Entretien avec François Alu
À la soirée Viva Maïa, donnée en hommage à Maïa Plissetskaïa au Palais des Festivals de Cannes le 8 juillet, on a pu voir deux facettes du talent de François Alu. Il y dansait avec Lydie Vareilhes, outre un pas de deux extrait de Coppélia, une Sylphide revisitée et chorégraphiée par ses soins, un duo d’une belle intensité. Malgré le rythme très serré de la journée, il a pu nous consacrer un peu de temps pour évoquer ce qui lui tient à cœur et nous parler de ses projets, notamment au sein du groupe 3ème étage.
DCH : Vous avez chorégraphié le duo La Sylphide que vous présentez ce soir, la chorégraphie vous attire ?
François Alu : J’adore danser mais j’aimerais pouvoir développer autre chose. La chorégraphie me plait énormément. J’aime créer, j’aime raconter des histoires. J’essaye de renouveler le vocabulaire, de sortir du cadre.
DCH : Que raconte votre Sylphide ?
François Alu : C’est un homme dans le tourment, un homme qui va mal. Il a une deuxième chance symbolisée par une jeune femme, interprétée par Élodie Vareilhes avec qui je travaille aussi au sein du groupe 3ème étage. L’idée du ballet, c’est qu’il faut se remettre en question pour évoluer. Ne pas faire l’autruche. Il y a un côté autobiographique dans ce ballet.
DCH : Vous évoquez le groupe 3ème étage, pouvez-vous nous en parler un peu plus, comment fonctionne-t-il ?
François Alu : A la base c’est une structure associative qui regroupe des danseurs de l’Opéra de Paris mais qui pourrait tout à fait s’ouvrir à d’autres danseurs. C’est surtout un esprit de communauté, un microcosme idéal, où l’on accorde beaucoup de valeur à l’humain. On essaye de ne pas faire les choses de façon vaine, on fait également attention à ne rien gâcher. Il y a un vrai respect de l’individualité de chacun et cela compte énormément pour moi.
3ème étage m’apporte beaucoup, et j’ai besoin de pouvoir m’exprimer dans ce groupe. Je n’aime pas les cadres rigides et lorsque je suis dans une situation trop contraignante, je finis par me blesser. Dans ce groupe il y a un très bon équilibre entre créativité et rigueur. Et une bonne dynamique puisque nous avons maintenant entre quinze et vingt dates sur l’année.
DCH : Quels sont vos projets pour cet automne ?
François Alu : J’organise un spectacle dont je serai la tête d’affiche avec 3ème étage au Théâtre Antoine à Paris les 8 et 14 octobre prochains. Je veux travailler sur tout ce qui se passe hors du cadre parce que c’est quelque chose qui me tient à cœur. J’ai toujours beaucoup de mal à rester à ma place, tout ce qui est fermé et rigide m’oppresse et me donne envie d’exploser les murs. Dans ce spectacle-là, je ne chorégraphierai pas, il s'agira de créations de Samuel Murez, qui se font de façon collaborative, les interprètes contribuent beaucoup. Il y aura du théâtre, de la danse classique, de la danse contemporaine, du hip-hop pour poursuivre mon travail avec Simon Le Borgne. Ce sera un spectacle assez éclectique et j’avais vraiment envie de le réaliser pour partager avec les spectateurs qui suivent mon travail, que j'apprécie beaucoup, et avec lesquels j'ai vécu de très beaux moments à Garnier et à Bastille, ce qu’il se passe quand je ne suis plus enfermé dans un cadre et que je peux être pleinement moi-même. Dans ma vie d’artiste, c’est toujours hors de ces limites que je fais des vraies rencontres.
DCH : La rencontre, le partage, le lien aux autres, c’est primordial pour vous ?
François Alu : Oui, c’est quand il y a ces vraies rencontres, et un réel échange personnel, que j'évolue dans mon travail, que je trouve des nouvelles facettes, que ce soit techniquement ou dans l'interprétation. C'est aussi en-dehors du cadre que je suis poussé à me remettre en question, aussi bien sur le plan, artistique, intellectuel ou humain. Je suis en quête de ces instants. C’est là qu’il se passe quelque chose de magique.
Mon objectif n’est pas d’être le meilleur danseur du monde mais l’artiste le plus complet possible. L’ouverture aux autres est primordiale. Je suis aussi intéressé par tous les corps de métier qui gravitent autour de la scène…
DCH : Comment conciliez-vous l’Opéra et votre propre recherche chorégraphique ?
François Alu : J’ai beaucoup d’envies, de soif ! J’ai envie de danser encore de grands rôles classiques ou de redanser ceux que j’ai aimé. J’aime les histoires que les ballets racontent. Tant que je serais au mieux de mes capacités, je veux continuer à danser ces grands rôles. Je suis aussi très attaché au public qui vient voir le ballet. Mais je veux aussi parallèlement pouvoir faire des créations contemporaines. Grandir passe pour moi par créer des œuvres. J’ai besoin d’avoir les deux, d’y mettre la même énergie, la même passion. Rester « à la maison » (l’Opéra) et pouvoir partir, vivre des choses ailleurs, rencontrer des gens.
DCH : Que représente Maïa Plissetskaïa pour vous ?
François Alu : Lorsque j’ai vu, très jeune, le documentaire où Patrick Dupont danse avec Maïa Plissetskaïa, ça a été un électrochoc. Ça m’a complètement bouleversé et charmé. C’est un peu ma Madeleine de Proust … A peu près au même moment, j’ai vu le documentaire sur l’école de danse de l’Opéra de Paris et je me suis dit que ce challenge, c’était pour moi ! Vouloir être unique, travailler dur, aller vers quelque chose de rare.
J’ai également le souvenir de l’avoir vue dans un rôle de créature sombre et sinueuse. Maïa est une immense artiste, je suis ravi de pouvoir lui rendre hommage ce soir et de rencontrer tous ces artistes.
Propos recueillis par Marjolaine Zurfluh
Juillet 2017 - Gala Viva Maïa
Lire aussi notre critique
Hors Cadre – François Alu : Les 8 et 14 octobre au Théâtre Antoine à Paris
Ouverture des réservations à partir du 25 juillet.
Add new comment