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« Contrappunto » de Riyad Fghani et Alvaro Dule à l’Opéra de Lyon

Nous avons eu plaisir à découvrir la pièce de Riyad Fghani et Alvaro Dule dansée par Pockemon Crew et le Ballet de l’Opéra de Lyon, Contrappunto, qui fusionne délicatement hip-hop et classique.

Richard Brunel, le directeur général de l’établissement, a présenté la soirée et rappelé que la soirée célébrait la vingtaine d’années liant l’Opéra à Pockemon Crew. Ces relations entre expressions artistiques, sans aucune distinction de genre ou d’origine étant celles d’une société inclusive et ouverte.

Les deux choréauteurs et leur quintette d’interprètes ont visé et réussi, selon nous, à hybrider deux ramifications, deux périodes, deux styles de l’art de Terpsichore, stimulés sans aucun doute par une B.O. de Valentin Petiteau, du groupe Nuits noires, altérant et alternant électro et barocco – délivrant une « version remixée » des Suites pour violoncelle en ré mineur de Jean-Sébastien Bach ». En résulte une scénographie réduite à un écran de PVC blanc posé à même le sol, éclairé par trois rangées de tubes fluorescents descendant des cintres à discrétion, enjolivés de deux réflecteurs fixés aux coins supérieurs du plateau, clignotant par intermittence, le tout produisant une nitescente composition signée Lou Morel, soulignant les thèmes, les rythmes, les climats musicaux.

Eleonora Campello, Paul Grégoire, Erycksson Roberto De Paula, Fabio Lablanca et Sylvain Lepoivre sont strictement mis, pas du tout vêtus casual ou street wear, avec les sweat et T-shirts bariolés oversize, les cargos, sarouels, baggys et joggings, sneakers, baskets et casquettes attendus mais le contraire : des pantalons unisexes et des tops sombres, avec ou sans manches, des chaussettes anthracite et, pour deux ou trois jeunes gens, les tatouages de rigueur. Eleonora Campello et Paul Grégoire représentent avec aisance et abattage le Ballet de l’Opéra de Lyon. La première est passée par l’école de ballet de Castelfranco en Italie avant d’entrer au Ballet junior de Genève et de travailler avec des chorégraphes actuels comme Hofesh Shechter ou Jan Martens. Le second a fait le Conservatoire régional de Lyon et a collaboré notamment avec Maud Le Pladec et Rachid Ouramdane avant de rejoindre le Ballet de l’Opéra. Les trois costauds, Erycksson Roberto De Paula, Fabio Lablanca et Sylvain Lepoivre, ont, de leur côté, remporté nombre de compétitions internationales de danses urbaines.

Bien que Pockemon, donc le hip-hop et, dans le genre, la breakdance, promue aujourd’hui discipline olympique, soient ici majoritaires, le fait est que la (ré)partition chorégraphique fait la part belle au vocabulaire classique, aux variations, aux pas de deux et de plus, aux portés, aux dégagés et autres pirouettes qui ornent, ici et là, l’écoulement de soixante minutes. La fluidité d’ensemble, la finesse gestuelle, la douceur ne jurent pas avec l’âpreté et la vigueur généralement associées à la danse urbaine. La vivacité est partagée par les un(e)s et les autres.

L’accéléré et le ralenti aussi. L’habileté de la danse debout rejoint la subtilité des enchaînements plus académiques. Saute aux yeux la virtuosité technique des deux champions que sont Fabio Lablanca et Sylvain Lepoivre dans leurs démos de tours sur la tête, de sauts périlleux, de danse dessus-dessous où les mains remplacent des pieds. Face à la perf break, le public ne pense jamais que « trop c’est trop ». Confronté au silence, au temps mort, à l’immobilité, certains jeunes spectateurs ont pu montrer certains signes d’impatience. Toujours est-il que les cinq artistes ont dansé en synchronie et en toute indépendance. À contretemps, contre-rythme, contrepoint.

Nicolas Villodre.

Vu le 29 juin 2024 à l’Opéra de Lyon.

 

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