Quatre Tendances, Ballet de l’Opéra de Bordeaux
Programme riche et varié pour la 7e édition des Quatre Tendances, le coup de projecteur donné par le Ballet de Bordeaux sur la création contemporaine.
Dans un heureux panaché d’Anciens et de Modernes, le ballet de Bordeaux a offert du 22 au 31 mai une reprise (le Faun de Sidi Larbi Cherkaoui), deux entrées au répertoire (La Stravaganza d’Angelin Preljocaj, Paz de la Jolla de Justin Peck) et une création, Bottom of my sea de la Biélorusse Ludmila Komkova, lauréate en 2018 à Bordeaux du concours international de jeunes chorégraphes.
C’est sur la pièce de cette dernière que s’ouvrait la soirée, dans une semi obscurité rappelant l’atmosphère de No One, qui lui avait valu en 2018 le premier prix du jury au concours. Très charnelle et expressive, elle mettait en scène sur la symphonie Océans du compositeur Ezio Bosso une passion entre deux êtres contraires, « une femme-feu » et « un homme-océan ne pouvant vivre l’un sans l’autre. Si la lisibilité de la trame narrative n’allait pas toujours de soi, l’intensité émotionnelle, portée par la belle interprétation de Marina Kudryashova et Alvaro Rodriguez Pinera, était au rendez-vous.
Galerie photo © Julien Benhamou
Dommage que la chorégraphie en revanche ne surprenne guère, traversée de toutes les influences néoclassiques habituelles, à commencer par celles reçues lors de la formation de Komkova à l’école de danse John Cranko de Stuttgart. Un solo qui devient duo, des ensembles à onze danseurs dont se détachent tour à tour les solistes, un beau travail de bras contrastant avec une gestuelle par moments très au sol, un final éthéré au sens « létal » du terme, des réminiscences de pièces d’Alexander Ekman ou de Crystal Pite, sans parler de Kylian et autres maîtres, exercent un pouvoir de séduction consensuel sans convaincre totalement. Du moins l’engagement de Ludmila Komkova, et sa foi en l’aptitude du langage néoclassique à toucher le public, donnent-ils envie d’attendre une prochaine création, plus radicale ou moins attendue.
Les deux pièces suivantes, Faun et La Stravaganza, offraient le plaisir de goûter l’interprétation ciselée et musicale des danseurs du Ballet de Bordeaux dans deux œuvres revues il y a peu - la première au Palais Garnier en février dernier, la seconde lors de la reprise en 2015 par le ballet d’Angelin Preljocaj de ses « Pièces Américaines ». Très convaincant en faune, Guillaume Debut offrait une prestation remarquable, secondé avec subtilité par Alice Leloup.
Galerie photo © Julien Benhamou
Quant à cette Stravaganza créée en 1997 pour le New York City Ballet (NYCB), elle revivait avec naturel et fraîcheur sous les pieds agiles des douze danseurs bordelais. La confrontation entre musique baroque et partition contemporaine, langage balanchinien et tap dance, vieille Europe et nouveau monde, costumes d’époque et maillots académiques était servie par une troupe dont l’aptitude à passer d’un style à l’autre illustrait les vivants échanges, de part et d’autre de l’Atlantique, qui ont inventé la danse du XXe siècle.
Galerie photo © Julien Benhamou
Dernière entrée au répertoire, Paz de la Jolla de Justin Peck offrait un final rapide et virtuose, avec ce je ne sais quoi de swing qui est la signature du jeune (32 ans) Américain, venu à la danse par l’apprentissage des claquettes. Retenu outre Atlantique par la chorégraphie du remake à venir de West Side Story par Steven Spielberg, Peck n’avait pu transmettre en personne sa pièce créée en 2013 pour le NYCB.
Sur le thème d’une journée à la plage - californienne of course ! - et d’un premier amour, les costumes couleur acidulée des dix-huit danseurs, les levers de jambes à la Forsythe millésime 2019 et les ensembles jubilatoires, en particulier dans le dernier tableau, composent un spectacle sensuel, divertissant, dans la plus pure tradition US.
Galerie photo © Julien Benhamou
Belle façon de conclure une soirée et un programme concocté avec intelligence par Eric Quilleré, à la tête depuis un an et demi de la compagnie bordelaise.
Isabelle Calabre
Vu au Grand Théâtre de Bordeaux le 22 mai 2019
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