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Derrière Vaval, pleurs, cornes et fwèt, création de Thomas Lebrun
Thomas Lebrun signe un festif et poétique hommage à la culture antillaise et guyanaise interprété par trois artistes ultramarins qui célèbrent le carnaval tout en s’interrogeant sur leurs passés et leurs identités.
Depuis presque dix ans, Thomas Lebrun développe des projets avec les territoires ultra-marins : Guadeloupe, Guyane et Martinique. Afin de situer sa création au plus proche des vies, des mémoires et coutumes locales, il a fait appel à l’auteure et comédienne guyanaise Emmelyne Octavie qui a écrit un splendide et émouvant texte. Sa voix parfois grave ou pleine de douceur arbore des ressentis souvent poignants sur les existences ancestrales jusqu’à nos jours.

Ainsi, le chorégraphe crée trois soli interprétés par Gladys Demba de Guyanne, Jean-Hugues Miredin de Martinique et Mickaël Top de Guadeloupe. Chacun nourri de sa propre identité, Ils et elle dévoilent en corrélation avec les mots, des souvenirs hérités de leurs aïeuls grâce à des danses très expressives où le corps fait ressentir la souffrance, la misère, les larmes, leurs racines et la splendeur de leurs lieux de vie.
Galerie photo © Frederic Iovino
Mais il ne s’agit pas d’une œuvre dramatique, car intervient un être dont le visage est recouvert d’un impressionnant masque rouge à cornes. Nous voilà au carnaval ! Une journée de folie où le feu d’artifice retentit et que le diable, Jean-Hugues Miredin, s’amuse à faire peur ou à faire rire. La voix enregistrée dit : « Je mange à la table des diables, ils me rassasient de joie… Nul n’est roi s’il n’est diable… » Il défile comme une star. Sa souplesse peut rendre fou tant il vit cette incarnation diabolique et la multitude de ses mouvements apporte des notes d’humour car c’est la fête.

Dans l’épisode guyanais, Gladys Demba incarne les diablesses qui pleurent « Marre de ramasser vos larmes ». La danseuse est exceptionnelle dans ce solo qui narre les vicissitudes de la vie. Son corps, son âme et son existence sont totalement en symbiose avec le propos. Elle relate les difficultés du passé dans une gestuelle désarmante et troublante, d’une beauté et d’une grâce extrêmes.

Puis, Mickaël Top survient avec un fouet qu’il fait violemment claquer « Ziac Ziac Ziac.. » Un rituel du carnaval que les garçons apprennent dès leur enfance. Cette action cinglante et impressionnante illustre aussi les coups reçus dans leur jeunesse. Pour autant, il sourit, tourne, virevolte, danse à la perfection ce solo final qui envoute toute la salle. Car l’objectif du carnaval est de se lâcher, d’oublier les troubles et misères de la vie, de rire, de danser, de se parler, de vivre !
Une œuvre sérieuse, festive, douce, brutale, humble, virtuose et très poétique, intelligemment mise en lumière par Françoise Michel.

Après dernièrement, Duras (L’envahissement de l’être en 2023), le Mexique (Sous les fleurs en 2023) et maintenant un cocktail de subtilité, poignant et généreux sur les ultramarins, Thomas Lebrun poursuit la création de pièces réussies avec toujours des notes d’humour, des thèmes passionnants et originaux qui font découvrir différentes strates de la vie avec sensibilité, une imagination débordante et un talent de chorégraphe exceptionnel.
Sophie Lesort
Spectacle vu le 2 octobre 2025 à Tours
Derrière Vaval, pleurs, cornes et fwèt
Conception, chorégraphie : Thomas Lebrun en complicité avec les interprètes
Auteure et narratrice : Emmelyne Octavie
Interprètes : Gladys Demba Petit Tank, Jean-hugues Miredin, Mickaël Top
Création lumière : Françoise Michel
Création son : Maxime Fabre
Installation, régie générale : Gérald Bouvet
Assistante à la création : Anne-Emmanuelle Deroo
Régie lumière (en alternance) : Françoise Michel, Gérald Bouvet
Régie son (en alternance) : Maxime Fabre, Camille Dagonneau Dgn
Masque : Jean-Luc Toussaint
Costumes: Maryline Cesto-Brachet, Thomas Lebrun, Kite Vollard
En tournée :
10/10 L’Hectare - Territoires vendômois, Centre National de la Marionnette, Vendôme - 14/10 Théâtre de Chartres, scène conventionnée d’intérêt national art et création –
16/10 Centre Culturel Albert Camus Issoudun –
13/01 Théâtre d’Auxerre, scène conventionnée d’intérêt national –
21 >24/01 Chaillot – Théâtre national de la Danse, Paris
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