avait envoyé en avant-première, avant de décéder) garde son mystère, entre abstraction et objets très concrets, entre nature et technologie – qui est l’un des thèmes de prédilection du chorégraphe japonais. Il n’y a pas de danse, au sens strict, dans ce spectacle. Il y a une sorte de mouvement universel très lent, comme vu de très loin dans l’espace ou dans le temps, qui mixe l’esthétique traditionnelle japonaise et un attrait indubitable pour les mécanismes déshumanisés – qu’ils soient célestes ou terrestres.

Takatani avouant que « la relation entre mouvement, machines, interprètes, images et lumière est sa chorégraphie ». Et ici, c’est exactement le cas. Les divers artefacts « dansent » comme s’ils étaient mus par leur volonté, tandis que Miyu Hosoi s’applique à effectuer des tâches quotidiennes, voire à bouger le moins possible dans une immense installation qui semble annoncer la fin. Telle cette boule suspendue, qui pourrait être à la fois planète, boule à facette rappelant une vie insouciante, outil de destruction massif attachée à un fil, voire même une matérialisation du temps qui passe. Comme l’arc qui surplombe la scène rappelle autant la course du soleil que notre chute prochaine.

Galerie photo : Yoshikasu Inoué

La musique et le son de 12 journal musical Ryūichi Sakamoto, composé par douze morceaux conçus à partir de croquis enregistrés au fil des mois pendant sa bataille contre le cancer, est une sorte de nappe crépusculaire, traversée par des frottements, des frissons, des cliquetis et même de légers carillons. Ils donnent à Tangent son allure étirée et nébuleuse si particulière, où une fin semble flotter à l’arrêt dans les airs.

Tout est ouvert et tout est énigmatique dans cette mise en scène grandiose, grâce notamment à une réalisation vidéo et des lumières remarquables, même si, bien sûr, le rapport de l’humain à la nature et leurs destructions programmées reste au cœur de cette œuvre. Si l’un se maintient, l’autre meurt. Tel est le constat de l’artiste japonais dont le lieu de naissance, sans cesse menacé d’éradication par des catastrophes naturelles n’est sans doute pas neutre.

En tout cas, comme les autres spectacles découverts lors de cette Biennale de danse de Venise, Tangent colle parfaitement au thème choisi pour sa programmation par son directeur artistique, Wayne McGregor : We Humans. Ce dernier vient d’ailleurs d’être reconduit dans ses fonctions jusqu’en 2026.

Agnès Izrine

Le 25 juillet 2024,  Biennale de Venise, Biennale Danza, Teatro Malibran


 

Distribution

Direction Artistique :  Shiro Takatani
Performance : Miyu Hosoi
Project members :  Ken Furudate, Satoshi Hama, Miyu Hosoi, Takuya Minami, Koichi Shiraishi
Lighting design :  Yukiko Yoshimoto
Musique: Ryuichi Sakamoto

 

 

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