Le Festival Fait Maison
A l'origine, il s'agissait d'une sorte de fête de fin d'année étendue sur un mois et destinée à tout ce qui se faisait à Micadanses, le centre parisien de la danse contemporaine (au sens large de « ce qui se fait aujourd'hui »). L'année dernière tout cela fut regroupé et thématisé dans un véritable festival devenu, de ce fait, le troisième festival de l'institution, soit Fait Maison, évidemment puisque le premier est le « grand » Fait d'Hiver, et le second l'expérimental Bien fait (à la rentrée).
Cette année, ce qui est donc une deuxième édition, se déroule du 16 au 19 juin dans les murs de Micadanses, rue Geoffroy L'Asnier, au cœur du Marais parisien.
Donc conformément à ce cahier des charges, on retrouve des ateliers de pratique collective (autour de Jacqueline Robinson et de Gaga), et des plateaux partagés issus des diverses pratiques qui se croisent tout au long de l’année dans les studios. Et cela peut devenir une proposition artistique tout à fait intéressante, ainsi le samedi 17 juin à 16h la chorégraphe danseuse Yumi Fujitani, figure inclassable et passionnante de l'univers butô, propose de « créer à tâtons une chorégraphie d’improvisation basée sur les mouvements spontanés des interprètes », la marche en l'occurence, et présente Zashiki warashi, un quatuor.
Le chorégraphe portugais Rafael Alvarez propose, pour sa part, Tsugi. Dans la continuité du cycle des Labos Mensuels Danse Contemporaine+55 Ans, il s'est inspiré de la technique japonaise «kintsugi», qui consiste à réparer des céramiques brisées avec des sutures en or, sublimant l'objet par sa fêlure au lieu de la dissimuler. La pièce, présentée également le 16 à 17h, a été composée sur la base du travail d'un groupe d'amateurs de Paris et de Lisbonne. Tout cela pour aboutir, ce même jour à un apéro-rencontre-brainstorming dédié aux adhérents de Micadanses, grand moment de démocratie participative (et de dégustation œnologique) durant lequel les usagers de l'institution peuvent rencontrer ceux pour qui ils pourront voter afin d'être représentés au conseil d'administration.
Galerie photo © Lara Jacinto et Elisabeth Vieira Alvarez
Certains voisinages surprennent : quand le dimanche 18 juin à 16h, à Corps critiques du chorégraphe et danseur Téo Fdida, création pour près de 20 danseurs inspiré d’un concept de Laurence Louppe, succède Chemin(s) Elles dansent, proposition de danse-théâtre de Sébastien Bourlard, née de la rencontre entre des danseuses et des femmes atteintes de cancer… Mais ces rencontres sont à l'image de l’ activité d'un lieu où les pratiques les plus diverses peuvent trouver à s'exprimer. Il est dans la logique de les retrouver dans ce Fait Maison… En tout, près de dix propositions et une exposition du photographe Laurent Paillier, concentrées en 4 jours !
« Nous avons le souci de nous éloigner de la fameuse fête de fin d'année » répète Christophe Martin qui dirige Micadanses et le festival, « et la sélection des projets n'a rien d'une formalité. Nous avons, Emerentienne Dubourg [chargée des Relations publiques], Adélaïde Vrignon [chargée de Production] et moi, une exigence forte, valable pour chaque projet, mais aussi sur la pédagogie dans son ensemble. Nous ne sommes pas un loueur d'espace pour la danse ! Et cette exigence doit se retrouver dans Fait Maison. Le paradoxe est donc que c'est dans cette manifestation, la plus légère et la plus récente de celles que nous organisons, que se retrouve le mieux l'identité profonde de Micadanses » ajoute-t-il.
Mais une journée d'étude ? Il n'y a pas de secteur de recherche ni d'enseignement théorique « dur » rue Geoffroy L'asnier qui justifierait que l'on s'y livre à l'exercice hautement universitaire – et parfois assez fastidieux – de la journée d'étude et pourtant, il en est une, et pas des moindres, qui ouvre le Festival. Pour être juste, il y en a même deux, et la seconde, le dimanche 18 juin, se compose de quatre ateliers autour du travail de Jacqueline Robinson (1922-2000). Or la danseuse chorégraphe et pédagogue, fondatrice de l’atelier de la danse, pionnière de la danse moderne en France, autrice, figure incontournable, a marqué tellement de professionnels dont plusieurs, comme Christine Gérard, enseignent à Micadanses, qu'une journée d'étude se justifie facilement.
La première, en revanche, surprend un peu plus. Organisée par Ingrid Bizaguet toute la journée du vendredi 16 juin et clôturée par une conférence dansée, De la liberté d’être en mouvement à la puissance d’agir, interprétée par Ingrid Bizaguet elle-même et par la projection du documentaire Paroles de danseuses, mots de sages-femmes, la journée aura commencé par un colloque qui aura duré tout l'après-midi. Certes, Ingrid Bizaguet enseigne régulièrement à Micadanses mais le lieu n'a rien d'une maternité … Pourtant l'ambition de cette journée dépasse largement le cadre de la présentation d'une activité pédagogique ponctuelle et affiche une ambition certaine. « Nous n'avons certes pas de secteur recherche, mais nous accueillons des artistes ou des pédagogues dont la pratique s'appuie sur une dimension de recherche importante. Notre accompagnement spécifique peut alors intégrer cette dimension recherche » explique encore Christophe Martin. Il reprend « D'ailleurs cet aspect va s'accentuer dans le futur. L'année prochaine je pense qu'il y aura des propositions de ce type autour du travail de deux personnalités qui ont énormément réfléchi à leur pratique, Alexandre de la Caffinière et Hervé Diasnas. Pour 2024, il y aura aussi un temps fort sur le handicap, sans doute avec une dimension de réflexion comme cette année sur la grossesse. »
Et pour ceux qui seraient au courant de la réputation bacchique de Micadances, un bruit court qui dit que Fait Maison accueillerait en 2024 la fête des 20 ans de la maison… Certains prépareraient déjà les libations… A bon entendeur.
Festival Fait Maison - Micadanses du 16 au 19 juin 2023
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