« Danser Pina »
Pour le dixième anniversaire de la mort de Pina Bausch (disparue en 2009), la journaliste Rosita Boisseau et le photographe Laurent Philippe ont eu la belle idée de faire parler et donner à voir vingt-quatre des interprètes historiques du Tanztheater de Wuppertal. Un beau livre à se procurer ou à offrir en cadeau à Noël !
Avec l'autorisation exceptionnelle des auteurs et celle des éditions Textuel, qui publient ce magnifique ouvrage, voici en avant-première quelques-uns de leurs témoignages.
Dominique Mercy
Pina réagissait à ce que vous apportiez, étiez. Tout était possible. Ensuite évidemment, elle trouvait une forme aux propositions mais au départ, la liberté était totale. Ce n’était pas toujours simple de se lever de sa chaise et de montrer ce qu’on pensait pouvoir être des réponses à ses questions. Je ressentais toujours un doute avant d’y aller, un certain danger aussi. Parfois, c’était très troublant. On n’avait pas forcément envie d’exposer son intimité, de s’étaler sans distance. Ensuite, le temps et la forme même du spectacle donnaient à chacun la possibilité de trouver cette distance nécessaire.
Grâce à Pina, j’ai pu par exemple explorer dans tous les sens les rapports hommes-femmes. Je n’aurais jamais pu porter des robes de la manière dont je le fais dans certains spectacles. Je n’aurais pas pu ou su explorer et exposer ma féminité sans elle. La violence dans les relations est une traduction d’un fait de société malheureusement toujours d’actualité. Elle n’est d’ailleurs pas seulement le fait des hommes chez Pina, les femmes aussi sont violentes. J’ai pu aussi vieillir dans le travail sans me soucier d’être un danseur âgé ou non car la plupart des pièces ne vieillissent pas et parlent de l’être humain et du monde avant tout.
Pour conserver dans les spectacles telle ou telle proposition des danseurs, Pina disait toujours qu’elle était le public pour tenter de comprendre et réagir avec distance. Non pas intellectuellement, mais au niveau du ventre, du cœur. Il fallait que les choses lui parlent, la touchent, qu’elle ressente émotionnellement l’impact d’une scène. Et lorsqu’elle nous faisait rejouer et répéter afin d’être certaine de son choix, c’était bien pour vérifier que l’émotion tenait bon. Elle devait être pour ça dans un état de réception toujours maximal.
Danser Pina - Rosita Boisseau - Photographies Laurent Philippe
Éditions Textuel
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