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Le Festival DañsFabrik de Brest

La danse se porte bien à Brest. En témoigne la 8e édition de son festival au Quartz et dans plusieurs lieux de la ville.

Depuis huit éditions, le festival DañsFabrik du Quartz de Brest, dirigé par Matthieu Banvillet, propose des œuvres très originales, à l’écriture souvent radicale, qui ont une place à part dans la création contemporaine. Le plus souvent, ce sont des petites formes, plutôt performatives, voire à mi-chemin entre spectacle et installation, comme pour Mnémosyne de Josef Nadj, Encyclopédie Pratique de Lenio Kaklea ou l’intrigant Consul & Meshie de Latifa Laâbissi, Antonia Baehr et Nadia Lauro.

Il faut dire que DañsFabrik est résolument tourné vers l’international et développe depuis huit ans des partenariats avec des structures du monde entier, jusqu’à concevoir un véritable réseau, intitulé Constellations, alliance d’intsitutions culturelles et de lieux alternatifs, de financements publics et privés, qui relie Brest à Beyrouth, Athènes, Berlin et Santiago du Chili. Ce réseau permet aux artistes de réaliser leurs créations à travers des résidences chorégraphiques et des financements croisés.

On a pu, dans ce cadre, et en deux jours, apprécier particulièrement, la recréation de Volmir Cordeiro et Marcela Santander Corvalán, Epoque, créé à DañsFabrik 2015 (lire notre critique) et présentée cette fois «with a movie and a song ».

Ce film n’est autre que le remarquable L’homme à la caméra de Dziga Vertov (1929) et le « song » interprétée en direct, comme dans les cinémas d’autrefois, mixe musique traditionnelle et performative, comme dans une fausse bande-son, ce qui donne à l’interprétation de Volmir et Marcela une touche constructiviste et productiviste inattendue et plutôt savoureuse. Et le formidable D’Ivoire et de Chair, les statues souffrent aussi de Marlène Monteiro Freitas (lire notre critique) qui clôturait magnifiquement le festival.

Dans ce même réseau Constellations, la création de Yalda Younes, A universe not made for us, un duo avec Khyam Allami à la musique et design sonore tirait son épingle du jeu. Celle qu’on avait découverte au Quartz en tentative de danseuse flamenco inspirée par Israël Galván, a su se démarquer de ses maîtres et inventer un style très singulier où la technique flamenca apparaît comme un moyen et non plus comme une fin.

Après une pratique intense du yoga qui lui a fait abandonner la création chorégraphique un temps, elle revient avec une danse issue du vide, fascinante, comme une flamme qui brûle l’oxygène qui l’entoure, tandis que la musique se dégage des volutes de la musique arabe pour reprendre le son de ses pas. Entre immobilité et chaos, avec sa gestuelle caliigraphe, la libanaise Yalda Younes et le britanno-syrien Khyam Allami, son partenaire de vie et de scène, interrogent notre monde qui semble ne plus tourner rond. C’est également plus ou moins le sujet de Night, la création d’Ali Chahrour, même si la profusion d’éléments scéniques et l’absence totale de mouvement la rend plus confuse.

Hors Constellations, La Spire de Chloé Moglia , nous a tenus en suspens (lire notre critique), et Maintenant oui !, création de Gaël Sesboüé, chorégraphe brestois, nous a séduit. Conçue à partir du processus de la transmission orale, qui préside à toute passation chorégraphique, il s’agit de répéter une même phrase de mouvement, de la propager de danseur à danseur (ils sont quatre), de manière à l’interpréter de la façon la plus exacte possible. Bien sûr, et comme pour les mots, on assiste à une déperdition du message initial à force de le réitérer, en boucle. Mais le plus intéressant n’est évidemment pas ce qu’on y perd, mais ce qu’on y gagne. À savoir, les apports de chacun qui apparaissent au fil d’une même gestuelle, qui se modifie sous la pression de la personnalité de chaque danseur, sa signature, en fin de compte.

Ou sous la pression des interactions du groupe. Bien que loin de toute didactique, Maintenant oui ! nous en apprend un bon morceau sur les processus chorégraphique et les subtilités de l’interprétation en danse. En plus, c’est intelligemment amené et drôle à souhait. Bref, c’est un petit bijou dans lequel brille chacun des interprètes  - Carole Perdereau, Annabelle Pulcini, Jérôme Andrieu et Alexandre Thery, ce dernier étant tout à fait exceptionnel par sa précision du geste qui fait ressortir le graphisme et l’humour de cette chorégraphie.

Cerise sur le gâteau et comme à son habitude depuis quelques éditions, des spectateurs, pleins de curiosité,  étaient au rendez-vous pour découvrir une danse contemporaine audacieuse, ce qui prouve, une fois de plus, qu’un public de danse, ça se cultive plutôt bien !

Agnès Izrine

Vus au DañsFabrik du Quartz de Brest

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