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Biarritz : Le Temps d’aimer 2016

Egal à lui-même, Thierry Malandain propose une riche traversée du paysage chorégraphique.

Kader Attou, Eva Yerbabuena, Greco/Scholten... Au Temps d’aimer la danse, on aime les personnalités artistiques fortes et les langages bien définis, accueillant le mouvement en vedette: Ballet, hip hop, flamenco. Et parfois de la danse contemporaine, à condition qu’il s’y traduise quelque chose d’irréductible, dans un geste plastique affirmé : Hofesh Shechter, Nathalie Pernette, Luigia Riva... S’y ajoute cette année un regard sur la danse expressionniste avec Aurélien Richard et Pedro Pauwels.

 

La programmation conçue par Thierry Malandain pour cette 26ème édition est d’une belle densité, avec, en tête d’affiche, Para-ll-èles, le premier duo par Nicolas Le Riche & Claire Maie Osta dans leur vie après l’Opéra de Paris. Et Para-ll-èles sera donné en clôture du Temps d’aimer, sans doute pour laisser planer un vrai suspense jusqu’au bout.

Au-delà de la danse

Côté langages, Malandain introduit cette année... le théâtre ! Le succès d’Andrea Bescond dans Les Chatouilles ou la Danse de la colère est absolument mérité. Avec ce solo de théâtre engagé et pétillant, c’est la première fois qu’une danseuse (Bescond a travaillé avec Bill T. Jones, Blanca Li, Georges Momboye) a fait partie des nominés du Prix de la critique... en théâtre ! Et on verra du théâtre corporel argentin, avec le duo masculin Un Poyo Rojo, mis en scène par Hermes Gaido.

 

Mais la vraie nouveauté est ailleurs. Pour la première fois, le directeur artistique sera absent de son festival pendant quelques jours, car le Malandain Ballet Biarritz est invité par la Biennale de la Danse pour donner à Lyon La Belle et la Bête. « La compagnie part pour Lyon le 14 septembre », confirme-t-il. [lire notre critique]

Les axes et la méthode

Y-a-t-il une méthode particulière pour Le Temps d’aimer ? « L’idée de base est de laisser la place à un maximum d’expressions. En même temps, le festival se décline sur plusieurs axes, dont une régionale et l’autre, transfrontalière. » Aussi Le Temps d’aimer est-il, entre autres, une vitrine pour les compagnies du Pays Basque espagnol et d’Aquitaine. Kader Attou présente Opus 14 [lire notre critique] et Anthony Egéa met à jour Les Forains de Roland Petit en version Ballet urbain, sur une musique signée Frank II Louise.

 

A Biarritz, nous  sommes au Pays Basque, et on n’y danse pas que le hip hop. Le CCN et le festival ont ancré la danse dans la vie des Biarrots et même relancé la danse basque, entre autres grâce à l’action transfrontalière. Les danses traditionnelles de la région seront sur le parvis du Casino, et la compagnie Dantzaz, implantée à San Sebastian, offre au festival la première française d’un programme intitulé Aureo, composé de pièces de Jone San Martin, Christine Hassid, Itzik Galili...

 

Désirs de ballet

Mais un directeur artistique n’a-t-il pas toujours des visions pour faire évoluer « sa » manifestation ? « J’aimerais pouvoir inviter certaines compagnies étrangères, classiques ou autres, qui ne sont jamais venues en France. Ou bien d’autres qui sont venues par le passé, mais n’ont pas pu revenir depuis longtemps. Mais nous n’en avons pas les moyens. Les subventions n’ont pas baissé, mais les tarifs des voyages et autres ont augmenté de façon vertigineuse. Comme c’est la ville de Biarritz qui finance très majoritairement le festival, nous rencontrons des limites. »

Quelles compagnies, alors ? « J’aimerais que le Royal Ballet de Londres puisse venir, ou le Birmingham Royal Ballet avec son chorégraphe David Bintley, qui n’est pas du tout connu en France. L’année dernière nous voulions inviter Mario Schröder avec le ballet de Leipzig, mais nous avons dû y renoncer, parce que ses productions sont très lourdes et font au moins deux camions. »

 

Mais de grandes compagnies sont bien là, comme le Ballet National de Marseille avec Le Corps du Ballet national de Marseille [lire notre critique] et le Ballet de l’Opéra National du Rhin avec La Création (Die Schöpfung), ballet spirituel créé par Uwe Scholz en 1985 et aujourd’hui  au répertoire de la compagnie dont Bruno Bouché vient de prendre la direction. [lire notre article]
 
« Un combat de tous les jours »

Le Temps d’aimer est une réussite énorme pour la danse qui a réussi à construire un public fidèle et passionné. Et pourtant... « C’est  un combat de tous les jours. J’ai dit que je cherche à présenter un maximum d’esthétiques, mais j’évite ce qui serait trop conceptuel. Les salles sont pleines, les gens nous font confiance. Ils jouent le jeu, et ne viennent plus uniquement aux grands spectacles à la Gare du Midi. Mais le bouche-à-l’oreille amène toujours de nouveaux spectateurs et j’ai peur que ceux-là partent en courant et ne reviennent jamais. C’est vrai même pour notre compagnie. Nous sommes à Biarritz depuis dix-huit ans, et avons joué trois fois cet été, pour rencontrer encore des spectateurs qui sont venus nous voir pour la première fois ! »

 

Le Temps d’aimer fait partie des festivals où la question du plaisir est d’une importance particulière. Tout est dans le titre : Aimer... Difficile alors de dépasser la réaction épidermique pour accéder à cette réflexion sur soi que l’art est capable d’offrir à ceux qui acceptent  de se laisser déstabiliser. Mais l’opération séductrice dont le titre du festival est le reflet, a porté ses fruits.

Malandain cherche à ouvrir, au-delà de ses propres goûts : « Si un spectacle représente quelque chose dans le paysage chorégraphique, je peux l’inviter même si personnellement, je n’adhère pas. Et quand un spectateur me dit après qu’il n’a pas apprécié, je suis embêté. Que puis-je lui dire ? Juste : Venez voir un autre spectacle, il vous plaira mieux, il faut voir un peu de tout... »

Expressionisme

Cette année, c’est sans doute la danse expressionniste qui lance un certain défi esthétique au public biarrot. Deux spectacles présentent un regard actuel sur cette époque charnière. Dans son spectacle Sors, Pedro Pauwels interprète des solos commandés à Joseph Nadj, Carlotta Ikeda, Robyn Orlin et Jérôme Thomas, écrits à partir de La Danse de la Sorcière de Mary Wigman, pour interroger ce qui peut aujourd’hui encore résonner de sorcellerie chorégraphique dans les écritures actuelles. Et Aurélien Richard vient avec sa Revue Macabre, où il confronte, en tant que chorégraphe, Harald Kreutzberg à Beyoncé, Valeska Gert à William Forsythe ou encore Sigurd Leeder à Anne Teresa de Keersmaeker.

 

Et puis, Le temps d’aimer garde une place pour de jeunes chorégraphes, comme ici Samuel Mathieu et Davy Brun dont chacun présente sa dernière création, Davy Brun offrant même la création d’un regard philosophique et chorégraphique sur Don Quichotte et sur les années militaires de son auteur, Miguel de Cervantes. Ca s’appelle Combat et nous ramène donc à cet effort permanent d’un engagement pour l’art chorégraphique dont parle Thierry Malandain.

Thomas Hahn

Le Temps d’aimer la danse

Biarritz, du 9 au 18 septembre
 

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