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Luce Bron, Tamara Fernando, Blanca Li et Bruno Benne au Temps d’Aimer 2025
La divergence des esthétiques et des styles des chorégraphes, Luce Bron et Tamara Fernando, Blanca Li puis Bruno Benne, nous a offert des œuvres surprenantes et singulières.
Au théâtre du Colisée, mardi 9 septembre, Luce Bron et Tamara Fernando, lauréates à Biarritz de l’édition 2023 du Tremplin Corps & Graphique, ont été programmées dans le cadre des soirées émergentes. Elles présentent deux œuvres intelligentes et subtiles sur des trajets de vie qui font réfléchir sur l’identité, la culture et les coutumes.
En première partie de soirée, Grey Wait (Attente grise) de la chorégraphe Luce Bron qui danse avec Vanessa Wüthrich un duo qui souligne la résilience nécessaire pour surmonter les défis de la vie, notamment celles que les femmes affrontent aux heures grises dans des zones d’ombre, d’où le titre. La chorégraphie délicate dessine la complicité des deux femmes suggérant le contraste entre la stabilité apparente dans un lieu sûr et l’insécurité de l’extérieur, soit une inquiétante réalité que toute femme peut ressentir. À mesure que la tension monte, les frontières entre le réel et l’imaginaire s’estompent car chaque moment de silence semble contenir une vérité cachée. Au sein de cet équilibre fragile entre la certitude et l’incertitude résident la beauté et la complexité d’un voyage commun. Une pièce intelligente et mystérieuse qui interroge le public.
Ensuite, Dream a little dream of we de Tamara Fernando dansé par cinq formidables interprètes liés par une amitié qui semble indestructible grâce à son énergie pleine de fougue. Cette pièce soutenue par une dramaturgie très bien traitée, évoque les oppositions entre l’isolement et ses contradictions tout en faisant jouer le corps dansant entre humour et théâtralité pour révéler tensions, tristesse et absurdités. Une œuvre très réussie tellement proche de l’actualité grâce à son thème puissant sur l’intégration. Ces deux pièces incarnent une danse engagée, tournée vers l’échange, l’inclusion et la réflexion, plaçant l’art de la chorégraphie au service du lien social et de la solidarité.
Le lendemain à La gare du Midi, Blanca Li et ses dix danseurs proposent une version dramaturgique et chorégraphique très personnelle de l’opéra baroque Didon et Énée d’Henry Purcell, sur la musique enregistrée de cette œuvre interprétée par Les Arts Florissants dirigés par William Christie.
Purcell nous relate la passion entre la reine de Carthage et un prince troyen, déchirés entre amour et devoir : fuyant Troie, Énée aborde à Carthage et tombe amoureux de la Reine Didon. Mais sorcières et esprits mettent fin à l’idylle, poussant Énée à reprendre la mer pour aller fonder Rome. Abandonnée, Didon meurt de chagrin dans une plainte inoubliable.
La chorégraphie très contemporaine de la première partie de cette épopée tragique tente de rendre sensible la fragilité de l’être face à l’amour. Ce que Blanca Li traduit par des danseurs vêtus de noir faisant virevolter leurs bras au dessus de leurs têtes. Puis, en corrélation avec la musique, ils miment les gestes de violonistes devant des paysages colorés qui défilent en fond de plateau. Ensuite, les interprètes traversent la scène en vidant délicatement des seaux d’eau sur le sol. Puis, enfilant gants et chaussettes les voilà qui s’élancent et glissent sur le sol trempé sur les genoux ou sur le ventre sur toute la largeur du plateau pendant un temps interminable (environ 40% du spectacle). La splendide musique de Purcell résonne alors qu’il est sincèrement difficile de comprendre le rapport entre ces sonorités et cette allusion si répétitive de la tempête, qui est censée rejeter l’équipage du bateau d’Énée sur les rives de Carthage. Seule la séquence des artistes assis les uns derrières les autres créent l’image réaliste d’un aviron qui se déplace difficilement sur une mer houleuse. Même si la chorégraphie de Blanca Li brouille l’intrigue de cet opéra, ce spectacle plus proche du cirque que de la danse a séduit une grande partie du public sans doute subjugué par l’aspect essentiellement visuel de cet ouvrage, magnifiquement éclairé grâce au talent de Pascal Laajili.
Galerie photo © Stephane Bellocq
Le 11 septembre au théâtre du Casino, Bruno Benne nous enchante avec Prendre l’Air créé en 2024. La pièce est interprétée par cinq danseuses et danseurs accompagnés en direct par deux clavecinistes installés sur scène.
L’œuvre débute avec le quintette vêtu de costumes collants noirs qui exécute une multitude de tours faisant voler leurs traînes légères en tissu de parachute. Placés devant un fond blanc, ils et elles provoquent des images magnifiques et voluptueuses. Tout en demeurant fidèle à son héritage baroque, Bruno Benne déploie un style volontairement contemporain. Les déplacements des artistes s’effectuent par le biais de petits pas serrés, s’inspirant de la « Belle dance », le haut du corps des interprètes dessine des envolées d’une modernité et d’une grâce infinie. Des doigts et poignets mouvants aux balancements si souples des bras, on découvre un panaché splendide de mouvements dansés qui s’entrelacent sans jamais se répéter.
Entre le son en direct des clavecins et la parfaite technique des danseurs, le chorégraphe ose générer une œuvre envoutante d’une incroyable beauté dont la gestuelle aérienne apporte un nouveau souffle au baroque. D’une pièce à l’autre, la compagnie Beaux Champs devient plus mature et nous surprend par la diversité de ses intentions chorégraphiques.
Sophie Lesort
Spectacles vus les 9,10 et 11 septembre 2025 à Biarritz pour le Festival Le temps d’aimer la danse.
Distributions
« Grey Wait »
Chorégraphe : Luce Bron
Interprètes : Vanessa Wüthrich, Luce Bron
Composition musicale : Luce Bron
« Dream a little Dream of We »
Chorégraphe : Tamara Fernando La Mama Compagnie
Interprètes : Pearl May Hubert, Matthew Totaro, Pierre d’Haveloose, Pauline Richard, Miranda Chan
Musique : Nils Frahm, Chopin
Créateur lumière : Darshan Fernando
Texte : Alan Watts.
« Didon et Énée »
Mise en scène et chorégraphie : Blanca Li assistée de Glyslein Lefever et Déborah Torres Garguilo
Musique enregistrée : Les Arts Florissants direction William Christie.
Scénographie : Blanca Li assistée de Nina Coulais
Interprètes : Martina Consoli, Alizée Duvernois, Coline Fayolle, Meggie Isabet, Melissa Cosseta, Julien Marie-Anne, Quentin Picot, Gaël Rougegrez, Gaétan Vermeulen, Victor Virnot
Lumières : Pascal Laajili assisté de Jean-Luc Passarelli et Boris Pijetlovic © Dan Aucante
Costumes : Laurent Mercier assisté de Ghjulia Giusti Muselli
« Prendre l’Air »
Compagnie Beaux-champs
Conception et chorégraphie : Bruno Benne
Interprétation : Polonie Blanchard, Gaspard Charon, Alix Coudray, Océane Delbrel et Louis Macqueron
Assistante à la création : Estelle Corbière
Musique : Jean-Sébastien Bach - Youri Bessières, créations originales 2024.
Cavecins : Loris Barrucand et Clément Geoffroy, en alternance avec Louis-Noël Bestion de Camboulas
Costumes : Erick Plaza Cochet
Lumières : Carlos Perez
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