« Les Chats » de Marlène Saldana et Jonathan Drillet
Une comédie musicale d’un nouveau genre entre résistance, liberté, et insolence ! À découvrir à la Maison de la Danse de Lyon.
Les Chats de Marlène Saldana et Jonathan Drillet miaulent au Clair de lune. Ils connaissent par cœur la partition de Beethoven, et se traînent à quatre pattes sur une moquette du plus bel effet. Bientôt, l’un d’eux en perruque blonde et bas résille noirs (Javelle – Stephen Thomson), se lance avec ses gants à frange dans une chorégraphie féline qui rappelle comme en passant le célèbre Boléro de Béjart, mâtiné d’attitudes jazz et plutôt sexy avant que Lapis Lazuli (Alina Arshi) donne de sa voix d’une force exceptionnelle pour faire entendre des propos bien frappés comme « Pourquoi homo sapiens qui passe pour le plus sage des grands singes a-t-il laissé s’installer des systèmes inégalitaires, rigides et permanents après avoir monté et démonté des structures hiérarchiques pendant des millénaires ? »… Bientôt nous saurons que ces deux-là et leurs huit congénères rôdent dans les couloirs du pouvoir, de l’Elysée plus exactement, car « Maman » a été élue et a amené ses dix petits compagnons qui regardent tout ça à hauteur de moquette. Ils voient défiler le premier ministre Jordan, la ministre de l’Immigration, du Culte, de la Famille et de la Mer(e ?) Le Marshall, ou le Grotailleau.
Tout en dansant et en chantant, comme dans toute bonne comédie musicale, ces matous se posent des questions existentielles, se répondent, veulent brûler Amazon, ou défendent la France éternelle, s’en prennent au Giec ou vocalisent « Fore Bébé Fore Fore Fore » tandis que d’autres déplorent le réchauffement climatique ou égrènent la liste interminable des animaux en voie de disparition. La fantastique chanteuse qu’est Dalila Khatir raconte en modulant une soirée de Neuneuille (le père de Maman joué par Marlène Saldana, en mouton borgne) à Montretout totalement glaçante. C’est drôle, c’est enlevé, c’est incisif à souhait. Les interprètes sont extraordinaires tant au niveau du chant, du jeu, que de la gestuelle qui mélange toutes sortes d’influences, de Lucinda Childs à Bob Fosse en passant par les routines et les ron-rons de la danse contemporaine, exhaussés de quelques pas de danse classique. Un trio réunissant Geiger José (Christophe Ives), Javelle (Stephen Thompson) et Sununu (Guillaume Marie) est chorégraphiquement époustouflant, tout comme le duo Crow Dog (Mark Lorimer) et Javelle (Stephen Thompson). Tout comme la reprise foutraque de Dance de Lucinda Childs !
Mais on a beaucoup aimé aussi Ponzi (Aurélien Labenne) et sa jupette, qui nous chante « garde à vous, broute-minou », ou Oumuamua (Mai Ishiwata).
La moquette colorée de Théo Mercier est un parfait terrain de jeu pour nos félidés. Les costumes imaginés par Jean Biche un peu chic, un peu déglingue, sont kitchissimes avec leurs oreilles, leurs queues et leurs perruques mi-poils, mi-coiffes baroques, à mi-chemin entre un Broadway de pacotille, et un cabaret queer burlesque et inventif.
La partition dissonante et bien menée de Laurent Durupt accompagne à merveille cette satire musicale et chorégraphique, qui nous raconte, avec une drôlerie désespérée, le flot de parole et d’idées que l’on entend jour après jour sur tous les canaux, les réseaux et les flux d’informations, et qui finissent par tourner en boucle, comme ces robots-chats qui remplacent ceux déjà cités, tandis que l’on cite René Magritte « Ceci est/n’est pas une pipe »…. (sachant que le 7 janvier, Neuneuille vient de casser la sienne !).
Reste que cette OSNI (Objet spectaculaire non identifié) du couple d’artistes inclassables que sont Marlène Saldana et Jonathan Drillet est riche de sens, un moment de bonheur dans ce monde de brutes !
Agnès Izrine
Vu le 7 janvier à Chaillot Théâtre national de la Danse
3 et 4 avril 2025 à la Maison de la Danse de Lyon
Lire aussi notre entretien.
Distribution :
Un spectacle de : Marlène Saldana & Jonathan Drillet
Collaboration artistique & assistanat : Céline Peychet
Avec : Alina Arshi, Jonathan Drillet, Mai Ishiwata, Christophe Ives, Dalila Khatir, Aurélien Labenne, Mark Lorimer, Guillaume Marie, Marlène Saldana, Guillaume Marie, Stephen Thompson, Charles Tuyizere
Scénographie : Théo Mercier
Assisté de : Marius Belmeguenaï
Création musicale : Laurent Durupt & Moustache
Dessin moquette : Jeremie Piningre
Costumes : Jean-Biche
Assisté de Zoé Lachaud
Mouton & Masques : Vanessa Riera
Assiste de Elena Sideri
Masques & Mouton : Vanessa Riera
Lumières : Fabrice Ollivier
En tournée :
17 & 18 janvier 2025 Festival Transforme à Clermont-Ferrand, Comédie de Clermont-Ferrand / Fondation d’entreprise Hermès (FR), 27 & 28 mars 2025 MC2: Grenoble — scène nationale (FR), 3 & 4 avril 2025 Festival Transforme à Lyon, Maison de la danse / Les Subs / Fondation d’entreprise Hermès (FR), Du 10 au 12 avril 2025 MC93 Maison de la culture de Seine Saint Denis Bobigny (FR), Le 26 avril 2025 Charleroi Danse, Bruxelles (BE), 27 & 28 mai 2025 Festival Transforme à Rennes, TNB / Fondation d’entreprise Hermès (FR)
Catégories:
Add new comment