L’école de danse de l’Opéra de Paris
Comme tous les ans, l’école de danse de l’Opéra de Paris donnait son spectacle annuel. Un joli programme qui permettait d’apprécier le talent de ces tout jeunes danseurs et qui marque les dix ans de présence d’Elisabeth Platel à la tête de cette vénérable institution.
La soirée commençait par le Concerto en ré de Jean-Sebastien Bach chorégraphié par Claude Bessy (1977). Seul spectacle de l’École de danse à rassembler toutes les divisions, des plus petits aux plus grands, ce Concerto est un chef-d’œuvre de démonstration académique. On voit les exercices devenir enchaînements puis variations, en suivant la progression en âge des élèves. On voit les corps se transformer, la technique s’affirmer, les personnalités apparaître. L’École Française, dont on célébrait le tricentenaire l’an dernier est on ne peut plus mise à l’honneur dans ce Concerto qui fait ressortir la finesse des épaulements, la sobriété des expressions, l’élégance d’une danse qui s’appuie sur la tenue et le placement des corps. À la fois émouvant, surtout dans les petites classes où l’on voit se dessiner une intention dans un corps fragile, et brillant dans le déploiement du groupe, on ne boude pas son plaisir à voir évoluer ce parcours du danseur en raccourci. D’une belle musicalité, d’une justesse à toute épreuve, ce Concerto est mené avec brio et intelligence.
Galerie photo de Francette Levieux/Opéra de Paris
La fête des fleurs à Genzano de Bournonville qui lui succédait était superbe. Coralie Grand et Wan Huh avaient tous deux la fraîcheur de leurs rôles, donnant à ce Pas de deux toute la saveur juvénile qui le caractérise. Les variations qui le composent sont parfaites pour les jeunes danseurs, à la fois précises et piquantes et d’une difficulté technique à leur portée.
Galerie photo de Francette Levieux/Opéra de Paris
Ce qui n’était pas tout à fait le cas de Napoli, du même Bournonville, dont la Tarentelle particulièrement demande des danseurs aguerris pour se lancer dans ces pas virtuoses avec tout le piquant nécessaire pour donner son relief à la chorégraphie. Même si chacun des apprentis danseurs pouvait éblouir par une précision technique sans faille, l’ensemble manquait un peu d’allant, fixés sans doute, sur les difficultés à dépasser à chaque moment de cette chorégraphie très enlevée. Cependant, les solistes qu’étaient Simon Catonnet, Francesco Mura et Chun Wing Lam ont su tirer leur épingle du jeu pour les garçons. Pour les filles, on distinguait moins de personnalités qui sortaient du lot.
Galerie photo de Francette Levieux/Opéra de Paris
Scaramouche a l’avantage d’avoir été créé pour l’école par José Martinez en 2005 avec de superbes costumes signés Agnès Letestu. Extraordinairement malin, le livret est un petit scénario bien ficelé qui joue sur l’imaginaire des petits danseurs et la réalité de leur vie à l’école de danse.
À 13h28 (c’est précis !) la classe n’a pas encore commencé dans la salle Camargo. On entend le Carnaval des animaux de Saint-Saens rappeler au travail à la barre. Mais en attendant leur professeur, les élèves s’amusent ou rêvent à leur avenir sur scène… Surgit alors Scaramouche, le célèbre personnage de la Commedia del Arte (formidable Julien Guillemard qui allie le talent à la maturité) qui les entraîne dans le monde du spectacle.
Partis sur la suite pour deux pianos éponyme de Darius Milhaud, vraie merveille pianistique, on retrouve Colombine, Pantalon, et Arlequin, suivis bientôt par de charmants petits rats en tutu rose. Tandis que Colombine se transforme en ballerine, on voit alors apparaître toute une rangée de petites élèves qui prennent les poses des ballets les plus célèbres du répertoire.
À l’acte trois, le prince charmant est abandonné et Scaramouche entraîne tous les enfants sur un rythme de carnaval juste avant que le professeur n’entre dans la salle et que les danseurs reviennent à leur réalité quotidienne. L’apprentissage de l’école de danse de l’Opéra, avec ses classes de mime, de caractère est particulièrement mis en valeur ici. Plus encore que dans le Concerto en ré, les élèves montrent l’étendue de la gamme de leurs talents, et c’est une vraie résussite chorégraphique à tout point de vue.
On finirait presque par oublier que les plus grands sont encore des élèves tant ils maîtrisent leurs rôles et leur jeu.
Galerie photo de Francette Levieux/Opéra de Paris
Même impression dans Yondering, un très beau ballet sur l’adolescence de John Neumeier. Créé pour plusieurs écoles de Ballet, il rejoint le répertoire de celle de l’Opéra de Paris en 1999. Avec ses accents américains dus aux Chansons populaires de l’Ouest américain de Stephen Collins Foster, les grands éléves ont des allures de pionniers en route vers de vertes prairies. La chorégraphie emprunte à des formes populaires savamment stylisées pour en tirer la quintessence, soit l’énergie de la jeunesse et la nostalgie d’une enfance qui s’estompe déjà. Les portés sont sensibles et touchants quand ces couples un peu hésitants s’enlacent, quand leurs corps se frôlent avec une inadvertance calculée, quad ils s’élancent vers l’inconnu. Il y a une joie et une mélancolie indissociables qui font l’immense qualité de ce ballet tout en nuances. Les jeunes interprètes qui dansent sur scène prouvent qu’ils sont déjà de grands professionnels, prêts à entrer dans la carrière qui les attend.
Galerie photo de Francette Levieux/Opéra de Paris
Agnès Izrine
Du 3 au 8 avril 2014- Opéra Garnier
Spectacle de l'École de Danse de l'Opéra de Paris, au Palais Garnier. Concerto en ré de Claude Bessy, avec les élèves de toutes les divisions ; Napoli d'August Bouronville, avec Coralie Grand et Wan Huh (La Fête des Fleurs à Genzano), Franceso Mura, Simon Catonnet, Thomas Docquir, Perle Vilette, Naïs Dubosq, Nine Seropian et Marion Gautier de Charnacé (pas de six), Anaïs Kovacsik et Chun Wing Lam (Tarentelle) ; Scaramouche de José Martinez, avec Julien Guillemard (Scaramouche), Apolline Anquetil (Colombine), Clara Vellard (la Ballerine), Paul Meneu (le Prince) et Samuel Bray (Mini Scaramouche) ; Yondering de John Neumeier, avec Isaac Lopes Gomes, Axel Magliano, Jérémie Neveu, Eugénie Drion, Margherita Venturi et Florimon Poisson. Mardi 8 avril 2014.
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