Les vingt ans de l’Atelier de Paris
Avoir vingt ans en 2020 : Le CDCN parisien dialogue avec les nouvelles générations et leur regard sur notre époque.
Avoir vingt ans en 2020… Et même, déjà, en 2019 ! C’est en effet en 1999 que Carolyn Carlson installa son Atelier de Paris à la Cartoucherie, dite « de Vincennes ». Six ans plus tard, elle présenta la première édition de June Events, festival très vite devenu une référence majeure dans le paysage chorégraphique. Avec la saison 19/20 et la 14e édition de June Events, l’histoire continue, pleine d’élan et de jeunesse.
Danser dans un monde qui change
Elle pourrait brandir les deux décennies parcourues comme un étendard. Mais Anne Sauvage, qui dirige le CDCN de Paris, préfère tourner son regard vers l’avenir. Sans oublier le présent. Sans doute, le fait de travailler sur un site comme celui de la Cartoucherie rend humble. En sortant de la porte de l’Atelier de Paris, vous avez : A gauche, les chevaux du centre équestre. En face, des théâtres de renommée nationale, voire mondiale. Sans parler des chênes… Ce qui relativise, jour après jour, vingt ans de danse. Alors on reste discret, naturellement. Et le CDCN cache presque son anniversaire. Sur la couverture de la brochure de saison, trois petites lettres sont inscrits dans le zéro de 19/20, et ça donne, vaguement reproduit: « 19/20(ans). On pourrait même ne pas le remarquer… Et pourtant, comme le chanta Carlos Gardel, vingt ans, ce n’est pas rien ! Il est vrai qu’ en 1999, le président de la république s’appelait... Jacques Chirac ! Que de temps parcouru depuis, que de changements avenus, jusque dans le moindre geste de notre quotidien !
Régénérer les générations
Depuis 1999, une nouvelle génération a rejoint le monde des adultes, et elle fait beaucoup parler d’elle. On la résume trop vite à une lettre de l’alphabet, disent Barbara Matijevic et Giuseppe Chico. Leur pièce Screenagers fait le lien entre l’histoire de l’Atelier de Paris et la programmation de cette nouvelle Saison en création(s), terme qui reflète l’attachement du CDCN aux nouvelles générations d’artistes et de citoyens.
L’évolution de la manière de vivre et donc de danser est au cœur de Screenagers. Selon Giuseppe Chico et Barbara Matijevic, « notre société finit par questionner le 21e siècle avec les outils du 20e ». Leur solo « pour des écrans et un interprète » interprété par Pierre-Erick Lefebvre entend faire avancer le débat pour mieux comprendre une génération appelée « Y » ou « Z », née avec les média sociaux, internet et l’omniprésence des petits écrans.
On imagine des débats intenses avec Nina Santes, l’artiste associée de l’Atelier de Paris pour cette nouvelle saison, artiste empreinte de cette nouvelle génération éco-féministe, mue par la volonté de révéler la force révolutionnaire et guérisseuse féminine. Entre racines profondes et projection dans l’avenir, elle propose une relecture de Pyrame et Thisbé et un concert chorégraphique autour des forces gravitationnelles de la femme.
Redéfinir les liens danse-musique
Ce sont là deux axes majeures de cette saison à l’Atelier de Paris. La musique, dans son dialogue avec le corps des danseurs, a toujours lié entre eux les spectacles programmés à l’Atelier de Paris, d’abord à June Events et progressivement au cours de toute la saison. Il est vrai que la danse redéfinit ses rapports avec la musique et qu’avant Cunningham, la musique choisissait sa danse, alors qu’aujourd’hui la danse choisit librement sa musique. Après une période de défiance, cette histoire d’amour est pleinement en train de renaître. A l’Atelier de Paris, on a pleinement saisi l’importance de ces retrouvailles.
L’amour des partitions n’exclut plus, aujourd’hui, un regard éclairé sur notre relation au classique, aux compositeurs, aux hiérarchies, à la beauté et au sens de la séduction musicale. Aussi Valeria Giuga va s’attaquer, dans Rockstar, à ce culte et à ses idoles, alors que Ruth Childs interroge, dans Fantasia, son propre regard sur Beethoven, Tchaïkovski ou Dvorak.
Dans A l’Ouest, Olivia Grandville part sur les traces du légendaire compositeur jazz Moondog et ses sources profondes, le pow wow des Amérindiens.
Cette création fait partie du désormais habituel temps fort de l’Atelier de Paris au Théâtre de la Bastille qui inclut cette fois deux propositions de Liz Santoro & Pierre Godard ainsi que Labourer de Madeleine Fournier, créé à l’Atelier de Paris, ce dont atteste notre critique.
Car le sens de l’action de l’Atelier de Paris est aussi dans l’aide à la diffusion des spectacles. Diffusion dans certains hauts lieux, mais aussi dans l’idée de fédérer divers groupes de la population.
Elargir l’accueil
Voilà donc une saison 19/20 qui rebondit sur l’expérience acquise depuis 1999 en proposant aujourd’hui diverses manières de fusionner la création chorégraphique et la nécessité à échanger avec les citoyen.ne.s. D’une part, Nina Santes met en place COVEN, un projet visant à constituer une communauté de femmes de toutes les générations, ainsi qu’un atelier de transmission lié à sa création République Zombie pour June Events 2020. D’autre part, la chorégraphe Nach propose un atelier de création pour son Sacre 2.020, qui sera créé à la MPAA Saint-Germain en mai et repris à June Events.
Au-delà de la création, l’Atelier de Paris annonce deux nouveautés qui faciliteront la venue aux spectacles. D’une part, un accueil en LSF (Langue des Signes Française) sur certains spectacles, choisis pour leur richesse visuelle. D’autre part, une « garderie dansée », où les jeunes mamans pourront confier leurs enfants à des artistes qui leur font découvrir le site et la danse.
Thomas Hahn
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