« Spectres d’Europe » au Ballet du Rhin
Du 27 au 30 avril 2023, le Ballet du Rhin présente à la Filature de Mulhouse trois pièces de chorégraphes majeurs, Songs from Before (2009) de Lucinda Childs, On the Nature of Daylight (2007) de David Dawson et Enemy in the Figure (1989) de William Forsythe, un programme qui sera repris par l’Opéra de Strasbourg fin juin. Ces œuvres de courte durée ont en commun d’être entrées au répertoire du Ballet du Rhin, la première, à sa création en 2009, la deuxième, en 2022 et la troisième, cette année.
Songs from Before et On the Nature of Daylight ont pour accompagnement musical des compositions de Max Richter au néoclassicisme mâtiné de plages électro. Richter rend hommage en passant au chanteur britannique de rock progressif Robert Wyatt, auteur de l’album mythique Rock Bottom, une de ses sources d’inspiration, en mixant la voix d’outre-tombe de celui-ci au début de la pièce. Enemy in the Figure tire profit d’une bande-son de Thom Willems, collaborateur attitré de William Forsythe depuis son arrivée à la tête du Ballet de Francfort.
Répétitions - Songs from Before de Lucinda Childs © Agathe Poupeney
La scénographie de Songs from Before de Lucinda Childs est d’esprit Op art ou art cinétique, au sens d’un Vasarely ou d’une Bridget Riley. Elle est signée Bruno de Lavenère et joue sur la profondeur de champ au moyen de trois palissades de lamelles verticales noires disposées sur scène cachant par intermittence les corps dansants habillés tout aussi sobrement, en noir et blanc. Les vibrations des lamelles du décor concurrencent les allers-retours systématiques des interprètes, de jardin à cour et de l’avant à l’arrière scène. Nous avions eu le plaisir de découvrir cette pièce au Théâtre de la ville, en 2010, en première partie du chef d’œuvre de Lucinda Childs, Dance, dans leur interprétation par le Ballet du Rhin.
Répétition - On the Nature of Daylight de David Dawson © Agathe Poupeney
La chorégraphie du ballet On the Nature of Daylight de David Dawson est certainement la plus classique du programme. Les pieds des danseurs sont protégés par des chaussettes et des chaussons ; le vocabulaire valorise l’adage, le port de bras, les pointes et demi-pointes, les pirouettes, les arabesques, les portés ; la structure est en symétrie. Naturellement, Dawson s’autorise des finesses personnelles en accentuant les glissés, en recourant à la marches-arrière ou en accélérant la vitesse d’exécution.
Répétitions - Enemy in the Figure de William Forsythe © Agathe Poupeney
Enemy in the Figure de William Forsythe nous téléporte dans les années 80, période où le chorégraphe a forgé un style personnel qu’il n’a cessé depuis de faire évoluer, prolongeant le legs balanchinien pour le remettre par la suite en question. L’extrême virtuosité exigée des danseurs a séduit les plus grands d’entre eux et a pu en blesser plus d’un tant le ballet à l’ère de la déconstruction relevait de la disjonction, du démembrement, de la dislocation corporelle. De la contorsion mais aussi de son contraire : du moelleux, de l’onctueux, du gracieux. Dans Enemy in the Figure, les danseurs occupent tout le plateau, chacun étant à sa propre tâche. La B.O. de Willems fait le lien et le liant entre les variations et les pas de deux, tandis que les éclairages de Forsythe ont leur autonomie, leur rythme, leur logique.
Nicolas Villodre
À voir à la Filature de Mulhouse les 27 et 28 avril 2023 à 20h et le 30 avril à 15h.
Et à l’Opéra de Strasbourg le 25 juin 2023 à 17h et du 27 au 30 juin à 20h.
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