Add new comment
6e édition du festival Panique au Dancing du 25 au 27 septembre 2025
La 6e édition du festival niortais Panique au dancing nous a permis de découvrir quatre pièces dissemblables, pour ne pas dire inégales : L’Épouse, de Rebecca Journo, Terre-plein, d’Aline Landreau, Portrait de famille, d’Agnès Pelletier et Simple, d’Ayelen Parolin.
La journée ouvrée où nous étions, se sont succédé temps forts et d’autres, selon nous, plus faibles. Commençons par ces derniers. Le très jeune public a fait bon accueil à la création de la compagnie nantaise Météores, Terre-plein, interprété par trois intermittents du spectacle (Ariana Aragno, Raphaël Dupin et Aline Landreau herself) sur le parvis séparant le Moulin du Roc/Scène nationale du monument aux morts de la Guerre de 14 conçu par Pierre Marie Poisson et inauguré par André Maginot en 1923.
La note d’intention de Météores était, avec Terre-plein, de valoriser « les gestes immuables appartenant au genre humain ». Pour ce faire, le trio, en tenue de camouflage, aguerri d’évidence au théâtre de rue, s’est armé de trois bâtons de section carrée d’environ 2,50 m avec lesquels ils ont remué, battu, combattu une vingtaine de pieuvres figurées par autant de tas de rubans en latex soigneusement découpés dans des chambres d’air recyclées, joints entre eux par des boutons de pression en laiton.

Les actants se sont escrimés trois quarts d’heure, leur ballet « hors du temps » mais aussi un tantinet « hors sol » suggérant des travaux de toute sorte – cueillette d’algues sauvages, gaulage de châtaignes, glanage de blé, ramassage de déchets plastiques, etc. Le minimalisme étant de rigueur, ni la chorégraphe ni ses interprètes n’ont cherché à produire quoi que ce soit de particulièrement virtuose. Une bande-son électro-acoustique diffusée par des baffles portables accompagnait cette lutte d’Ulysse contre de mini-poulpes fuligineux.
Simple (2021) d’Ayelen Parolin se réfère clairement au ballet moderne – et non post-moderne, comme il nous est dit dans le programme – Summerspace (1958) de Merce Cunningham. Le nom de la chorégraphe rimant avec… parodie, celle-ci a entrepris de pasticher ce classique de l’avant-garde. Elle se prive de la musique de Morton Feldman, lui préférant le silence, le bruit des pas que produit la danse, quelques interjections et deux tubes de variétés entonnés au final. Ayelen Parolin reprend grosso modo les motifs tachistes aux teintes pastel de Robert Rauschenberg qui, pour une fois, agrémentaient les académiques austères obligées.

Dans une certaine mesure, on peut confirmer que la caricature de l’œuvre originale parvient à ses fins puisqu’elle produit le rire d’une partie de la salle au terme de chaque tableau, séquence ou routine cabaretière. C’est déjà ça. Pas simple de faire simple. Si l’on compare la démarche – et le résultat – de Simple aux travaux d’un Foofwa d’Immobilité (notre critique) ou de Cédric Andrieux (cf. son solo chorégraphié par Jérôme Bel de 2009), tous deux passés par la compagnie de Cunningham, on peut trouver léger (ne disons pas « simplet ») le détournement caricatural d’Ayelen Parolin. D’après nous, le pastiche d’une œuvre doit être au moins du niveau de l’original. Ceci dit, les trois interprètes distribués, Baptiste Cazaux, Piet Defrancq, Daan Jaartsveld, sont techniquement remarquables.

Bien que L’Épouse, de Rebecca Journo ne fasse pas partie de sa série d’autoportraits photographiques on pense aux clichés en noir et blanc d’une Francesca Woodman [notre critique]. Le clair-obscur dominant, la tenue de mariée de la danseuse-chorégraphe, d’une blancheur pouvant symboliser le deuil en Asie, l’expression dramatique de son visage opalin et la tonalité d’ensemble de la variation sont ceux d’une dame aux camélias ou d’un mannequin hoffmanien.
Rebecca Journo se présente immobile comme une poupée inanimée, le haut du corps est couvert par un bustier et les bras sont dénudés ; une robe à volant ou, plus précisément, un jupon à arceaux dissimule ses jambes entr’aperçues un moment en contrejour ; ses pieds sont protégés par de simples chaussettes ; elle tient à la main un bouquet d’alstrœmères ou de lys des Incas, comme celui d’une fiancée se rendant à l’église – ou d’une veuve pas très joyeuse en sortant. Accompagnée d’une composition électronique qui ne mégote pas sur l’infrabasse, la danseuse s’ouvre un chemin à travers l’assistance debout, jetant des coups d’œil à l’un et à l’autre. Nous ne dévoilerons rien de la chute finale pour réserver la surprise aux futurs spectateurs.
Agnès Pelletier, la directrice artistique de ce festival biennal, a signé et étrenné une magnifique œuvre collective, Portrait de famille, dansée au son de la techno, pendant une vingtaine de minutes, par une cinquantaine d’interprètes de tous âge, genre, gabarit, origine sociale, portant pour signe distinctif (ou commun) une perruque noire de taille et coupe unique, à base de cheveux synthétiques, de celles qu’on peut se procurer à Paris, autour de Strasbourg-Saint-Denis, ou tout bonnement sur des sites de VPC.

Le titre doit sans doute au fait que cette performance in situ se soit déroulée devant un magasin de photo à l’enseigne de la maison Kodak. Inutile de préciser que le public est venu en nombre. Le bouche à oreille a fonctionné ; les interprètes ont sans doute aussi invité famille et amis ; la réputation de la chorégraphe a fait le reste. En à peine cinq heures de répétitions, croyons-nous savoir, la troupe a mémorisé une suite gestuelle pas si simple que cela à retenir, encore moins à restituer en parfaite synchronie, sans trace de trac. Un spectacle réussi et, surtout, bon esprit.
Nicolas Villodre
Vus le 26 septembre 2025 à Niort.
Catégories:














