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Ouverture de l'Année France-Corée: le Jongmyo Jeryeak

Sur la scène du Théâtre National de Chaillot, le soir du 18 septembre, Laurent Fabius avait la formule parfaite quand il souligna que pour lancer l'Année France-Corée, les deux pays avaient réuni ce qu'ils ont de plus beau (en tout cas aux yeux du reste du monde). La symbolique était parfaite. Ici, la Tour Eiffel et le Palais de Chaillot, jadis siège de la Société des Nations, et l'endroit même où la Déclaration universelle des droits de l'homme fut signée en 1948. Du Pays du Matin Calme, le Jongmyo Jeryeak, rituel ancestral des plus somptueux et fondement de la nation. Pour la première fois montré hors de Corée, dans une version aussi fidèle que possible, cette commémoration (et surtout pas : un spectacle) pour maîtres de cérémonie, danseurs, musiciens et chanteurs fut le choix évident pour lancer en grand pompe la célébration des 130 ans de relations diplomatiques entre les deux pays.

Pourquoi célébrer un chiffre aussi bigarré, si on le compare aux jubilées habituels ? Sans doute parce qu'il serait dommage d'attendre vingt ans de plus alors qu'en ce moment la Corée du Sud est prête à investir dans son rayonnement en Europe et que la France a actuellement besoin de partenaires en bonne santé économique, même pour des opérations de prestige comme celle-ci. De fait, l'Année France-Corée ne se résume pas à une farandole artistique. Les deux pays intensifient tout autant leur coopération économique et technologique. Plutôt pragmatique, le Premier Ministre de la République de Corée, Hwang Kyo-Ahn, ne s'est pas privé de mettre en valeur cette variété des perspectives.

Epanouissement culturel

Mais comme Fleur Pellerin le souligna dans son allocution, la Corée du Sud a actuellement une carte à jouer qui séduit particulièrement en terre hexagonale. En effet, Séoul développe le concept de l'épanouissement culturel, où la culture est comprise comme moteur du développement sociétal et économique. Alors, si un pays en plein essor se lance sur la voie jadis valorisé par Jack Lang avec autant de succès, il y a là de quoi être un peu fier d'un choix sociétal fait il y a trente ans, et surtout de quoi faire réfléchir ceux qui veulent aujourd'hui revenir en arrière pour démanteler ces acquis qui ont permis à la France de développer un soft power considérable, notamment à travers le spectacle vivant. Et Pellerin se montra ici bien plus à l'aise qu'il y a quelques mois, dans son allocution sur le même plateau en fêtant les 30 ans des Centres Chorégraphiques Nationaux.

En investissant dans la création et la diffusion artistique, la Corée du Sud se démarque également de son voisin japonais qui accorde bien moins d'importance à une politique culturelle et vient de fermer une vingtaine de facultés universitaires de sciences humaines, "pas assez utiles" pour le pays.

Le Jongmyo Jeryeak

Le sens de la cérémonie très étatique du Jongmyo Jeryeak est celui d'un hommage aux rois défunts, à leur action pour le développement culturel de la nation coréenne et des exploits militaires. Célébré une fois par an, en début du mois de mai dans la cour du temple de Jongmyo, sanctuaire des rois défunts de la dynastie Joseon (1392-1910), cet acte fondateur avait toute sa place pour lancer une manifestation diplomatico-artistique. Si le Théâtre National de Chaillot en était le lieu de choix en raison de sa symbolique et sa proximité avec la Tour Eiffel, les véritables lieux-miroirs du sanctuaire Jongmyo seraient la Crypte Saint-Denis et le Château de Versailles.

Le Jongmyo Jeryeak tel qu'il est célébré depuis environ six siècles est né de la volonté et de l'esprit artistique du roi Sejong le Grand (1397-1450) qui ordonna la création d'une musique de cour authentique (et y contribua personnellement) pour remplacer la musique chinoise en vigueur. C'est également lui qui est à l'origine de l'alphabet coréen, le hangeul qui correspond à l'alphabet occidental doublé d'une pensée asiatique. Ce même roi était par ailleurs doté de l'oreille absolue et corrigea la moindre dissonance des instruments, dont l'impressionnant Pyeongyeong (carillon de phonolithes), inventé sur mesure pour le Jongmyo Jeryeak et présent à Chaillot en deux exemplaires.

Les représentations à Chaillot avec 85 personnes en scène ont permis de prendre la mesure de l'importance d'un spectacle vivant pour l'âme d'une nation et les fondements de sa culture, à travers une véritable saga nationale qui loue les exploits des rois de la Dynastie Joseon. Citons-en un morceau de choix : « Les œuvres de nos ancêtres sont glorieuses à travers la paix et la culture. » Sur le site de Jongmyo, au cœur de Séoul, cette cérémonie se déroule par ailleurs en plein air, dans la cour du sanctuaire, considéré comme l'un des exemples les plus réussis de l'architecture traditionnelle coréenne, car particulièrement harmonieux. Aussi, le lieu idéal en France pour célébrer le Jongmyo Jeryeak serait par exemple la Place Stanislas à Nancy, à défaut de le déployer à Versailles même.

Les instruments étranges du Jongmyo Jeryeak © D.R.

Principes d'harmonie

Légèrement réduit et modifié pour s'adapter aux dimensions d'un plateau de théâtre, le Jongmyo Jeryeak déploie la force d'une série de danses de lignes (ilmu),exécutées dans des unissons très ralentis et placées entre deux orchestres symbolisant le ciel et la terre. Tout concourt à incarner l'harmonie avec la nature, selon les principes du Yin et du Yang. La palette chromatique reprend les couleurs-symboles du pays telles qu'on les trouve dans le Tajitu rouge-bleu qui orne le drapeau national, sur fond blanc. Comme par hasard, ses couleurs sont donc les mêmes que celles de la Tricolore française. Et si la France s'inspirait du Jongmyo Jeryeak pour fêter le 14 juillet sur les Champs-Elysées avec des danses baroques et autres, du ballet au hip hop ? Si, comme dans la cérémonie coréenne, les soldats étaient représentés par des danseurs ?

Danseurs du Jongmyo Jeryeak © Seo-HK

C'est une autre proposition chorégraphique qui fut réalisée le 18 septembre. Par une illumination particulièrement ingénieuse, la Tour Eiffel s'est mise à danser ! Sur le tube planétaire de Gangnam Style, elle semblait exécuter la fameuse danse du jockey tant imitée par les amateurs et internautes du monde entier. Et la voix de Psy de lancer à la vieille Dame de Fer du Champ de Mars son languissant: « Hey, sexy lady! » Aussi, l'harmonie franco-coréenne fut au plus haut, même si un ex-tube, lancé il y a quatre ans tout juste, paraît aujourd'hui bien plus désuet qu'une cérémonie vieille de six siècles.

Thomas Hahn

18 septembre 2015 - Théâtre national de Chaillot

http://theatre-chaillot.fr/festival/focus-coree

http://www.anneefrancecoree.com/

 

 

 

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