Mathilde Monnier quitte le CN D, Camping continue
La directrice du CN D s’exprime sur la rencontre des écoles d’art, sa succession et ses propres projets en 2019/20.
Danser Canal Historique : Vous avez préparé une édition foisonnante de Camping, avec 29 écoles, 39 ateliers et 15 spectacles, dont 4 créations et 5 premières françaises. Est-ce encore gérable ?
Mathilde Monnier : En effet, avec vingt-neuf écoles, nous sommes un peu dans un Camping plus-plus. Nous recevons de plus en plus d’étudiants pour de plus en plus de stages, d’activités et de partenaires. Cette année il y aura un colloque organisé par le Centre National de la Danse, le European Dancehouse Network et la Direction Générale de la Création Artistique sur des thématiques importantes et souvent très politiques. Car depuis deux ans, Camping est aussi un endroit où il est possible d’échanger. Artistes, directeurs universitaires ou autres avaient pris naturellement l’habitude de se réunir et de discuter. Aujourd’hui cela s’amplifie, sous la devise Let’s talk. Et nous organisons désormais aussi des auditions. La présence d’autant de personnes permet de proposer des choses qui n’existaient pas au début. J’ai aussi réalisé une enquête sur de futures écoles que je lègue à Catherine Tsekenis qui me succède à la direction du CN D.
DCH : Comment se fait le choix des écoles qui participent à Camping ?
Mathilde Monnier : Cela se construit autour de plusieurs paramètres. Il y a l‘idée d’ouverture à des écoles qui ne sont pas liées à la danse, d’une géographie qui évolue d’année en année et d’une ouverture sur le sud de l’Europe, ce qui reste très difficile en raison des faibles moyens financiers. Et nous avons cette année une future école de Ramallah et l’université musique et danse de Jérusalem, après deux ans de préparation. J’en suis très contente. Par ailleurs, deux ans est un délai très commun avant de pouvoir faire venir une école. L’année prochaine il y aura les premières participations du Fresnoy et d’écoles universitaires africaines, et donc pas les écoles de danse que l’on connaît chez nous. Mais il y a aussi des écoles avec lesquelles s’est créée une fidélité qui ne se dément pas, comme celle de l’université de Philadelphie aux Etats-Unis. De plus en plus, les écoles nous écrivent pour proposer leur participation.
DCH : Avec la participation d’écoles de Taïwan et de Hong Kong, Camping est au cœur même de la géopolitique, d’autant plus que Camping va se déployer à Taipeh, en novembre 2019.
Mathilde Monnier : En effet, et nous préparons même une édition spéciale Asie pour l’année prochaine. La danse connaît un développement très dynamique à Taipeh où les universités proposent des cursus danse. Mais cette année, nous sommes aussi en compagnie des quatre « mamans africaines » : Germaine Acogny, Robyn Orlin, Irène Tassembedo et Elsa Wolliaston. C’est magnifique.
DCH : Il s’agit pourtant de votre dernière édition. Vous semblez donc nous dire que Camping continuera.
Mathilde Monnier : Camping ne doit pas être une manifestation liée à ma personne, mais au CN D. Catherine Tsekenis qui me succède à la direction du CN D veut continuer Camping. Elle aime cette manifestation et elle l’a fortement soutenue dans le passé, à travers la fondation Hermès dont elle était la directrice.
DCH : Est-ce que Camping dispose d’une ligne budgétaire institutionnelle dédiée ?
Mathilde Monnier : Camping s’autofinance grâce aux versements des écoles qui participent, aux recettes et au soutien de la Fondation Hermès.
DCH : Quant aux spectacles proposés en lien avec Camping, ils sont tout aussi divers que les écoles et les artistes proposant des ateliers.
Mathilde Monnier : Avec chaque chorégraphe, nous avons un lien particulier. Émergent ou confirmé, il y a toujours une histoire avec elle ou lui, même si quelqu’un vient en France pour la première fois.
DCH : Quels sont vos projets pour la saison 2019/20, quand vous aurez passé les clés du CN D à Catherine Tsekenis ?
Mathilde Monnier : Je pars, à la fois triste et contente. Je me réinstalle à Montpellier, mais je n’ai pas de projet pour le moment, sauf un projet de création. Pour la deuxième fois, je serai en scène avec Maria La Ribot, et nous serons dirigées par le metteur en scène Tiago Rodrigues. C’est donc une pièce de théâtre. Elle parle du conflit des générations. Dans cinquante ans, une mère écrit une lettre à sa fille, au sujet des reproches de la jeune génération actuelle quant à ce que le monde est en train de devenir. C’est une idée issue de ma rencontre avec une adolescente en pleine révolte avec laquelle j’ai eu une très longue conversation. Cette génération m’a complètement surprise. J’attendais cette révolte depuis longtemps.
DCH : Par ailleurs, nous étions un peu surpris en apprenant que vous alliez quitter le CN D six mois avant la fin de votre mandat qui s’achève officiellement à la fin de 2019.
Mathilde Monnier : Ah bon ? Je considère que j’ai fait mon boulot au CN D. J’ai fait ce que j’avais à faire. Je pars avant la fin officielle de mon mandat pour des raisons administratives. Il y a eu des soucis à ce niveau, mais rien de grave. Et puis, mon temps n’est pas le temps du mandat. Mon temps n’est pas celui de l’administration, mais celui de l’artiste. Je reviens au temps de l’artiste.
Propos recueillis par Thomas Hahn, juin 2019
Camping du 17 au 28 juin 2019
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