Hommage à Jerome Robbins aux Etés de la danse
En 2018, Jerome Robbins aurait eu cent ans. Un chiffre difficilement compatible avec l’éternelle jeunesse que dégagent ses ballets, surtout lorsqu’ils sont interprétés par des compagnies américaines. Réjouissons-nous, c’est le cas durant deux semaines à la Seine Musicale, dans le cadre des Etés de la danse. La quatorzième édition du festival parisien rend en effet hommage au chorégraphe disparu avec quatre troupes, et non des moindres, made in USA : le New York City Ballet, le Pacific Northwest Ballet de Seattle, le Joffrey Ballet basé à Chicago et le Miami City Ballet, auxquels s’ajoute le Russe Perm Opéra Ballet également convié aux réjouissances. Deux programmes successifs, du 25 au 30 juin, permettent de les découvrir, tandis que du 3 au 7 juillet le Pacific Northwest Ballet présente un éventail de son répertoire, de Christopher Wheeldon à Twyla Tharp.
Le premier programme offrait le bonheur de revoir les fameuses Glass Pieces dansées par le Pacific Northwest Ballet. Mentionnons au passage, pour les aficionados, qu’elles seront reprises en octobre prochain au Palais Garnier par le Ballet de l’Opéra de Paris - que Robbins considérait comme sa seconde famille et à qui il les avait transmises dès 1991.
GlassPieces - Galerie photo © Cheryl Mann
La pièce venait en point d’orgue d’une soirée nourrie, comprenant Dances at a Gathering et A suite of Dances par le New York City Ballet, suivis du plus rare Interplay par le Joffrey Ballet. Créé en 1969 sur les Valses, Mazurkas, Nocturnes et Etudes de Chopin, Dances at a Gathering incarne à merveille le sentiment de légèreté et d’apparente insouciance qui caractérise l’œuvre de Robbins. Cinq couples de danseurs parcourent comme en s’amusant quelques-uns des chemins de la Carte du Tendre. Ils enchaînent des solos, duos ou trios, bien plus techniques qu’ils n’en ont l’air, sans se déprendre de ce je ne sais quoi de déhanché à la Broadway qui twiste même la plus romantique partition musicale.
Dances at a Gathering - Galerie photo © Paul Kolnik
A ce jeu subtil, les Américains sont rois, parfaitement à l’équilibre entre maîtrise et décontraction. Surtout lorsque que, comme les danseurs du New York City, ils ont été biberonnés dès leurs premiers pas au style de celui qui fut, durant des décennies, directeur et chorégraphe associé de leur compagnie.
Même impression pour A Suite of Dances, qu’interprétait le principal Anthony Huxley. Entré dans la compagnie en 2007, il est certes plus jeune que Mikhaël Baryshnikov au moment où Robbins créa en 1994, , pour lui et sur lui, ce solo sur les Suites pour violoncelle de Bach. Mais il fait montre de la même simplicité généreuse, comme revenue de tous les artifices. Magistral.
A Suite of Dances © Luz Crop
Place était faite ensuite au Joffrey Ballet, dirigé par Ashley Wheather, qui présentait une pièce de jeunesse de Robbins, le rare Interplay (1945) sur une partition de Morton Gould. Etaient déjà présents tous les ingrédients du succès, notamment le croisement entre vocabulaire académique et danse jazz qu’allait porter à son apogée West Side Story. Une respiration ludique portée par la fraîcheur de ses interprètes, avant le choc des Glass Pieces.
Interplay - Galerie photo © Herbert Migdoll
Après l’entracte, c’était donc au tour du Pacific Ballet d’entrer en scène pour interpréter ce qui reste comme l’un des must du chorégraphe. Ecrits en 1983 sur la musique hypnotique de Philip Glass, qu’on avait la chance d’entendre en direct par l’orchestre Prométhée, ces déambulations urbaines et solitaires, ces ensembles à l’énergie chorale, ces variations à la construction millimétrée électrisaient le public de la Seine Musicale. Un final en beauté pour une soirée riche, variée et infiniment séduisante.
Isabelle Calabre
Vu le 27 juin à la Seine Musicale dans le cadre des Etés de la Danse
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